Du chaos du G-7, une confiance des peuples en leurs propres forces!

2018/06/11 | Par Pierre Jasmin

L’auteur est artiste pour la paix et co-président d’honneur du Mouvement Québécois pour la Paix

Suite au reniement de sa signature du communiqué final par le président Trump qui a traité Trudeau de « malhonnête », son entourage renchérissant avec « traître qui poignarde dans le dos! », le Journal de France 2 a commenté dimanche matin « la diplomatie du chaos : rarement un sommet du G-7 avait accouché d’un tel chaos».

Sans blâmer ouvertement la maladresse de Trudeau dans sa conférence de presse post G-7, le président Macron a pris un accent gaullien : « la coopération internationale ne peut dépendre des colères et des petits mots. Soyons sérieux et dignes de nos peuples. » Mais le mot « coopération » prend un sens dévoyé dans la bouche d’un président de puissance nucléaire, qui plus est successeur de la Françafrique colonialiste. Comparons avec la digne attitude de madame Angela Merkel qui s’est souvenu de ses origines universitario-prolétariennes : elle ne semblait pas avoir besoin de mots pour accoter Bolton bouche bée et Trump, deux Yankees typiques, si bien cernés dans le passé par nos deux Richard, Séguin et Desjardins.

Pendant ce temps, à son sommet de l’Organisation de Coopération de Shanghaï, Poutine qualifiait de « bavardages » le G-7 et ses tentatives de se mêler de l’Iran et de la Syrie. À ma connaissance, il a eu la sagesse de ne pas commenter la suggestion commune du président américain et du premier ministre italien que la Russie revienne en un G-8.

Écoutons le Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres :  « Mis à mal par le protectionnisme et l'isolationnisme prônés par le président américain, le multilatéralisme doit plus que jamais servir d'outil pour lutter contre les problèmes mondiaux que sont les changements climatiques, les crises migratoires et les désaccords commerciaux. Notre message est toujours le même, c'est un message en faveur de relations internationales basées sur des règles et [il faut] faire comprendre aux gens que c'est dans la coopération internationale qu'on peut en bénéficier. Le fait qu'on s'isole ne va pas résoudre des problèmes qui sont aujourd'hui globaux », selon des paroles retranscrites par Mathieu Gohier de l’émission de Radio-Canada Les coulisses du pouvoir. 

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, présent au sommet du G7 dans Charlevoix, accorde une entrevue à l'animateur Daniel Thibeault. Photo : Radio-Canada/Christine Tremblay

 « Je crois que tout le monde veut une globalisation qui soit plus juste, mais à mon avis, une globalisation plus juste ne veut pas nécessairement dire une globalisation protectionniste ou une globalisation sans que les échanges commerciaux puissent être un instrument de développement. Ce qu'il nous faut, c'est avoir en même temps des mesures qui permettent un commerce libre et des mesures de nature sociale, environnementale, des mesures capables de réduire les inégalités », a ajouté le Secrétaire général.

Cette voix raisonnable rappelle les principaux aspects bénéfiques du G-7 (le dernier?):

- les 3.8 milliards de $ (400 millions du Canada, rien des États-Unis qui estiment leurs donateurs privés suffisants) accordés à la cause des femmes et des filles menacées dans le monde, une initiative louée par Malala Yousafzai dont l’organisme qui lutte pour l’éducation au Pakistan se trouve renforcé.

- les 100 millions de $ contre la pollution du plastique dans les océans, accordés par le Canada, appuyé par seulement cinq des sept pays reçus à la Malbaie.

- les 162 millions de $ par le Canada pour compenser l’érosion due au réchauffement climatique qui affecte nos côtes, une somme dérisoire si on la compare aux 12 milliards  que Trudeau compte investir dans l’achat et l’expansion de Kinder Morgan[1] qui dévastera par sa pollution les côtes de tant de pays parmi les plus pauvres de la planète.

Quant à l’évolution favorable envers ces derniers, souhaitée par Guterres, puisse-t-elle se faire grâce à des pressions altermondialistes concertées sur l’ÉCOSEC, organisme émanant de l’ONU qu’il faut renforcer[2], pour mettre en échec les Firmes MultiNationales et convertir leurs centaines de milliards de $ gaspillés dans les paradis fiscaux.

Cela pourrait très bien se réaliser dans la lignée défendue par le document de trois universitaires, intitulé Manifeste québécois pour la démondialisation[3]. C’est avec beaucoup d’enthousiasme que l’éditeur de l’Aut’Journal, Pierre Dubuc, a joint sa voix à ses auteurs pour appeler « à l’union des démondialistes au Québec, aussi bien que dans tous les pays, afin de reconstruire un ordre politique et économique fondé non pas sur l’exploitation prédatrice des peuples, mais sur la liberté, la justice, le respect des cultures et celui de la nature ».

Ainsi les nations, unies, retrouveraient leur confiance meurtrie par les jeux de guerre des grandes puissances…

Si mon utopie semble peu raisonnable, je répondrai comme Albert Camus en 1945, au sortir du chaos infini de la Seconde guerre mondiale : « Je ne suis pas un philosophe. Je ne crois pas assez à la raison pour croire à un système. Ce qui m’intéresse, c’est de savoir comment il faut se conduire. Et plus précisément comment on peut se conduire quand on ne croit ni en Dieu ni en la raison »[4].

Mon rêve pacifiste, socialiste, écologiste et féministe serait de voir travailler à l’union altermondialiste, non seulement le Parti Québécois de Jean-François Lisée/Véronique Hivon et Québec solidaire de Manon Massé/Gabriel Nadeau-Dubois, préférablement avant qu’ils se déchirent en campagne électorale fratricide, mais aussi les Premières Nations, le NPD de Jagmeet Singh et le Parti Vert d’Elizabeth May. Utopie?

 


[3] lautjournal.info/20180503/manifeste-quebecois-pour-la-demondialisation signé par Jonathan Durand-Folco, professeur, Université Saint-Paul; Éric Martin, professeur de philosophie, Collège Édouard-Montpetit, Intellectuels pour la souveraineté (IPSO); Simon-Pierre Savard-Tremblay, doctorant à l’École des Hautes études en sciences sociales (EHESS) de Paris et essayiste.

[4] Tome 2, page 659, des œuvres complètes d’Albert Camus dans la Pléiade.