Hommage à Michèle Nevert, qui quitte la présidence du SPUQ

2018/05/07 | Par Pierre Jasmin

L’auteur a été professeur à l’UQAM de 1981 à 2014, donc membre syndicaliste de la CSN pendant un quart de siècle

Au moment où le syndicat des professeurEs de l’UQAM exprime sa solidarité avec les profs de l’UQTR victimes d’un sauvage lockout par leur employeur, qu’il est bon de se rappeler le travail extraordinaire de Michèle Nevert à la tête du SPUQ qui a tenu à lui rendre hommage jeudi le 26 avril.  Voici le mien, humblement. Se référer aux 495 pages de très grand format de Foulard orange, histoire d’une grève (Lévesque éditeur, 2015) ne nous éclaire qu’obliquement sur le leadership de Michèle, vu que le document, étant sous sa responsabilité, est de ce fait resté discret - modestie oblige - sur l’importance primordiale de son action rassembleuse. Car c’est le paradoxe de cette grande dame à avoir réussi à représenter démocratiquement un groupe de professeurs plutôt conservateur dans son ensemble, tout en motivant avec son éloquence rare leur fibre revendicatrice et syndicaliste de gauche, en tant que fer de lance au sein de la CSN.

Se gardant de tout élitisme, Michèle a toujours nourri un contact très positif avec les chargéEs de cours, les employéEs de soutien, mais aussi avec les étudiantEs, ce qui nous permet d’affirmer que la grève des professeurEs de l’UQAM 2008-2009 a pavé la voie au printemps érable de 2012. Souvenons-nous en particulier d’un moment décisif de la grève étudiante : la réunion de solidarité en pleine agora du Pavillon Judith-Jasmin avec nous tous du SPUQ et Gabriel Nadeau-Dubois de la CLASSE, tout juste avant son déplacement à Québec pour négocier en vain avec la ministre de l’éducation libérale : ses comparses, à Victoriaville, « protégeaient » le bunker du congrès de leur parti d’une manifestation étudiante, en appelant la police à brutalement la réprimer (un jeune homme y perdit un œil).

Même si des scrupules de solidarité de Michèle avec des étudiantEs de 2013 la portèrent à refuser l’invitation de la Commission spéciale d’examen des événements du printemps 2012, jamais elle ne me fit reproche d’avoir accepté l’invitation de Claudette Carbonneau et de Serge Ménard. Sa confiance ne fut pas trahie, puisque ma participation commença par le constat suivant qui en convainquit plusieurs de la justesse de notre cause :

« Dès le début de la session d’hiver 2012, à l’instar de mes collègues du Syndicat des Professeurs de l’UQAM affilié à la CSN et à la Fédération québécoise des ProfesseurEs d’Universités, je fus entièrement solidaire de nos étudiantEs attaqués par l’injuste hausse de 75% des frais de scolarité. Décrétée par le gouvernement du premier ministre Jean Charest, la hausse renchérissait sur une augmentation de 30% depuis 2007[1]. »

Il y a tant d’exemples aujourd’hui où des éléments radicaux tombent dans le piège de se dissocier des décisions de leur syndicat, en ne se rendant même pas compte à quel point leur égo pointilleux de désolidarisation est manipulé par les riches qui nous gouvernent, afin de diviser et affaiblir leurs opposants pour impunément continuer à exporter leurs capitaux dans des paradis fiscaux ou/et à les investir dans l’armement[2].

Saluons plutôt l’engagement d’une douzaine d’années à la tête du SPUQ de Michèle, dont les conseils avisés m’auraient permis une meilleure connaissance des enjeux à la Commission des Études de l’UQAM, lors des sept années où j’y siégeai, surtout lors du passage tumultueux de Roch Denis au rectorat. On s’est rejoint, Michèle et moi, dans l’action lors d’une manifestation à l’Assemblée nationale, par nos capacités d’engager un dialogue poli et non dogmatique avec libéraux - députés et recteurs, tel Claude Corbo? -, malgré la situation précaire dans laquelle leur inconscience enfonçait nos Universités du Québec défavorisées.

En février 2008, Michèle a accepté notre invitation (à Louise Vandelac et moi) de souhaiter la bienvenue aux trois cents spectateurs attentifs à une série de huit conférences successives (voir l’affiche en fin d’article), animée par Dany Laferrière. Portant le titre avant-gardiste « écocides », nous visions alors en première cible la contamination par les laboratoires Chalk River. Hasard? Au moment du présent éloge, ils sont à nouveau l’objet d’une plainte formelle déposée par une quarantaine de groupes écologiques et par les Artistes pour la Paix à l’Agence Internationale d’Énergie Atomique (ONU)[3].

Et ce n’est pas un hasard non plus si je me suis rendu le 20 avril dernier à Ottawa confronter une trentaine de fonctionnaires du ministère des Affaires extérieures sur la lâcheté du gouvernement Trudeau qui, par peur des militaristes de l’OTAN, refuse de signer le Traité d’Interdiction des Armes Nucléaires, négocié par l’ambassadrice du Costa Rica, madame Elayne Whyte-Gomez[4] et appuyé par 122 pays le 7 juillet dernier à l’ONU.

Sans doute devons-nous nous féliciter du retour de Michèle Nevert à son travail respecté d’écrivaine au service de la langue française, fût-elle d’affichage, et auteure pour VLB des Textes de l’internement, un choix d’écrits asilaires de Saint-Jean-de-Dieu, qui prouvent son attention remplie de compassion face aux plus négligés de la société. Espérons aussi que notre Faculté des Arts et Lettres saura profiter de ses idées généreuses pour continuer à animer les débats par « une culture d’empathie et de solidarité substituant à l’économisme le salut par l’imaginaire, plus important que la connaissance, selon Albert Einstein »[5].

 

PS On trouvera de meilleurs témoignages que le mien réunis sur
https://docs.google.com/presentation/d/1Ut1tOeKH-L9NYEsArq38CKCLUKCiKQu4MqrZ9cVl9Z0/edit?usp=sharing

 

 

[1]  La suite se trouve sous forme écrite et sous forme enregistrée sur : http://www.artistespourlapaix.org/?p=2987

[5] http://lautjournal.info/20180323/cultiver-lenseignement-des-arts-au-quebec La citation entre guillemets était ma façon de résumer l’intervention des deux co-présidents d’honneur du colloque des 50 ans du rapport Rioux, Louise Sicorro et Marcel Fournier.