Accessibilité à l’aide sociale : le cas d’Alexandre

2018/09/10 | Par CPAS

Le Comité des personnes assistées sociales (CPAS) de Pointe-St-Charles se demande, avec l’annonce du nouveau programme Revenu de base, si le gouvernement ne va pas complexifier d’avantage l’accessibilité au programme solidarité sociale. Notons que le processus pour se faire reconnaître une contrainte sévère en emploi est déjà super compliqué pour plusieurs prestatairea. Le cas d’Alexandre est un exemple des obstacles que les personnes doivent franchir pour obtenir leur contrainte à l’emploi. Nous rencontrons plusieurs personnes ayant des difficultés à faire reconnaître leurs limitations les empêchant l’intégration et le maintien en emploi.

 

Témoignage d’Alexandre

Je m'appelle Alexandre, j'ai 31 ans et je vis avec des séquelles d’une commotion cérébrale depuis 18 ans déjà. Lors de cet accident, j'ai été inconscient pendant plus de 4 heures avec le visage plein de sang. Malheureusement, l’hôpital n'a jamais suivi de protocole. Ils ne m'ont jamais examiné ou fait de scan et la journée même m'ont renvoyé chez moi sans suivi médical. Depuis cet accident, je vis des séquelles : troubles de sommeil, fatigue chronique, migraine chronique, sensibilité à la lumière et aux sons, sensation de compression et de brume cérébrale qui est présente constamment, trouble de la mémoire et de la concentration, trouble anxieux et dépression récurrente.

C’est pour moi très difficile de maintenir un emploi dans ces conditions. Quel employeur veut garder un employé qui manque des journées à cause d’un manque de sommeil, une fatigue intense soudaine et/ou un mal de tête soutenu qui le contraint à retourner à la maison.

Je me retrouve à l'aide sociale avec une prestation de base, de 648$ par mois. On me considère apte à l'emploi, sans aucun problème de santé ou limitation. Tout ça parce que mes difficultés physiques et mentales ne sont pas inscrites dans la liste des maladies du ministère. Je suis dans la catégorie « mauvais pauvre » qui, selon les préjugés de notre système, n'a apparemment pas fait suffisamment d'effort, donc mérite son sort.

Personne ne peut imaginer comment c’est vivre avec 648$ par mois, avant de le vivre. Je peux vous affirmer que ce montant ne me permet pas de manger convenablement pour essayer de garder un minimum de santé. Avec 648$ par mois, tu manges du pain au beurre de peanut, du spaguetti au beurre et du Kraft Diner à longueur de semaine, vu que tu ne peux rien te permettre d'autre. Et penses pas que les banques alimentaires vont te donner de quoi faire des repas complets et vraiment t'aider. Quelques fruits et légumes pour « patcher » le manque, c'est tout pas plus... et ça c’est quand tu es chanceux et que la boîte de nourriture n'a pas juste des pâtisseries... Avec 648$, la santé c'est un luxe que tu ne peux pas te payer.

648$ par mois, c'est être incapable de s'acheter des vêtements, quand tu en as besoin. C’est garder tes vieilles bobettes et vieux souliers usées jusqu’à la corde.

648$ par mois, ça ne couvre même pas le coût moyen d'un logement pour une personne seule à Montréal. La moyenne est entre 550 et 600$. Ce montant ne permet même pas de pouvoir déménager et vivre dans un endroit adéquat où je pourrais prendre soin de moi. Je vis dans un logement médiocre et trop petit. Mon logement est mal isolé avec des murs tellement minces qu’on entend les bruits de la rue et du voisinage. Je demeure donc dans un logement qui m’occasionne plus de stress, me rendant physiquement encore plus malade. Je suis pris dans un cercle vicieux, étant donné que je n’ai pas les moyens de déménager.

Vous me direz qu’il existe des logements subventionnés. Mais, oublie ça de demander un logement social dans un délai respectable. Ils ont une méthode de pointage complexe. Même si tu obtiens un des points parce que tu es à faible revenu, ce n’est pas suffisant pour le recevoir immédiatement. Cela prend plusieurs années avant de pouvoir en avoir un.

Est-ce que c'est ça la bonté de notre système d’aide sociale que d'être traité comme un moins que rien, comme un minable parasite qui demande la charité, parce que tu as de la difficulté à maintenir un emploi salarié à cause d’un problème de santé? Comme si la seule valeur qu'un humain a c'est sa force de travail pour qu’un autre s'enrichisse de ton travail.

Est-ce que j'ai choisi cette vie? Est-ce que je n'aurai pas préféré naître dans une famille bien nantie, avec une santé parfaite, une éducation optimale et d'avoir eu la capacité de faire de longues et prestigieuses études pour finir avec une carrière enrichissante tout le long de ma vie? Ça aurait été plus facile pour moi, mais la vie en a décidé autrement. Et le système a décidé qu'il était plus productif de m'écraser dans une pauvreté abjecte que de m'aider et me donner un minimum de qualité de vie...

Pour l’instant, je suis à l’étape de me battre pour faire reconnaître mes troubles de santé, afin de recevoir la solidarité sociale. J’ai trouvé du support pour mener ce combat. Mais, je continue à croire que c’est du temps mal investi pour moi et le système. Pourquoi avoir créé un régime si complexe? Je sais que cette situation est vécue par plusieurs autres personnes et c’est pour cette raison que je voulais dénoncer cette façon de faire.

 

Conclusion

Le CPAS trouve inacceptable de maintenir des gens dans une telle pauvreté et d’exercer un contrôle sur leur vie, sans reconnaître leurs limitations. Nous demandons la fin des catégories à l’aide sociale, le coût de la vie est le même pour touTEs que tu sois malade ou non. Il est urgent d’offrir la couverture des besoins essentiels pour toutes personnes sans emploi.