Artistes pour la paix 2018

2018/04/26 | Par Pierre Jasmin

L’auteur est Artiste pour la Paix honoraire

Rassemblée par la vice-présidente APLP Judi Richards (en blanc), une chorale de quatorze membres dont Patsy Gallant et Kim Richardson et la violoncelliste Carla Antoun ont célébré la musique d’André Gagnon (photo Francine Duquette).

La cérémonie des Prix et Hommage de l’année des Artistes pour la Paix s’est tenue lundi 23 avril 2018 à 10h30, dans l’Atrium de l’édifice Gaston-Miron, 1210 rue Sherbrooke Est, à Montréal (édifice de l’ancienne Bibliothèque de Montréal, face au Parc Lafontaine). 

Le président des APLP André Michel a remercié le Conseil des Arts de Montréal bien représenté par un discours de Julien Valmarie, directeur du soutien et des initiatives stratégiques. Le Conseil a généreusement prêté sa grande salle en accueil de la cérémonie, de ses préparatifs et des rencontres qui se sont poursuivies autour du succulent buffet servi jusqu’à treize heures grâce à nos bénévoles et aux dons de la fromagerie Warwick, entre autres! André Michel a accueilli le comédien Marcel Lebœuf, maître de cérémonie, qui a souligné la difficulté de faire la paix avec soi-même, ce qui est une condition sine qua non, en racontant une savoureuse anecdote sur son propre fils réglant un conflit dans son école.

En cette année hélas faste de guerres, la manifestation a attiré plus d’une centaine de personnes, dont les Martin Duckworth APLP2002, Serge Lavoie APLP2013, Armand Vaillancourt APLP1993, les ex-présidents de l’organisme Domlebo et moi, et bien d’autres comme le webmestre Christian Morin, la secrétaire Gaétane Voyer, Bill Sloan et André Cloutier tous quatre siégeant au C.A. des APLP et des dizaines d’autres membres comme la députée fédérale et porte-parole du NPD pour les Affaires étrangères Hélène Laverdière, l’ex-syndicaliste Gérard Larose, la danseuse Izabella Marengo, la pianiste et chanteuse Sylva Balassanian et la comédienne Odette Bougie.

Les trois lauréats 2018 Aquil Virani, André Gagnon et le docteur Stanley Vollant

Un Prix Hommage a d’abord été décerné à André Gagnon, compositeur, pianiste, grand collaborateur de Claude Léveillée et arrangeur, qui a connu une carrière internationale extraordinaire, en particulier au Japon. Le jubilaire étant retenu à la maison par la maladie, Judi Richards et Yvon Deschamps qui lui avaient rendu visite la veille ont témoigné de sa grande émotion de se voir décerner cet honneur : s’adressant à la caméra qui transmettra la cérémonie à M. Gagnon, ils ont reçu en son nom le parchemin signé par le co-président d’honneur Richard Séguin et traditionnellement décerné par les APLP à tous nos lauréats. Deux discours ont souligné l’importance d’André Gagnon, l’un par le pianiste et professeur à l’UQAM Stéphane Aubin qui parcourt la province présentement avec un concert de musiques orchestrées de Gagnon dont il admire « l’harmonie créatrice de paix ». L’autre, très émotionnel, par l’humoriste Lise Dion qui garde parmi ses meilleurs souvenirs d’être allée aux sources à Saint-Pacôme avec son ami intime Dédé Gagnon.

Le prix AMI des APLP a ensuite été remis à Stanley Vollant, premier chirurgien autochtone dont les connaissances scientifiques en médecine n’ont pas renié le savoir ancestral et dont la grande marche pour la paix de six mille kilomètres s’est inspirée des pèlerinages de Compostelle parcourus par Marcel Leboeuf en 2007. Le grand chef des Premières Nations du Québec et du Labrador Ghislain Picard qui a commencé son discours en innu, a reconnu Montréal comme le site du premier grand traité de paix (1701) en Amérique du Nord et le docteur Vollant comme un modèle inspirant pour tous les jeunes. Quant au jubilaire, il continue à s’adresser en priorité aux 18 000 jeunes des Premières Nations qui ont jalonné sa marche, en soulignant l’importance des rêves[1].

Enfin, le prix APLP de l’année a été décerné à Aquil Virani que Le Devoir du samedi 17 mars (page A-13) présentait ainsi, sous la plume de la journaliste Caroline Montpetit :

            « Pour Aquil Virani, tout art est politique. Même la décision de ne pas utiliser son art à des fins politiques est une décision politique (…). Né en Colombie-Britannique d’une mère d’origine française et d’un père d’origine indienne, Virani sait ce que c’est que le sentiment d’exclusion...

 

Aquil devant deux œuvres de sa série de portraits de femmes autochtones inspirantes

« L’artiste du peuple » est donc aussi engagé avec les communautés autochtones dans une série d’œuvres intitulées « les arts et la réconciliation ». Commissaire à la Galerie d’art Stewart Hall, Céline Le Merlus a souligné l’exceptionnel parcours des rencontres canadiennes d’Aquil et des six cents portraits qu’il en a dressés, tandis que Thomas Bastien, directeur de l’éducation et du vivre ensemble au Musée des Beaux-Arts de Montréal, s’est fait porteur d’un message de Nathalie Bondil rappelant la double participation d’Aquil samedi le 17 mars aux ateliers du Forum le Pouvoir des Arts, armes de paix[2].

La paix avec les Premières Nations fut et restera la première préoccupation des APLP, depuis les événements de Kanesatakeh en 1990 où les APLP ont tenté une médiation avec Gilles Carle et Dimitri Roussopoulos, puis aux côtés des Florent Vollant APLP1994, Myra Cree APLP2004, Alanis Obomsawin Hommage APLP2015 et bien sûr, Samian APLP2016 honoré à l’Hôtel de Ville de Montréal qui intégra cette année-là le pin blanc, symbole autochtone aux armoiries de la ville. Quant à l’autre promesse du maire Coderre de changer le nom de la rue Amherst, André Michel y travaille, nous en a-t-il fait l’engagement!

On trouvera d’autres magnifiques photos sur la cérémonie prises par Francine Duquette et d’autres détails sur le site des APLP : http://www.artistespourlapaix.org/?p=14650

 

[1] Le cinéaste défunt Arthur Lamothe, membre du C.A. des APLP pendant des années, en avait fait le thème de son long métrage 1992 sur l’art amérindien intitulé L’écho des songes mettant en scène Florent Vollant. Un autre de ses films, Le silence des fusils,  portait la marque de l’action pacifiste des APLP, jusqu’en Haïti. Modèle exigeant d’artiste engagé pour la justice sociale, Arthur avait perçu dès son arrivée au pays le drame des Québécois et son film Le mépris n’aura qu’un temps, daté de 1970 aurait dû, cette année-là marquée par deux enlèvements, constituer la seule digne réponse au speak white des Rhodésiens de Westmount, devant qui s’aplatventrissaient certains colonisés canadiens français. C’est en filmant les Innus qu’Arthur a initié la longue démarche historique d’une reconnaissance ardue, puisque son film La Conquête de l’Amérique sera censuré seize longues années, même par l’Office National du Film, pourtant si progressiste!