Michel Gauthier : Né pour un petit pain? Même pas!

2018/05/15 | Par Paul de Bellefeuille

Michel Gauthier, ancien chef du Bloc Québécois, est sorti de sa torpeur après onze ans de retraite politique fermée. Tapi dans sa caverne, celle de Platon qui sait, il a vu une faible lumière poindre en sa direction et y a vu une révélation politique mais pas divine, loin de là. Il est tout de même sorti de sa caverne complètement transformé. Il est passé de souverainiste convaincu à Conservateur enthousiaste en signant avec un grand sourire sa carte du Parti Conservateur.  Parti qui ne brille pas par ses politiques socialement progressistes. Comme quoi il est fortement recommandé de ne pas ruminer seul dans sa caverne, cela ne donne que rarement des résultats positifs.

À la question de Fatima Houda-Pepin,  avez-vous abandonné la souveraineté, il répond que c’est la souveraineté qui nous a abandonnés. Comme si ces onze ans de silence n’avaient pas contribué à affaiblir notre quête d’un pays souverain. Il est certainement trop facile de faire porter la responsabilité à la souveraineté. Et depuis quand un concept politique, quel qu’il soit, tient-il debout par lui-même. La souveraineté est aussi vivante que le sont les personnes et les institutions qui l’incarnent.

M. Gauthier, fort de ses onze années de méditation, se demande ce qui s’est passé pour que l’appui à la souveraineté ait constamment baissé et à qui est la faute? Il répond candidement, je ne le sais pas.  Pour un homme politique aussi expérimenté, et après une si longue période d’incubation, on se serait attendu à une réponse un peu plus développée. Bref, nous dit-il, je m’en lave les mains.

M. Gauthier nous donne aussi son opinion sur le référendum qui est un boulet dont les adversaires se servent pour convaincre la population de voter contre le parti Québécois. Et il en veut pour preuve que l’actuel chef du parti Québécois, Jean-François Lisée, reporte dans un second mandat la tenue d’une telle consultation. Le problème n’est pas le référendum qui est un simple moyen, hautement démocratique, de consulter la population. Mais M. Gauthier, devant cet épouvantail brandi par les adversaires de la souveraineté, préfère plier les genoux et tomber béatement dans les bras du parti Conservateur.  C’est ce qui s’appelle, je suppose,  avoir le courage de ses convictions.

En homme politique pragmatique et réaliste, il déclare : que les jeunes ne sont plus entichés par l’idée de souveraineté, qu’ils sont ailleurs, ils sont mondiaux, ils sont ouverts sur la planète, ils ne sont pas centrés sur l’histoire. Balivernes! Il ne faut pas mettre tous les jeunes dans le même panier. La preuve étant que plusieurs jeunes ont adhéré au parti Québécois, à Québec Solidaire ou à Option nationale et sont fortement indépendantistes. Cette affirmation de M. Gauthier est donc complètement gratuite et en grande partie fausse. 

Fatima Houda Pepin a bien raison de le remettre à sa place en affirmant qu’il est facile de faire porter le fardeau aux jeunes.  Et M. Gauthier de nous resservir son message formaté en déclarant qu’il faut interroger le mouvement souverainiste lui-même. Éloignez, encore une fois, de moi ce calice que je ne veux pas boire.

Cette réponse de Michel Gauthier m’a fait sursauter. Il répond : C’est beau de dire, je suis souverainiste mais si tu n’écris rien, tu ne produis rien. Il ne faut pas s’étonner de la voir péricliter. Vous avez raison, il est exact qu’en onze ans vous n’avez rien écrit et rien produit. Il ne faut donc pas s’étonner que l’idée de souveraineté ait reculé. On se serait attendu qu’un homme de votre trempe poursuive le combat pour l’indépendance et collabore à en faire la pédagogie, mais vous l’avez abandonné. Vous n’avez que vous-même à blâmer.

Il y a eu et il y a toujours des personnes qui continuent de croire en la souveraineté mais selon vous, il serait trop tard. Ainsi, l’initiative de L’Institut de recherche sur l’autodétermination des peuples et les indépendances nationales (IRAI) créé en 2016, arriverait trop tard dans le décor politique. Mais l’idée de souveraineté est toujours bien vivante en Catalogne et en Écosse. Une idée politique ne meurt jamais mais il faut la faire vivre en contribuant à sa pédagogie comme vous le dites si bien.  Ce que, visiblement, vous n’avez pas fait lors des onze dernières années. Il est donc facile de jeter le blâme, encore une fois, sur les autres qui n’auraient pas poursuivi le travail de pédagogie de la souveraineté. Vous avez donc choisi la voie facile, celle de l’abandon.

 

La politique est un rapport de force

Le Québec a souvent bien tiré son épingle du jeu en construisant un rapport de force afin de faire reconnaître la réalité culturelle et politique du Québec au sein du Canada. Votre adhésion au parti Conservateur, sur la base de simples promesses, n’est pas une garantie que le Québec sera enfin reconnu pour ce qu’il est, une nation distincte, au sein de la fédération canadienne. Le parti Conservateur a effectivement reconnu le Québec comme une nation mais cette reconnaissance n’est écrite nulle part dans un document qui a un véritable poids politique comme la Constitution. M. Gauthier nous invite à tenter le beau risque avec Andrew Sheer. Mais la dernière fois que le Québec a cru en ce beau risque avec Brian Mulroney, cela s’est mal terminé. Pourquoi, cette fois-ci, le résultat en serait différent? Combien de fois devrons-nous jouer la même scène avant de comprendre qu’il nous faut collectivement réécrire le scénario? Ce que M. Gauthier nous propose est de nous satisfaire de notre aliénation politique plutôt que de tenter l’aventure de la liberté. Si au moins, on pouvait se satisfaire d’un petit pain. Même pas. La voie du parti Conservateur est de nous faire miroiter que peut-être vous aurez un petit pain. Très peu pour moi!

Référence : article de Fatima Houda-Pepin, http://www.journaldemontreal.com/2018/05/14/michel-gauthier-le-souverainiste-conservateur

 

Photo : Yanky Pollak/TPM