Apprendre à « voter du bon bord » avec Michel C. Auger

2018/04/17 | Par Frédéric Lacroix

À l’émission « Médium Large » le vendredi 13 avril 2018, Michel C. Auger est venu faire la promotion de son nouveau livre « 25 mythes à déboulonner en politique québécoise ». Qu’il en a de la chance ce Michel C. Auger, me suis-je dit, d’être invité à passer 25 minutes à l’émission matinale phare de Radio-Canada, dès le lendemain de la parution de son bouquin, ce qui n’est offert qu’à peu d’auteurs. C’est une tribune en or (du moins pour M. Auger…).

De but en blanc, M. Auger nous avoue candidement avoir répondu à une commande du patron des éditions La Presse. En cette année électorale 2018, il a décidé de livrer la marchandise, parce que, laisse-t-il dire bien humblement par la doucereuse animatrice, « il est important qu’un livre comme ça sorte au moment où l’on souhaite réfléchir ». Le communiqué des Éditions La Presse est encore plus explicite : le sous-titre du livre est « Pour en finir avec les préjugés avant d’aller voter ».

Bref, voilà donc le parfait petit catéchisme à consulter pour savoir comment voter du bon bord en octobre 2018. Notons en passant que Gesca, à qui appartiennent les Éditions La Presse, a des ententes de collaboration avec Radio-Canada, où M. Auger participe à de trop nombreuses émissions. Pierre Karl Péladeau n’a rien inventé, la « convergence » entre Power Corporation et les organes médiatiques de l’État Canadien fonctionne à plein régime depuis longtemps.

M. Auger se présente comme un « analyste », un terme qu’il semble affectionner particulièrement et qu’il emploie compulsivement. Il dit faire de la « chronique », catégorie qu’il oppose à « l’opinion », car la « chronique est basée sur les faits et sur un travail journalistique » alors que « l’opinion » n’est pas basée sur les faits (toujours?). Son livre, affirme-t-il humblement, est conçu comme une compilation de « chroniques ». Le message pas très subliminal est le suivant : il faut entendre que son livre est une compilation de « faits » et non « d’opinions ». Encore là, le communiqué des Éditions La Presse est limpide : « Michel C. Auger partage son expertise, confronte le lecteur à la réalité du débat public, et lui donne les moyens de se prémunir contre les mythes et les préjugés avant d’aller voter ». Pourtant, malgré son « expertise », M. Auger émet des énormités. J’en « analyse » deux.

Il affirme que la « charte des valeurs du PQ » ne passait pas le test de la Charte canadienne des droits et libertés. D’accord, je feins avec lui d’ignorer l’existence de la clause dérogatoire… Mais là où il dérape totalement c’est en affirmant que la Charte canadienne est un « droit qui ne nous a pas été imposé, que nous les Québécois, avons contribué à le développer ». Ayoye! Le coup de force de 1982, un « détail » de l’histoire ? Rappelons qu’aux dernières nouvelles, le Québec n’a toujours pas signé cette constitution. En disant que la charte canadienne ne nous a pas été imposée, M. Auger ment.

M. Auger affirme que le volume d’immigration n’est pas « extraordinairement élevé » et qu’il ne faut pas baisser les seuils d’immigration. Le volume d’immigration, dit-il, est celui qui est requis pour « stabiliser la population active ». Soupir! Rappelons qu’en vingt ans, le volume d’immigration a presque doublé, d’une moyenne de 29 000 qu’il était à la fin des années 1990 pour atteindre maintenant une « cible » tournant autour de 53 000 par année. Un volume qui est plus du double de celui des États-Unis et de 1,6 fois celui de la France. Oui, c’est l’un des volumes les plus élevés au monde. Et cela tient toujours, même en tenant compte de l’effet du tamisage migratoire interprovincial.

Malgré cela, le volume d’immigration actuel ne suffira pas à stabiliser la structure par âge de la population, qui est la variable importante pour les économistes. Le démographe Guillaume Marois a calculé que la proportion de 20-64 ans dans la population allait passer de 63 à 54 % environ de 2011 à 2031 et que même augmenter l’immigration à 60 000 personnes par année aurait très peu d’effets. La raison est que la structure par âge des immigrants n’est pas si différente de celle de la population autochtone, ce qui limite grandement son impact. Pour empêcher le vieillissement de la population, il faudrait faire venir en majorité des enfants ! Alors, à qui profite cette immigration massive ? Au PLQ d’abord et avant tout.

Si vous souhaitez vraiment déboulonner des mythes, je vous recommande de vous procurer l’excellent livre « Le remède imaginaire » (Boréal) de Benoît Dubreuil et Guillaume Marois, publié en 2011, et qui n’a malheureusement pas bénéficié d’entrevues complaisantes de 25 minutes aux heures de grande écoute à Radio-Canada…