Lettre ouverte sur l’amiante dans le cadre de la campagne électorale

2018/09/05 | Par Gilles Mercier et Micheline Marier

Dans la présente campagne électorale, l’Association des victimes de l’amiante du Québec (AVAQ) exhorte les partis politiques à préciser leurs intentions au regard de l’amiante. Ce matériau, couramment utilisé en construction jusqu’à la fin des années quatre-vingt-dix, est omniprésent dans les bâtiments résidentiels, commerciaux et industriels et le sera encore pour plusieurs décennies. L’amiante continue à faire des victimes autant parmi les travailleurs que parmi la population générale. L’AVAQ demande aux partis de prendre position sur ce problème majeur de santé publique.

En matière de prévention, nous déplorons plusieurs lacunes qui, encore en 2018, ont pour effets d’exposer la population à ce contaminant, autant au travail que dans la vie de tous les jours. Rappelons que les maladies causées par l’amiante tuent plus de travailleurs et de travailleuses que les accidents du travail, et qu’en 2016, sur 137 décès par maladie professionnelle au Québec, 121 ont été causés par l’amiante, comparativement à 80 décès par accident de travail. Les travailleuses et les travailleurs de la construction sont particulièrement susceptibles d’être exposés à ce contaminant mortel faute de registre complet des endroits où on a inséré de l’amiante.

La norme d’exposition à l’amiante actuellement en vigueur au Québec est 10 fois plus élevée que celle qui a cours aux États-Unis et au Canada et 100 fois plus que celle qui a été adoptée par des pays européens comme la France et la Suisse. Ceci est carrément inacceptable et doit changer, surtout quand nous savons que les scientifiques n’ont pas encore identifié un seuil sécuritaire d’exposition à l’amiante pour des maladies telles que le mésothéliome (cancer de l’enveloppe du poumon). Rappelons que l’amiante, c’est comme la loterie. Plus on achète des billets, meilleures sont les «chances» d’obtenir le «gros lot». Plus on respire de fibres plus on a de chances de développer une maladie due à l’amiante. Les normes d’exposition, tant dans l’environnement que dans les milieux de travail, doivent donc être abaissées le plus possible, à l’image, par exemple, des normes françaises, suisses ou néerlandaises.

La reconnaissance des maladies professionnelles associées à l’amiante fait l’objet de contestations indues par des employeurs du Québec. Le régime de compensation les y incite et certains employeurs engagent même des médecins spécialistes qui livrent des témoignages allant à l’encontre des connaissances scientifiques bien établies par l’Organisation mondiale de la santé ou par d’autres organismes internationaux tout aussi crédibles. L’AVAQ demande que les partis politiques prennent des engagements formels pour mettre fin à la judiciarisation outrancière des dossiers de victimes de l’amiante.

Nous déplorons enfin l’absence de mécanisme pour indemniser les victimes de l’amiante dont l’exposition n’est pas d’origine professionnelle. Contrairement à la France, le Québec et le Canada n’ont pas de politique d’indemnisation des victimes environnementales ou extra-professionnelles. Pensons seulement à un individu qui a été exposé dans sa famille aux fibres d’amiante apportées sur ses vêtements de travail par un parent. Pensons aussi à une personne qui a résidé à proximité d’une mine ou d’une usine de transformation de l’amiante qui laissait échapper de la poussière dans son voisinage.

Les représentants de l’AVAQ sont disponibles pour rencontrer les chefs de partis et les candidats de tous les partis préoccupés par la prévention des maladies de l’amiante. Nous aimerions vraiment aider les différents partis à adopter une politique claire sur cette question.

Gilles Mercier et Micheline Marier, pour l’AVAQ, 4 septembre 2018