Cégeps : un exemple de désinformation

2018/09/13 | Par Frédéric Lacroix

Concernant la question des cégeps, il n’est pas exagéré d’affirmer que les médias québécois effectuent en général, consciemment ou non, un véritable travail de désinformation.

Le dernier exemple en date nous vient du Devoir, sous la plume de Marco Fortier qui signait le 28 août 2018 un affligeant article intitulé « Les étudiants internationaux à la rescousse des cégeps". L’article est grosso modo une reprise un peu pimpée d’un communiqué émis par la Fédération des cégeps le 24 août. On y fait état d’une baisse moyenne de 1,4% dans les inscriptions au cégep. Fort bien.

Dans l’article de 669 mots de M. Fortier, il est question de « baisse de fréquentation des cégeps » et de « choc démographique », mais aucune analyse différentielle des cégeps francophone et anglophone selon la langue n’est présentée. Or, une telle analyse permettrait de comprendre que le portrait de la situation des cégeps est loin d’être uniformément négative pour tous. Certains s’en tirent même très bien. L’article de M. Fortier est en fait une reformulation en 669 mots d’une vieille blague de mathématicien qui illustre la faible pertinence de la notion de « moyenne ». La blague est comme suit : « si Bill Gates entre dans un bar, alors tous les clients du bar sont millionnaires. En moyenne. ».

Il se trouve que j’ai effectué une analyse différentielle selon la langue de la situation des cégeps récemment. Texte, précisons-le, que le Devoir a refusé de publier.

Si on prend la peine d’analyser la situation selon la langue d’étude, alors on comprend que la situation des cégeps anglophones est à faire pâlir d’envie n’importe quel directeur de cégep non anglophone, en région ou non. Les cégeps anglophones sont non seulement remplis à pleine capacité, mais sont aux prises avec de substantielles augmentations de demandes d’admission au premier tour. Leur problème le plus pressant est de faire débloquer et financer de nouvelles places d’études par le gouvernement pour accommoder les cohortes toujours plus nombreuses qui souhaitent y étudier. Un beau casse-tête.

A contrario, les cégeps francophones de Montréal sont aux prises avec d’importantes baisses de clientèle (-5,4% en 4 ans au préuniversitaire) et des baisses encore plus importantes dans les demandes d’admission au premier tour (-10%). Les directeurs de ces cégeps en sont donc à se demander quels programmes ils devront fermer l’an prochain. Un problème un peu moins drôle, convenons-en.

Rappelons que la Fédération des cégeps est le lobby qui affirme représenter l’ensemble des 48 cégeps au Québec (43 cégeps francophones et 5 cégeps anglophones). Ce lobby défend avec une vigueur remarquable les droits de ses membres anglophones, mais semble oublier qu’il représente aussi des cégeps de langue française. La dernière lettre d’opinion signée par le président-directeur général de ce lobby se drape d’ailleurs dans la vertu pour défendre le « libre choix », c’est-à-dire le droit des cégeps anglophones à prospérer et le droit des cégeps francophones à fermer des programmes.

Petite question amicale pour les 43 cégeps francophones membres payants de la Fédération des cégeps : combien de temps encore accepterez-vous d’être les dindons de cette mauvaise farce?