Les grévistes de CMC Electronics suivent fébrilement les débats à l’Assemblée nationale

2018/06/06 | Par Pierre Dubuc

Si Gugliemo Marconi a réalisé, en 1901, la première transmission radio transatlantique et que les installations de sa compagnie ont reçu, en 1912, le premier appel de détresse du Titanic, les 439 employés de l’ex-Marconi, devenue Esterline CMC Electronics, sont au premier rang des personnes intéressées par l’adoption de la loi modifiant les normes de travail, présentement à l’étude à l’Assemblée nationale.

En grève depuis le 24 mai, le règlement de leur conflit repose en grande partie sur l’adoption de cette loi, contre laquelle le patronat mène une offensive de dernière minute.

La loi court-circuitera la volonté des dirigeants de CMC Elctronics de transformer le régime de retraite à prestation déterminée en régime à cotisation déterminée en interdisant aux employeurs d’imposer un régime de retraite distinct selon la date d’embauche des employés. Alexandre Lamarre, le porte-parole du syndicat (section locale 2889 d’Unifor) nous explique que cette question est l’enjeu majeur de leur négociation : « Si on met cette question de côté, nous ne sommes pas loin d’une entente ».

 « Au départ, enchaîne-t-il, l’entreprise voulait fermer le régime de retraite, même s’il est capitalisé à 111%. Puis, elle a voulu prendre de court l’Assemblée nationale parce que le projet de loi ne s’appliquera que pour l’avenir et n’obligera pas les employeurs qui ont deux régimes de retraite à corriger la situation. »

C’est pour cela que les 204 membres des bureaux et les 235 membres de l’usine ont rejeté à 82,5% et 90% les offres de la compagnie et ont donné à leur exécutif un mandat de grève à 100% pour les bureaux et 98% pour l’usine.

 

Une multinationale richissime

CMC Electronics, autrefois Canadian Marconi, est une filiale d’Esterline, une entreprise dont le siège social est à Seattle. Elle emploie 13 000 travailleurs à travers le monde, répartis dans 12 pays. Près de 70% de ses revenus proviennent du marché de l’aérospatiale et de la défense. Selon Alexandre Lamarre, à l’usine de ville Saint-Laurent, 40% de la fabrication est militaire et 60% commerciale. « Nous fabriquons des intérieurs de cockpit d’avions, des GPS, des antennes, des microcircuits, etc. »

Les revenus et les profits de l’usine ne sont pas ventilés dans les états financiers publics de la compagnie, mais « la multinationale a un chiffre d’affaires de 2 milliards $ et encaisse des profits de 300 millions $ », constate le porte-parole syndical.

 

Une vigilance nécessaire

L’adoption du projet de loi était prévue pour vendredi, mais est remise au début de la semaine prochaine étant donné la fermeture de l’Assemblée nationale à cause de la tenue du Sommet du G-7.

Cependant, les travailleurs et travailleuses de CMC Electronics et l’ensemble du mouvement syndical suivent attentivement les efforts ultimes du patronat pour bloquer l’adoption de la loi.

De plus, dans le cas des grévistes de CMC Electronics, une attention toute particulière sera portée sur la date de l’entrée en vigueur de la loi. Une loi peut entrer en vigueur le jour même de sa sanction, à une date indiquée dans la loi, ou à un autre moment choisi par le gouvernement et inscrit dans un décret.

 

Une inclusion qui aurait tout réglé

L’incertitude n’existerait pas si le gouvernement avait répondu favorablement à la demande syndicale d'invalider des clauses orphelin déjà présentes dans les régimes de retraite.

Au dernier Conseil national du Parti Québécois, une résolution présentée par Marc Laviolette a été adoptée pour que soit incluse une telle disposition dans la plateforme électorale du parti. Elle stipule « qu'un gouvernement du Parti Québécois s'engage à compléter la réforme des normes du travail (loi 176) sur les clauses orphelin sur les fonds de pension et assurances collectives en rendant caduques, à l'échéance des conventions collectives, les clauses orphelins déjà négociées obligeant les parties (patrons, syndicats) à se conformer à la loi des normes lors du renouvellement des conventions collectives ».

Souhaitons que les clauses de disparité de traitement des régimes de retraite deviennent un enjeu lors de la prochaine campagne électorale.

 

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Dernière heure

Nous apprenons qu'une entente de principe est intervenue mardi soir entre l'employeur et le syndicat. Les détails suivront.

La grève est réglée entre les membres d’Unifor et  CMC Électronique

C’est dans une proportion de 87,5 % que les membres de l’unité des bureaux et 94 % que ceux de la production ont ratifié l’entente de principe intervenue plus tôt cette semaine. Cette acceptation met ainsi fin au conflit de travail déclenché le 24 mai dernier.

L’employeur a reculé sur sa demande d’imposer un régime de retraite moins avantageux pour les nouveaux employés.

Outre la question du régime de retraite, les parties se sont entendues pour un contrat de trois ans avec des augmentations salariales de 5,75 pour cent (1,75%, 2%, 2%) et le maintien de la couverture des assurances collectives dont le coût est assumé par l’employeur.