Un budget fédéral qui se contrebalance des besoins du Québec

2018/03/22 | Par Gabriel Ste-Marie

L’auteur est député fédéral, membre du Groupe parlementaire québécois

Le gouvernement de Justin Trudeau affiche un mépris total à l’égard des Québécoises et Québécois. Le dernier budget en est un exemple criant. Plus que jamais, Ottawa se rit complètement du Québec. Par exemple, pour lutter contre la tordeuse d’épinette, le gouvernement libéral a décidé d’octroyer 75 millions  $ aux Maritimes et pas un sou au Québec, alors que notre zone infectée par la tordeuse est plus grande que le Nouveau-Brunswick au complet ! C’est un nouveau cadeau à la famille Irving, qui possède 4 millions et demi d’acres de boisés.  On peut dire que la forêt des Maritimes appartient à la famille Irving !

Le chantier de la Davie à Lévis, le plus gros chantier naval au Canada,  a dû licencier 800 travailleurs avant Noël, faute de contrats du gouvernement canadien. Pourtant, la Davie a livré dans les délais et au coût prévus le ravitailleur Astérix. Cela le qualifiait pour la construction du deuxième navire ravitailleur et des brise-glace, dont le Canada a un impérieux besoin.  Mais rien n’est prévu à cet effet dans le budget.

Les deux chantiers, qui se sont partagé les plantureux contrats des dernières années, soit Irving au Nouveau-Brunswick et Seaspan en Colombie-Britannique, enregistrent d’importants retards dans la livraison de leurs navires.  Cela plaide pour une redistribution des contrats. Mais il n’en est rien. Le gouvernement Trudeau va laisser agoniser la Davie. De toute évidence, les 40 députés libéraux du Québec pèsent moins lourd dans la balance que les 32 députés des Maritimes.

L’augmentation des transferts en santé était la demande prioritaire des Québécois à Ottawa. Notre système est mis à mal, notamment par le choix d’Ottawa de réduire sa part dans le financement dans le domaine de la santé. Évidemment, le budget est muet sur cette question. Le gouvernement de Justin Trudeau se moque de nos besoins et préfère créer des programmes qu’on a déjà au Québec. Par exemple, il annonce qu’il veut créer une assurance médicaments… mais seulement hors-Québec, parce qu’on a déjà la nôtre. Il déclare qu’il veut créer des congés parentaux… mais seulement hors-Québec, parce qu’on a déjà les nôtres depuis 12 ans. L’an passé, il a débloqué de l’argent pour créer des places en CPE… mais seulement hors-Québec, parce qu’on a déjà les nôtres. Il nous informe aujourd’hui qu’il va déposer une loi sur l’équité salariale au niveau fédéral… alors qu’on a la nôtre depuis 22 ans ! Les programmes d’Ottawa sont déphasés par rapport aux nôtres.

Rien de budgété non plus pour les infrastructures fédérales en régions, comme les aéroports et les ports. Les sommes déjà annoncées pour les infrastructures municipales sont toujours bloquées à Ottawa à cause de la rigidité du programme. Doit-on s’en étonner ?!

On nage également en plein obscurité sur la question du trou noir de l’assurance-emploi.

Malgré la demande unanime de l’Assemblée nationale du Québec, le gouvernement de la ministre Mélanie Joly s’obstine à accorder un avantage indu de 15 % aux géants du web au détriment de nos commerces, en choisissant de ne pas percevoir leurs taxes. Est-ce Amazon qui crée des emplois dans nos villes et nos municipalités ? Bien sûr que non ! Ce n’est pas non plus Netflix qui finance notre secteur culturel. Mais le gouvernement Trudeau a choisi son camp : les multinationales du web plutôt que nos entreprises et commerces locaux.

Occasion ratée aussi pour les paradis fiscaux. Encore une fois, le gouvernement du Québec a demandé à Ottawa de cesser de légaliser les paradis fiscaux.  Au lieu de rendre illégal ce qui est immoral, le gouvernement canadien vient de légaliser deux nouveaux paradis fiscaux. Ce choix politique a un prix. C’est entre sept et dix milliards $ par année qui échappent au fisc. C’est clair plus que jamais : la volonté unanime du Québec, telle qu’exprimée par son Assemblée nationale, ne fait pas le poids face au lobby de Bay Street.

Au Québec, le Mouvement Desjardins et la Banque nationale n’ont pas de filiales dans les paradis fiscaux. À Toronto, les cinq grandes banques y cachent leurs profits. La classe moyenne – celle qui travaille et paie ses impôts – va assumer le déficit. Parce que c’est ce qui se passe : l’argent caché dans les paradis fiscaux correspond au déficit budgétaire. Toute une vision économique que celle des libéraux fédéraux !

Encore une fois pour faire plaisir aux banques de Bay Street, les libéraux inscrivent dans le discours du budget qu’ils vont revenir à la charge pour soustraire les banques canadiennes à la loi de la protection du consommateur du Québec. On les attend de pied ferme ! Pas question de faire reculer le Québec de 40 ans pour satisfaire l’appétit insatiable de leurs amis banquiers.

Les ministres font de beaux discours sur la protection de la gestion de l’offre en agriculture, mais le gouvernement la brade dans les accords commerciaux. Par exemple, dans le nouvel accord de partenariat transpacifique, le gouvernement n’a même pas renégocié les quotas. Les libéraux ont choisi de céder la même part de marché que dans l’accord précédent, alors que les États-Unis ne font plus partie de l’entente. Cela n’augure rien de bon pour la renégociation de l’ALÉNA! Pendant ce temps, aucune compensation pour nos agriculteurs. Le budget les a oubliés!

Avec les engagements environnementaux pris par le gouvernement dans le cadre de la COP21, on s’attendait à des mesures pour encourager l’électrification des transports, comme des primes à l’achat de véhicules électriques ou de l’argent pour développer le réseau de bornes de recharge. Mais non, nada.

Le budget porte une attention toute particulière, au moins au niveau du discours, aux femmes, aux Autochtones et aux autres minorités. Mais il se contrebalance des Québécoises et les Québécois. Il ne fait même plus semblant de se préoccuper de leurs besoins. Le Québec n’a jamais été aussi faible à Ottawa. C’est le prix à payer quand on se laisse gouverner par une autre nation.