Éliminer les gaz à effet de serre doit être notre priorité absolue

2018/04/30 | Par Louise Morand

L’auteure est membre du Comité vigilance hydrocarbures de L’Assomption

Alors que les partis politiques amorcent leurs campagnes de communications en prévision des élections qui auront lieu au Québec à l’automne prochain, un enjeu devrait être au cœur des discussions : comment freiner les dérèglements climatiques qui s’amplifient.

On peut se représenter le climat comme un immense bateau qui nous berce de ses bienfaits sur une eau tranquille : production de nourriture végétale et animale, agrément à jouir de la nature et à profiter du soleil, du vent et des paysages. Ce que rejettent les gens à l’avant du bateau retombe sur la tête de ceux qui sont à l’arrière. Le bateau est tellement gigantesque qu’il faut une trentaine d’années pour que toute la pollution atmosphérique se rende à l’autre bout de l’embarcation. À l’heure actuelle, nous, qui sommes arrivés à l’avant du bateau, avons rejeté suffisamment de carbone dans l’atmosphère pour être certains que la majorité des humains qui seront à notre place dans 30 ans peineront à trouver de l’eau potable et des denrées alimentaires. Au rythme où se développe la pollution actuelle, le magnifique édifice flottant qui abrite présentement nos amours pourra bientôt ressembler au radeau de la Méduse sur une mer déchainée.

Les scientifiques ont leur manière polie d’exprimer les choses. Ils ont été 15 000, en provenance de 184 pays, à signer en novembre 2017 une lettre commune qui dit : «Pour éviter une misère généralisée et une perte catastrophique de biodiversité, l’humanité doit adopter une alternative plus durable écologiquement que la pratique qui est la sienne aujourd’hui.»[1]

La biodiversité est ce qui nous permet de respirer et de nous nourrir. Ce sont les plantes comme les arbres fruitiers, les érables, les laitues et les pommes de terre, et tous les animaux, insectes, et autres familles d’êtres vivants. Déjà, notre génération voit des forêts immenses réduites en cendres sous des canicules extrêmes. Des récoltes entières sont noyées par des pluies torrentielles. Des dizaines de milliers de tonnes de poissons s’échouent sur les rives, asphyxiés par le manque d’oxygène dans l’eau colonisée par les algues et devenue trop chaude. Déjà, des troupeaux d’Afrique et d’Asie meurent de soif, et des millions de migrants climatiques cherchent des refuges. Les coûts des désastres dus aux dérèglements actuels se chiffrent en centaines de milliards de dollars. Nous ne sommes encore qu’au début d’une grande extinction; cette menace pour notre propre survie ne fera que se concrétiser davantage pendant que nos gouvernements persistent à «développer l’économie» au détriment des conditions qui sont nécessaires à la vie.

Selon le grand climatologue Kevin Anderson, la probabilité que l’humanité puisse encore éviter de dépasser la limite sécuritaire de réchauffement planétaire est de l’ordre de 5%[2]. Nous sommes au chevet d’un grand être vivant, malade, qui a 5% de chance de se rétablir si nous agissons de façon assez intelligente pour éviter le pire. Le parti Libéral de Philippe Couillard et la Coalition Avenir Québec sont favorables à l’exploitation du gaz et du pétrole au Québec[3]. C’est comme si un vendeur de drogue proposait un flash d’héroïne à une victime de surdose. Pensons-y avant de nous laisser séduire par toutes sortes de belles promesses électorales. Mettons la lutte aux gaz à effet de serre et aux dérèglements climatiques au cœur de la politique québécoise. Il n’y a plus une heure à perdre.