Propagande et menaces : le langage des armes

2018/04/12 | Par André Jacob

L’auteur est membre du conseil d’administration des Artistes pour la Paix

Je ne suis pas un expert en politique internationale, mais je tente de comprendre le drame qui se joue en ce moment et qui risque de faire déraper les pays vers une guerre ouverte ou larvée. Peu importe. La situation me semble critique et la propagande guerrière est à l’œuvre avec son lot de mensonges et d’élucubrations au sujet des motifs pour se lancer dans une aventure conflictuelle dont l’issue est tout à fait imprévisible. L’objectif ultime étant toujours la victoire, selon le devin Donald Trump, obnubilé par son désir d’imposer son empire sur le Moyen-Orient pour protéger ses puissants alliés, Israël et l’Arabie Saoudite.


Donald Trump et le prince Salmane

Je suis donc l’action sur la scène internationale. Le prince saoudien Salmane est reçu en grande pompe à Paris où le président Macron lui garantit de l’alimenter en armes pour qu’il poursuive sa destruction du Yémen en toute impunité sous la chape du silence complice des pays occidentaux. Pourtant, l’Arabie Saoudite viole les droits humains, inspire le
djihadisme sur le plan idéologique avec son interprétation wahhabite radicale du Coran et nourrit des guerres avec des armes achetées au Canada, aux États-Unis, au Royaume-Uni, en France et ailleurs. Pendant ce temps, les soldats israéliens tuent des manifestants palestiniens en toute impunité, aussi sous la chape du silence complice des pays occidentaux.

Donald Trump et Theresa May relancent leur propagande contre la Russie, l’Iran et la Syrie à partir d’hypothèses; il y a quelque temps, on estimait probable l’implication du gouvernement russe dans un attentat contre un ancien espion, maintenant c’est une présumée attaque aux armes chimiques qui les déchaîne. Les probabilités suffisent-elles à lancer une guerre ? On en dit juste assez pour éviter d’affirmer trop catégoriquement et pour laisser croire que ce n’est pas certain, par manque de preuves…

À la réunion d’urgence du conseil de sécurité hier, c’était presque révoltant d’entendre l’ambassadrice des États-Unis à l’ONU jouer la carte du mélodrame en répétant ad nauseam qu’elle a en main des photos d’enfants tués par des armes chimiques en Syrie tellement difficiles à regarder qu’elle n’ose pas les montrer. Jamais, elle n’a mentionné
l’importance d’avoir une enquête rapide et impartiale à ce sujet afin de faire la lumière avant de pousser plus loin la propagande guerrière. Jamais non plus, elle n’a fait preuve d’ouverture pour entreprendre un dialogue et une négociation avec la Russie et l’Iran,
et encore moins avec la Syrie. On évoque une seule chose : la menace du langage des armes.

En réalité, par tous les moyens, les États-Unis et le Royaume-Uni semblent chercher à justifier une guerre contre l’Iran déclaré ennemi d’Israël et de l’Arabie Saoudite (ce dernier a inspiré et financé largement les djihadistes d’inspiration wahhabite). L’Iran et la
Russie feraient partie du nouvel axe du Mal contre Israël. En même temps, on discrédite la Russie qui tente de calmer le jeu. J’ai l’impression qu’on prépare un scénario renforcé par la propagande mensongère, un peu comme en 2003 quand les États-Unis et la Grande-Bretagne ont voulu déstabiliser l’Irak et la Libye et éliminer les dirigeants qui leur tenaient tête dans ces pays. Rappelons-nous la scène du général Powell devant le comité de sécurité de l’ONU : il avait brandi de faux documents pour démontrer que le gouvernement de Saddam Hussein possédait un arsenal d’armes de destruction massive… En un mot, actuellement, le plancher est glissant. Dans les médias européens, le débat est beaucoup plus vif que dans les médias canadiens. On semble avaliser l’idée que les manèges américains et britanniques vont de soi, car les ennemis sont à nos portes… C’est dramatique de voir s’installer ce jeu.

Que fera le gouvernement Trudeau dans ce jeu machiavélique ? En 2003, le gouvernement de Jean Chrétien avait eu la sagesse de ne pas emboîter le pas aux Américains. Le gouvernement actuel a, depuis son élection, adopté une politique suiviste et un ton de béni-oui-oui devant le gouvernement de Donald Trump.

À suivre !