Le vrai visage de la CAQ

2018/02/20 | Par Michel Rioux

L’auteur est syndicaliste

La Coalition avenir Québec est en passe de réaliser l’une des plus formidables mystifications politiques des dernières décennies. Grâce à une communication publique contrôlée de brillante façon par des experts en la matière, la CAQ a réussi jusqu’à maintenant à se présenter comme la principale alternative à un Parti libéral empêtré dans la corruption et vassalisé par les grandes fédérations médicales, un parti dont la population a visiblement ras-le-bol avec un taux stratosphérique d’insatisfaction de 66 %.

Peu importe qu’elle dise une chose et son contraire, qu’elle soit en quelque sorte le club ferme du parti libéral en lui fournissant des ministres vedettes comme Dominique Anglade, Sébastien Proulx ou Gaétan Barrette, ou encore qu’elle soit le refuge de libéraux déçus, comme ce fut le cas lors de l’élection partielle dans le comté de Jean-Talon où a été élue Geneviève  Guilbeault, encore récemment active dans les cabinets libéraux, la CAQ réussit ce tour de force d’en arriver à faire croire qu’elle se situe aux antipodes du parti libéral et qu’elle représente ce changement auquel disent aspirer nos concitoyens.

La nouvelle députée ne manie pas encore parfaitement la langue de bois. Dans sa première intervention, elle a fait l’éloge du réseau privé de garderies : « Nous, on encourage beaucoup le modèle d'affaires que sont les garderies privées non subventionnées, c'est vraiment une forme d'entrepreneuriat que l'on souhaite soutenir », a-t-elle dit en présence d’un Legault qui s’est empressé d’enfumer la position de la CAQ sur cette question.

Ce parti a depuis longtemps trouvé son inspiration chez les thuriféraires de démantèlement du modèle québécois qui officient à l’Institut économique de Montréal. L’alliance est maintenant consommée avec l’arrivée de Youri Chassin, économiste de la droite la plus engagée et directeur de la recherche de cet Institut, comme candidat de ce parti. On l’a vu sur toutes les tribunes pourfendre les libéraux qui, à son goût, avaient augmenté de façon scandaleuse le salaire minimum à 11,25 $. Encore il y a quelques jours, c’est son collègue de l’IÉM, Patrick Déry, qui soutenait que ce sont les entrepreneurs qui vont sauver notre système de santé en le privatisant…

Le site internet de la CAQ est révélateur des sources qui inspirent ce parti. Ce qui apparaît en premier lieu est une Lettre de François Legault aux contribuables. Vraiment ! Quand on réduit les citoyens, et par le fait même la chose publique, au statut de contribuables, cela en dit long sur l’estime dans laquelle on les tient. Car dans l’histoire, celui qu’on appelle aujourd’hui contribuable a été désigné sous les vocables de censitaire, corvéable et taillable.

 

Le modèle social-démocrate québécois

L’élection d’octobre représente donc un tournant majeur en ce qui a trait à l’avenir du Québec. Les Québécoises et les Québécois sont, à raison, fiers du modèle mis en place au Québec depuis près de 60 ans maintenant. Ce modèle est bien sûr perfectible, surtout quand on constate l’état dans lequel il se retrouve après les assauts d’austérité auxquels les libéraux l’ont soumis. Mais l’urgence de l’heure consiste à bloquer la route à cette Coalition dont l’objectif inavoué est d’achever la déconstruction entreprise par le PLQ de Charest et Couillard.

Le récent sondage Léger publié fin janvier dans Le Devoir devrait faire réfléchir celles et ceux qui jettent aujourd’hui leur dévolu sur la CAQ. Les Québécois, à hauteur de 66 %, préfèrent un réinvestissement en santé alors qu’ils ne sont que 34 % à préconiser des baisses d’impôt. La CAQ fait un double salto en disant baisser les impôts tout en améliorant les services : le beurre et l’argent du beurre.

Le fabuliste raconte cette histoire d’un loup affamé qui rôdait toujours autour d’un troupeau d’agneaux. Mais le berger montait si bien la garde que le loup ne pouvait guère s’en approcher. Un jour, non loin du pré, le loup trouva une peau d’agneau que le berger avait abandonnée. Ravi de l’aubaine, le loup l’enfila par-dessus sa fourrure et se mêla au troupeau. Personne ne le reconnut car tout le monde croyait que c’était un mouton parmi d’autres.

La nuit venue, le berger, qui avait très faim, décida de sacrifier un animal pour son souper. Il vit un mouton qui s’approchait lentement de sa cabane. Comme le déguisement du loup était vraiment parfait, le berger le prit pour un de ses moutons et lui asséna un coup de bâton. C’est ainsi que l’ingénieuse idée du loup lui fut fatale.

Comme pour le loup déguisé en mouton, c’est aujourd’hui faire oeuvre civique que de démasquer ce parti qui usurpe vraiment une identité qui n’est pas la sienne pour qu’apparaisse son vrai visage, celui d’un parti dont l’objectif caché consiste à achever le démantèlement de ce modèle québécois qui fait toujours la fierté des hommes et des femmes d’ici et qui a assuré le développement fulgurant du Québec. Un vieil adage populaire dit que tout finit par se savoir. Espérons, pour le bien du Québec, que cela se sache où loge véritablement la CAQ.

 

Photo : Radio-Canada