Encore des bombes sur la Syrie

2018/04/16 | Par Pierre Jasmin

L’auteur est artiste pour la paix membre de l’exécutif de Pugwash Canada

Encore des bombes en rafales sur la Syrie, attaquée en violation des règles internationales. Espérons que les attaques chimiques perpétrées la semaine dernière étaient bel et bien l’œuvre maléfique de Bachar al-Assad, sinon cette attaque de l’alliance américano-britannico-française n’aurait aucun effet positif.

On peut au moins se consoler que

1- Le bombardement de ce matin (heure syrienne) n’ait duré qu’une heure sur peu de lieux et qu’elle n’ait fait aucune victime civile officiellement rapportée, huit heures plus tard

2- Le Canada se soit tenu à l’écart de l’attaque, néanmoins approuvée par le Premier ministre Trudeau à partir de Lima au Pérou

3- Et qu’elle n’ait été suivie d’aucune invasion terrestre.

On peut se demander si l’attaque n’avait pas pour but d’intimider la Turquie pour la réintégrer de facto dans l’OTAN, alors qu’elle flirte avec la Russie et l’Iran pour continuer impunément ses inacceptables agressions armées sur les Kurdes.

 

Des armes chimiques?

Beaucoup de renseignements sur ces attaques chimiques, tus jusqu’à présent, ont été révélés pêle-mêle au moment de l’attaque : pourquoi pas auparavant? Avec le qualificatif « probable » qui revient constamment dans les communiqués officiels occidentaux, on soupçonnerait que ces renseignements ne soient donnés que comme prétextes à la violence des bombes, toutes chirurgicales soient-elles, sans aucun temps d’analyse sérieuse par l’Organisation pour l’Interdiction des Armes Chimiques (OIAC ou OPCW).

L’organisation de l’ONU devait commencer son enquête aujourd’hui même dans la Ghouta orientale débarrassée de ses derniers occupants de l’Armée islamique il y a à peine quelques jours : avait-on peur de révélations au sujet des islamistes, non conformes aux vœux occidentaux? On sait que des résultats d’enquête de l’OIAC avaient été jugés inacceptables, les enquêteurs n’étant même pas allés sur le terrain d’une présumée attaque au sarin dans le village de Khan Sheikhoun en Syrie du Nord le 4 avril 2017. Une telle faute aurait dû entraîner, au Conseil de Sécurité de l’ONU, davantage que deux abstentions (l’Égypte et la Chine), mais la polarisation extrême a vu en novembre dernier la Russie et la Bolivie voter non et tous les autres voter oui, dans un empressement très partial, voire russophobe, que le professeur Jacques Lévesque dénonce.

 

Conséquences appréhendées

Le politologue Sami Aoun espère aujourd’hui que la région ne sera pas davantage déstabilisée, vu les décisions politiques qui affecteront bientôt l’avenir du Liban (tenu en otage par le Hezbollah actif en Syrie) et de l’Irak (où la majorité sunnite est malmenée, depuis l’invasion américano-britannique de 2003). La haine irraisonnée de l’Iran, alimentée chez Donald Trump par l’animosité hargneuse de l’Arabie saoudite et de Nétanyahou, pourrait amener les États-Unis à répudier l’entente nucléaire qui lie le président modéré Rohani jusqu’au 12 mai : si l’entente est déchirée, Rohani risque de perdre le pouvoir que les Gardes Révolutionnaires iraniens reprendraient alors, avec des conséquences fanatiques guerrières incalculables.