Pour valoriser la formation professionnelle, les services professionnels un passage obligé

2018/02/07 | Par Johanne Pomerleau

L’auteure est présidente de la Fédération des professionnelles et professionnels de l’éducation du Québec (FPPE-CSQ)

« Favoriser la réussite, c’est s’ajuster aux besoins des élèves d’aujourd’hui. » C’est l’un des messages lancés par le ministre Sébastien Proulx dans son mot d’ouverture des Journées de réflexion sur la formation professionnelle. Encore faudra-t-il joindre les actes à la parole.

Les mesures d’intégration pour les élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (HDAA) portent fruit et, par conséquent, à l’instar des collèges et universités, on observe une hausse importante des élèves ayant des besoins particuliers en formation professionnelle. Malheureusement, l’offre de services y est largement insuffisante, inégale et inéquitable.

Selon le régime pédagogique, seuls les élèves de moins de 18 ans – et moins de 21 ans pour les élèves en situation de handicap – peuvent avoir accès à l’ensemble des services éducatifs complémentaires, dont la psychologie, l’orthopédagogie, la psychoéducation, l’orthophonie, etc. La moyenne d’âge dans ce secteur est pourtant de 28 ans. Pourquoi le ministère n’offre-t-il pas les mêmes services à tous les élèves de la formation professionnelle, peu importe leur âge?

Et même pour les plus jeunes, les services ne sont pas au rendez-vous. L’Association québécoise des cadres scolaires calcule en effet qu’un investissement de 14 millions de dollars est nécessaire pour offrir aux élèves de moins de 20 ans de la formation professionnelle un niveau de financement comparable à ce qu’on retrouve à la formation générale des jeunes.

Le déficit de services d’aide aux élèves est devenu un frein à la réussite. Soutenir la réussite des élèves en formation professionnelle, c’est assurer que les services offerts et les mesures mises en place au secteur jeune dans le cadre d’un plan d’intervention se poursuivent lors du passage en formation professionnelle. C’est offrir du support à l’apprentissage, dont des services d’orthopédagogie. C’est offrir une évaluation aux élèves qui ont toujours vécu des difficultés sans avoir de diagnostic. C’est assurer l’accès à des services psychosociaux, être à l’écoute et comprendre les réalités des élèves qui viennent de divers horizons. Certains sont issus de l’immigration, plusieurs conjuguent la conciliation travail-famille-études en monoparentalité, d’autres vivent avec des problèmes de santé physique ou psychologique. Selon les données du ministère, 36 % des personnes admises en formation professionnelle sont issues de milieux défavorisés.

Les jeunes et leurs parents se perdent dans la multitude d’informations scolaires transmises et les préjugés qui y sont associés (plateforme, site Web, contenus obligatoires en orientation scolaire et professionnelle, etc.). L’information, c’est bien, mais faute de ressources spécialisées, ils ont malheureusement de moins en moins accès à une véritable démarche d’orientation permettant de clarifier leurs besoins et intérêts spécifiques. Sans compter le peu de services offerts en accompagnement pour discriminer l’information et définir le projet qui leur correspond, une nécessité, notamment pour les élèves ayant des besoins particuliers.

La formation professionnelle est un milieu exigeant, autant pour les élèves que pour le personnel enseignant. Ces derniers doivent devenir à la fois spécialistes d’un métier et de la pédagogie. Que ce soit donc pour apprendre le métier d’enseignant, intégrer le numérique ou adapter leur enseignement pour les élèves ayant des besoins particuliers, le support des conseillers pédagogiques est essentiel. Pourtant, ce service a, lui, subi d’importantes compressions. En fait, c’est l’ensemble des services professionnels qui sont la marge de manœuvre budgétaire. Trois cent cinquante postes ont été abolis entre 2014 et 2016. Et la formation professionnelle, parent pauvre du réseau scolaire, en subit doublement les conséquences.

La valorisation et le positionnement de la formation professionnelle doivent passer par un sérieux réinvestissement en matière de services éducatifs complémentaires. Il faut assurer que des sommes y soient dédiées et protégées pour assurer un accompagnement de qualité et la pérennité des services.

Photo : CSQ