Le fiasco des PPP au Royaume-Uni

2018/03/14 | Par Éric Albert

Cet article est reproduit du journal Le Monde.

Le Royaume-Uni, qui a été l’un des principaux leadeurs des partenariats public-privé, a désormais presque cessé d’y recourir. De 2002 à 2007, les autorités britanniques ont signé en moyenne 55 contrats de ce type par an. L’année dernière (avril 2016 à mars 2017), elles n’en ont passé qu’un seul, selon un récent rapport du National Audit Office, l’équivalent britannique de la Cour des comptes.

La quasi-disparition des private finance initiative (PFI), pour reprendre la terminologie officielle anglaise, est la conséquence logique de défauts de plus en plus apparents. Ce système permet de faire financer un investissement public – par exemple la construction d’un hôpital ou d’une école – par le secteur privé. L’Etat n’a pas besoin de débourser d’argent, donc l’emprunt n’apparaît pas dans les comptes publics. Mais au bout d’une dizaine d’années, les remboursements commencent, s’étendant sur des décennies.

C’est exactement ce qu’il se passe actuellement au Royaume-Uni. Après les années 2000, où ces investissements semblaient indolores, il est désormais l’heure de payer : 700 PFI sont actuellement en cours ; l’an dernier, les autorités publiques ont dû verser 10,3 milliards de livres (11,5 milliards d’euros) pour les honorer. En l’état actuel des choses, les remboursements vont s’élever au total à 199 milliards de livres, et s’étaleront jusqu’aux années 2040.

Dans ces circonstances, les PFI sont devenus très impopulaires. Le gouvernement conservateur ose à peine les défendre – et n’y recourt plus. Quant au Parti travailliste, sous la houlette de son leadeur très à gauche Jeremy Corbyn, il a fait de la fin des PFI l’un de ses grands objectifs. Il propose de supprimer la majeure partie d’entre eux, en les ramenant directement sous le contrôle du secteur public. Le 8 février, John McDonnell, en charge de l’économie au Labour, estimait que les entreprises privées concernées ne seraient pas nécessairement compensées : « Le Parlement déterminera s’il faut fournir une compensation ou pas, et à quelle échelle. »

En soi, le fait que le remboursement des PFI s’étende sur des décennies n’est pas surprenant. Si l’Etat avait financé directement ces investissements, les échéances se seraient aussi étalées sur une longue période. La vraie question est de savoir laquelle des deux méthodes était la plus rentable.

Selon le rapport du National Audit Office, la comparaison n’est pas à l’avantage du PFI. Les emprunts du secteur privé sont toujours plus chers que ceux opérés par les gouvernements : sur les marchés, les taux d’intérêt tournent autour de 4 %, au lieu de 2 % pour l’Etat. Il faut ajouter à cela le retour sur investissement exigé par les investisseurs, généralement entre 2 % et 4 %. Résultat, la construction d’écoles par des PFI coûte en moyenne 40 % de plus que par le service public. Celle des hôpitaux est 70 % plus élevée, selon des calculs du Trésor britannique datant de 2011.

Pour compenser, les entreprises privées sont censées apporter des gains de productivité. Dans l’ensemble, ceux-ci ne se sont pas concrétisés. « Notre travail sur les hôpitaux n’a trouvé aucune preuve d’efficacité opérationnelle : le coût des services était similaire (à celui du secteur public) », affirme le National Audit Office.

 

Fiasco

Les PFI peuvent aussi mener, dans certains cas, à un manque de flexibilité. L’exemple le plus choquant est sans doute celui de l’école secondaire de Parkland à Liverpool. Celle-ci est désormais vide, à la suite d’une réorganisation de la répartition des élèves du quartier. Mais la mairie continue à verser quatre millions de livres par an à l’entreprise qui a construit l’établissement, pour rembourser l’emprunt, mais aussi pour un travail (fantôme) d’entretien du bâtiment. Le contrat de PFI avait été signé sans clause permettant à Liverpool d’arrêter ces paiements et la mairie est bloquée. Résultat, d’ici à 2027, elle va verser 47 millions de livres (53 millions d’euros) pour ce projet, deux fois plus que le coût de la construction de l’école.

Les autorités britanniques assurent qu’elles ont tiré les leçons de ce fiasco et que les contrats sont désormais mieux rédigés. Mais ce genre de scandale a tué pour longtemps l’idée du partenariat public-privé au Royaume-Uni.