Présence autochtone des femmes

2018/08/17 | Par Pierre Jasmin

Mercredi le 15 août, le 28e Festival Présence autochtone présentait pour sa soirée de clôture un film réalisé par un collectif de femmes autochtones de tous horizons qui ont uni leurs voix. La projection se déroulait à la Bibliothèque Archives nationales du Québec (BAnQ) à 19 h dans un auditorium rempli à majorité de jeunes et autochtones, de surcroît!

Invité par André Dudemaine, j’étais heureux de constater que les efforts de celui qui porte depuis des années ce festival aboutissent, grâce à des appuis gouvernementaux enfin conscients de l’importance de la résonance de l’art (l’Écho des Songes!) pour porter une parole contestatrice de l’ordre établi ESSENTIELLE, si on veut évoluer comme société et grâce à des appuis privés comme ceux de Québecor et de Pierre-Karl Péladeau qui m’a avoué être « honoré d'accompagner cet important événement ».

Le collectif créé en août 2014 du RICAA (Regroupement international de créations audiovisuelles autochtones) vient de se doter d’un symbole (en haut à droite sur la photo en tête de l’article) dessiné par une des quatorze personnes (onze femmes, trois hommes) invitées sur la scène de l’auditorium par Manon Barbeau : mère d’Anaïs Barbeau-Lavalette que l’aut’journal citait, la semaine dernière, dans un article sur le Refus Global, cette admirable artiste a créé il y a quinze ans le wapikoni mobile qui a maintenant dépassé, nous a-t-elle confié avec un grand sourire, un millier de productions!  

Le film présenté portait sur la thématique des femmes d’ici et d’ailleurs en proposant des perspectives contemporaines sur des questions d’identité, de territoire, de maternité (entre autres, un récit d’accouchement en forêt innue), d’affirmation féministe contre les blessures des pensionnats et des disparitions et assassinats de femmes autochtones au Canada et aux États-Unis. Ces perspectives sont portées principalement par des femmes cinéastes autochtones du Canada, mais aussi de la Bolivie, du Chili, du Panama, du Pérou, … et du Tibet dont le touchant film m’a évoqué des souvenirs de ma participation en 1993 à une caravane pour la paix IDRIART où après avoir donné malgré l’hostilité chinoise deux concerts à Lhassa, j’avais été reçu avec égards par les Tibétains non assimilés pour une cérémonie de thé additionné de beurre de yack!

Le Cercle des nations 2 : Femmes est, selon Manon Barbeau fière d’en présenter la première mondiale, une œuvre en progression (work-in-progress) réalisée grâce à l’appui de 52 communautés de 16 pays et plus spécifiquement par Aypi Llacolen et Mónica Luisa Ancan Naipio, Ayelen Atton Cayuqueo, Silvia Calfuqueo Lefio, Leufu Kvyen Calfuqueo Painefil, Ayen Alhe, Kajfv Malen, Julio José et Matias Curitol Calfuqueo, Awkan Kvrvf Espinel Chehuin, Ivonne González Monsalve, Iphigénie Marcoux-Fortier, Daniela Naipio Freire, Nawel Painefil Vejar, Martin Perez Painefil, Aukyn et Carolina Trayen et Lihuen Rain Ancan, Juan Rain Blanco, Ale Margarita Rain Soto, Charlene McConini, Sarah McPherson, Joleen Mitton, Helena Lewis, Maryanne Junta, Elisa Moar, Luis Ariel Tovar, Olga Yaneth, Bonilla Charry, François Laurent, Jean-Charles Piétacho, Analicia Lopez, Isac Dogirama, Ivan Jaripio, Lauliano Martinez, Mélodie Jourdain, Eva Kaukai, Manon Chamberland, Karen Pinette Fontaine, Jacqueline Michel, Jani Bellefleur Kaltush, Ginger Cote et bien sûr l’équipe du Wapikoni mobile.

On me permettra de souligner l’aspect positif de la controverse sur Kanata qui a certes nourri la curiosité d’un public désireux de venir s’abreuver à une source authentique de savoir comme Présence autochtone. Ayant collaboré avec Konrad Sioui au profit de l’Enquête populaire pour la paix et la sécurité de 1992[1], j’étais heureux de découvrir récemment les réflexions posées de ce grand chef et d’autres de Simon Brault du Conseil des Arts du Canada, reflétées dans trois excellents articles de Mario Girard, de Michel Nadeau et de Michèle Rouleau (La Presse, 31 juillet); précieuses, elles nous auraient épargné bien des controverses mensongères, comme celle par exemple d’accuser les autochtones qui se sont exprimés à propos du concept d’appropriation culturelle de vouloir exercer de la censure à l’égard de la pièce de Robert Lepage.

Mais si Kanata ne sera hélas pas produit, qu’on sache que c’est à cause du retrait de commanditaires frileux et inquiets de la non-rentabilité possible du projet ou pire, de la contestation jugée délicate de l’histoire des vainqueurs colonialistes, telle qu’André Dudemaine le percevait avec justesse et l’a exprimé, puisqu’il était parmi les invités du TNM afin de tenter une réconciliation envers une production aux bonnes intentions, portée aussi par la valeureuse Ariane Mnouchkine (celle qui en 1994 avait incité les Artistes pour la Paix à se porter à la défense des assiégés bosniaques de Sarajevo).

Enfin, demandons à ce cher André, directeur artistique de Terres en vues, société pour la diffusion de la culture autochtone, combien de projets théâtraux ou musicaux de valeur, issus des Premières Nations, n’ont pas trouvé de commanditaires, à cause de cette même peur de la controverse, parfois teintée de racisme de la part des sources d’argent : les Artistes pour la Paix auraient trente-quatre ans d’histoires semblables à raconter, de même que le collectif théâtral anglophone Teesri Duya qui s’est exprimé sur SLAV !

Pierre Jasmin, artiste pour la paix

dont les vacances d’été lui ont fait découvrir quatre lieux historiques autochtones à Sept-Îles, Maliotenam et dans la nation Huron-Wendat au nord de Québec. Et pour les Montréalais, il est encore temps jusqu’au 26 août de voir l’exposition d’œuvres du peintre André-Michel à l’écomusée du fier monde, rue Amherst dont la mairesse Valérie Plante vient de nous annoncer que le nom en sera changé par un nom autochtone : on progresse!