Le REÉR : individualisation des risques et faibles rendements

2018/04/03 | Par IREC

Extraits du plus récent Bulletin de la retraite, dont la version intégrale est disponible en ligne : http://observatoireretraite.ca/publications/bulletins/ ou http://www.irec.net/index.jsp?p=124

Risques financiers individualisés

Avec les Régimes enregistrés d’épargne-retraite (REÉR), les risques liés à l’épargne sont entièrement assumés par les individus. Risques relatifs aux rendements, d’abord : les REÉR sont fortement exposés aux aléas des marchés. Puisque les REÉR ne sont pas dotés de mécanismes permettant de mutualiser et de répartir le risque financier, chaque cotisant doit assumer la possibilité de voir son capital diminuer. Les personnes qui comptaient sur leurs REÉR pour compléter leurs rentes de retraite au moment où s’est déclenchée la crise financière de 2007-2008 le savent mieux que quiconque.

En outre, le risque dit « de longévité » est supporté individuellement par les cotisants aux REÉR. Le REÉR consiste en un capital devant être retiré annuellement selon une espérance de vie probable. Cependant, une personne survivant à son capital verra cette source de revenu se tarir et aura des revenus moins élevés pour les dernières années de sa vie. Inversement, si un rentier décède avant d’avoir épuisé son capital, une bonne partie des REÉR accumulés sera imposée à un taux marginal élevé, car l’ensemble du REÉR accumulé doit être inclus au revenu du rentier décédé, sauf s’il s’agit d’un conjoint[1].

 

Deux limites associées à la gestion du capital

La première limite a trait aux stratégies de gestion des actifs. Même si les choix de placement sont réalisés de manière responsable, les cotisants aux REÉR sont pénalisés par une répartition d'actifs de plus en plus conservatrice avec l'âge afin de mitiger les risques inhérents aux placements boursiers. Dans leurs portefeuilles d’investissement, les individus troquent les produits risqués et à croissance élevée pour des produits à revenus fixes et stables à mesure que le moment de la retraite approche.

La mutualisation des risques a permis à la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) d’afficher un taux de rendement réel annuel moyen de l’actif du RRQ de 9,2 % entre 2011 et 2016, net de frais de gestion[2][3]. En comparaison, l’Institut québécois de planification financière (IQPF) suppose un taux de rendement réel net de frais de gestion de 2,75 % pour un portefeuille dynamique pour l’année 2017-18[4]. Les caisses de retraite d’employeurs, en mutualisant les risques entre plusieurs employés et rentiers de plusieurs générations, permettent aussi d’offrir de meilleurs rendements à leurs cotisants.

La seconde limite est liée aux frais de gestion. Selon l’OCDE, des frais de 2 % par année grugent 37 % de l’accumulation de l’épargne[5]-[6]. Depuis plusieurs années, la firme Morningstar classe le Canada au dernier rang des vingt-cinq pays étudiés pour les frais de gestion dans son rapport sur la performance des fonds d’investissement[7]. En 2011, les auteurs du rapport ont conclu que le Canada ne se démarque pas des exigences et contraintes des autres pays : rien ne justifie que les frais de gestion soient nettement plus élevés ici qu’ailleurs[8]. Avec ces frais, qui varient entre 0,5 % et 2,5 %[9], les institutions financières s’accaparent une portion considérable des rendements des épargnants. Pourtant, les frais de gestion des fonds de la CDPQ, par exemple, sont aussi faibles que 0,2 %[10]. Cette différence réside dans le pouvoir de négociation dont dispose la CDPQ sur les marchés financiers, et par l’absence de dépenses de publicité ou de conseils aux clients individuels. Les mêmes avantages se retrouvent dans les régimes complémentaires de retraite (RCR), qui ont des frais d’administration de 0,3 % à 0,45 % pour les régimes du secteur privé et de 0,25 % à 0,35 % pour les régimes du secteur public, ce qui démontre une fois de plus que la gestion individuelle des actifs est très coûteuse pour les épargnants[11].

 

[2] Selon un taux d’inflation de 2 %.

[3] Retraite Québec, Rapport annuel de gestion, 2016, p.123

[4] Institut québécois de planification financière, Normes d’hypothèses de projection, 2017

[5] Institut canadien des actuaires, Les régimes de retraite facilités par l’État, 2010

[6] Les curieux peuvent consulter la page suivante pour constater la portion de leurs rendements financiers grugée par les frais de gestion : http://www.questionretraite.ca/outils/calculateur-de-limpact-frais-dinve...

[7] Morningstar Global Fund Investor Experience Study 2017: http://www.morningstar.com/content/dam/morningstar-corporate/pdfs/global...

[8] Morningstar Global Fund Investor Experience Study 2011: http://corporate.morningstar.com/us/documents/ResearchPapers/GlobalFundI...

[9] Institut québécois de planification financière, Normes d’hypothèses de projection, 2017

[10] Évaluation actuarielle du Régime de rentes du Québec au 31 décembre 2015

[11] Mintz, Jack M. Rapport sommaire des travaux de recherche sur le niveau adéquat du revenu de retraite, 2009