La FTQ va s’impliquer dans la campagne électorale

2018/03/16 | Par Pierre Dubuc

À l’occasion du Premier Mai, une centaine de travailleuses et de travailleurs de la FTQ se rendront à l’Assemblée nationale pour rencontrer les députés des différents partis politiques et leur soumettre trois des revendications que la centrale syndicale entend mettre au jeu sur la place publique au cours de la prochaine campagne électorale, soit 1) l’instauration d’un régime public d’assurance médicaments; 2) l’adoption d’un plan québécois de transition juste vers une économie verte et « sans pétrole »; et 3) l’adoption d’un nouveau mode de scrutin mixte proportionnel.

« Cette activité et la tenue, à Montréal, d’une manifestation nationale pour la Journée internationale des travailleuses et des travailleurs serviront de rampe de lancement pour la campagne d’action politique qu’entend mener la FTQ en cette année électorale », de nous expliquer le secrétaire général Serge Cadieux, rencontré dans les bureaux de la Centrale syndicale à Montréal.

« L’an passé, nous avons tenu une action similaire avec une centaine de militantes et de militants. Nous avions aussi trois demandes. 1) Bonifier le Régime des rentes du Québec en signant l’entente de Vancouver. Le gouvernement l’a fait. 2) Concernant les clauses de disparité de traitement (les clauses « orphelin ») dans les régimes de retraite, les assurances collectives et les autres avantages sociaux, le gouvernement avait déclaré qu’il ne les interdirait que le jour où toutes les provinces adopteraient une clause semblable. Nous avons protesté. Il a reculé. 3) Puis, il y avait la hausse du salaire minimum. Québec  avait annoncé une hausse de 50 cents. On a eu 75 cents. Ce n’est pas encore assez, mais c’est un gain », constate un Serge Cadieux encouragé, par ces résultats, à poursuivre l’implication des membres de la FTQ dans des rencontres avec les élus.

Comme elle a traditionnellement l’habitude de le faire, la FTQ va procéder au bilan de l’action du gouvernement et comparer les programmes des différents partis politiques. De plus, son Conseil général vient d’adopter une plateforme électorale avec une liste de 22 revendications, dont cinq prioritaires.

« Nous avons invité les chefs des partis politiques à une rencontre avec le bureau de direction  de la FTQ, mais nous voulons aussi, ajoute Serge Cadieux, que nos membres soient actifs sur le terrain. Lors de la dernière campagne électorale fédérale, nous avons formé plus de 600 militantes et militants à l’action politique non partisane. Ils avaient pour mandat d’interpeller leurs collègues, non pas pour leur dire pour qui voter, mais bien pour leur montrer ce que tel ou tel article de programme pourrait changer dans leur vie. »

« Lors de la campagne fédérale, le mot d’ordre était ‘‘N’importe qui sauf Harper’’, mais cette fois-ci, ce ne sera pas ‘‘N’importe qui sauf Couillard’’, nous assure Serge Cadieux. « Ça ne peut pas être le cas, parce que les Libéraux ont mis en vigueur le programme de la CAQ avec des ministres issus des rangs de la CAQ ! En critiquant l’un, on critique l’autre. C’est faire d’une pierre deux coups! »

Toutefois, la FTQ se gardera d’appuyer un parti politique en particulier. Mais, comme le reconnaît le dirigeant syndical, « si ce n’est pas les Libéraux ni la CAQ, restent le Parti Québécois et Québec Solidaire ».

Au cours de la campagne contre les Conservateurs de Stephen Harper, la FTQ avait ciblé un certain nombre de comtés où elle avait déployé ses militantes et militants pour contribuer à la défaite des candidats conservateurs. La Centrale en tire un bilan positif.

« Nous avons fait battre six candidats conservateurs dans les onze comtés ciblés. C’est le premier élément positif. Mais, surtout, nous avons redonné le goût aux militantes et militants d’intervenir sur la place publique. De faire du porte-à-porte. De tenir des assemblées de cuisine. Autrement dit, d’être sur la patinoire plutôt que de regarder la partie sur le bord de la bande. »

Va-t-on répéter l’expérience lors du prochain scrutin provincial? « La décision n’est pas prise », répond le secrétaire général.

« Chose certaine, enchaîne-t-il, nous voulons que nos militantes et militants mènent une campagne d’éducation de ‘‘membre à membre’’ pour présenter notre projet de société. »

De la liste des 22 demandes contenues dans cette plateforme électorale, la Centrale en a identifié cinq de prioritaires.

« Il faut d’abord réinvestir massivement dans le développement de services publics de qualité et universels, particulièrement en santé et en éducation. On ne pourra pas passer à côté de la critique des salaires des spécialistes, de l’affaiblissement du réseau des services de garde et des coupures dans l’éducation », précise Serge Cadieux.

La FTQ veut aussi lancer un débat public sur la nécessité d’un régime d’assurance médicaments universel et public. « Notre régime hybride public/privé est insatisfaisant. Il y a encore des Québécoises et des Québécois qui se privent de médicaments, faute de moyens. Dans les milieux de travail syndiqués, l’augmentation des coûts des assurances privées complémentaires rend difficile la négociation d’améliorations aux conditions de travail. Nous sommes le seul pays au monde où l’assurance maladie n’inclut pas une assurance médicaments », précise-t-il en soulignant que la FTQ tiendra un colloque sur la question cet automne.

La troisième revendication majeure concerne la conciliation travail et vie personnelle. « La démographie et le monde du travail ont changé. Les gens veulent ‘‘plus de temps’’. Des congés parentaux et familiaux. Davantage de vacances. On demande donc une loi-cadre sur le modèle de la loi sur l’équité salariale. »

Bien entendu, le salaire minimum à 15$ demeure une revendication phare. « Au Canada, le Québec a été le premier à lancer le mouvement, rappelle le secrétaire général de la FTQ. Jusqu’ici, trois provinces ont légiféré : la Colombie-Britannique, la Saskatchewan et l’Ontario. Il est plus que temps que le Québec légifère à son tour. »

Enfin, la FTQ est préoccupée par les conséquences sur les travailleurs des industries polluantes de la transition vers une économie verte et « sans pétrole ». « Le Québec est bien placé pour effectuer ce virage nécessaire. Mais qu’est-ce qui va arriver aux travailleurs touchés? Quel est le plan de match? En fait, le Québec n’a pas de plan. Il en faut un », de conclure Serge Cadieux en soulignant l’engagement de la Centrale à favoriser l’élection d’un gouvernement qui s’engagera résolument à promouvoir un régime de justice sociale, de dignité de la personne et de liberté démocratique.