Diane Kruger, artiste engagée

2018/03/01 | Par Pierre Jasmin

Diane Kruger dans une scène où elle est maîtrisée par la police que le film ne caricature pas

Déjà gagnant du prix Golden Globe 2018 du meilleur film en langue étrangère, in dem nichts (in the fade) met en vedette Diane Kruger, dans son premier rôle tourné dans sa langue maternelle, justement récompensé par le Prix d’interprétation de Cannes de 2017. La voici qui co-signe, en France dans le journal Libération, une pétition d’actrices, cinéastes, humoristes et productrices qui s’engagent contre les violences sexuelles : « On a subi. On s’est tues. Maintenant on agit! ». La France avait réagi à l’affaire Weinstein jusqu’à présent avec la campagne Balance ton porc, avec ses injustices potentielles de délations jugées agressives par la très maladroite lettre des Catherine Deneuve et Catherine Millet. On espère que la cérémonie des Césars du 2 mars saura maintenant accorder une place méritée à la nouvelle initiative féministe.

Tourné par Fatih Akin, hors de nulle part est en lice dimanche le 4 mars comme un des cinq films en langue étrangère proposés à un Oscar. Le titre en français n’est pas plus clair que In the fade, son titre dit international, et sûrement ces confusions de titres ont joué contre sa fréquentation. Pourtant à l’heure où des « nonos à pattes de chien » s’inscrivent à la Meute ou à Storm Alliance, il serait essentiel que tous voient cette éloquente dénonciation de l’extrême-droite de la haine.

Des critiques qualifient cette œuvre du réalisateur turco-allemand de « manichéenne  histoire de vengeance ». Ils ont trop vu de films de Clint Eastwood car à mon sens, il s’agit plutôt d’une oeuvre de révolte, voire de répulsion envers le racisme ordinaire auquel se trouve confrontée cette femme blonde aryenne, mariée à un Kurde qui lui a fait un bel enfant, dans un contexte où l’extrême-droite néo-nazie en train de s’immiscer bouleverse les règles en Allemagne, malgré l’admirable résistance d’Angela Merkel.

L’intense réalisateur turco-allemand Fatih Akin

On le voit clairement dans le retournement de situation que vit cette femme interrogée sans aucun égard par la police, soupçonnée même par sa propre mère de trop protéger son époux kurde, dont les parents l’accusent à l’inverse de ne pas avoir su le protéger. Au moment où en butte à trop d’hostilité, ses forces semblent l’abandonner, un appel reçu in extremis par son avocat réussit à la ramener à la vie, à la quête de justice et de lumière pour donner un sens à son drame vécu.

On ne sait pas la proportion de ce qui est romancé dans cette histoire tirée d’un fait vécu, qui montre combien le système judiciaire, qui doit continuer à appliquer ses standards objectifs de vérité et de respect des droits de la personne, semble dépassé par une nouvelle situation sociale où le néo-nazisme déforme toutes les perspectives, avec des témoignages fabriqués par la haine des immigrants.

Ne ratez sous aucun prétexte ce film qui, malgré un scénario trop fabriqué, DEVRAIT mériter cet oscar, car il servirait à sensibiliser tous nos concitoyens d’Amérique du Nord (et d’Italie, appelée à voter dimanche) sur ce qui risque d’arriver avec les populistes qui montent dans les sondages en attaquant les immigrants.

N’y a-t-il pas urgence pour tous les citoyens responsables de sortir de nulle part et de réagir, contre le glissement possible vers l’extrême-droite de la société, par l’adhésion à un groupe militant de pression ou à un parti de gauche?