« L’intérêt national » de Trudeau

2018/04/13 | Par Pierre Jasmin

Pascal, caricaturiste du Devoir, illustre bien l’hypocrisie de l’image projetée versus la réalité

L’auteur est artiste pour la paix

L’intérêt national de Trudeau, seraient-ce :

1. Les subventions en 2017 de 1,7 milliard de $ par son gouvernement pour soutenir les exploitants d’énergies fossiles?

2. Les cinq grands producteurs de pétrole des sables bitumineux (CNRL, Suncor Energy, Cenovus Energy, Imperial Oil et Husky Energy) qui, selon le rapport de l’Institut albertain Parkland, n’ont pas modifié leurs plans de production d’un iota, afin de réduire leurs émissions en vue de respecter les objectifs canadiens énoncés à Paris en décembre 2015?

3. Son manque de préoccupation pour la sécurité du détroit encombré entre l’île de Vancouver et la ville de Vancouver, où déjà les pétroliers risquent l’accident fatal qui déverserait leur contenu en une mer déjà si polluée que les huîtres y sont devenues impropres à la consommation crue?

4. Sa volonté de porter la production du pipeline Kinder Morgan[1] à 900 000 barils par jour?

5. Son irrespect des droits autochtones et de leurs manifestations hebdomadaires afin de protéger l’eau, l’air et la terre de déversements ou d’augmentations des émissions de carbone?

6. Son ignorance de phénomènes démocratiques telle la tournée hydrocarbures Gaspésie effectuée par des comités citoyens dans la Vallée du Saint-Laurent du 2 au 9 avril derniers pour inviter les gens à soutenir la protection de leurs rivières contre l’industrie pétrolière et gazière? 

7. Son peu de souci exprimé face à l’emprisonnement d’Elizabeth May, cheffe du Parti vert, si respectée par ses collègues de la Chambre des Communes qu’ils lui ont accordé la médaille de la parlementaire la plus travaillante et la mieux informée des divers enjeux?

8. Sa non-réaction aux éditoriaux courageux et informés produits semaine après semaine dans Le Devoir par Alexandre Schields?

9. Son ignorance de The Great Leap Forward de Naomi Klein, suite surtout au manifeste de l’Élan global[2] rédigé par les auteurs Camil Bouchard, Dominic Champagne, Jérôme Dupras pour Les Cowboys Fringants, Karel Mayrand, Gabriel Nadeau-Dubois, Éric Pineault, Annie Roy et Laure Waridel?

« Les leaders de la lutte contre le réchauffement climatique ne bâtissent pas des pipelines, l’eau EST la vie, rejetez Kinder Morgan », proclament les pancartes de cette manif.

 

Et pourtant, que lui coûterait de respecter la demande très raisonnable du gouvernement de Colombie-Britannique qui n’exige même pas l’arrêt de l’acheminement des 300 000 barils par jour que Kinder Morgan continuera à acheminer, même si la réponse à son ultimatum du 31 mai était : Non merci, ne faites pas de dépense supplémentaire pour accroître le débit de votre pipeline, car cela viendrait en contravention

- Avec l’intérêt local de toutes les terres traversées par votre pipeline et des 16 000 hectares  (sic) d’eau, gérées (re-sic!) par le port de Vancouver

- Avec l’intérêt des plus jeunes générations. Laissez-les profiter plutôt de la production de pétrole étalée sur davantage d’années, à moins, bien entendu, qu’elles soient amenées à réclamer son arrêt par considération pour l’intérêt planétaire : rappelons que l’exploitation des sables bitumineux est le plus grand facteur localisé d’accroissement de la pollution extrême et du réchauffement climatique mondiaux.

 


[1] Construit en 1953 sans aucune consultation publique ou environnementale, Kinder Morgan a vu sa vocation changer en 2006 alors que la compagnie a commencé à acheminer du dilbit (bitume dilué), forme particulièrement nocive de pétrole en cas de déversement accidentel.

[2] Retrouvez notre pétition de 2015 sur http://www.artistespourlapaix.org/?p=7056