Campagne #Qc2018 : Le défi des services professionnels en éducation

2018/09/20 | Par Johanne Pomerleau

L’auteure est présidente de la Fédération des professionnelles et professionnels de l’éducation du Québec (FPPE-CSQ)

C’est une première en campagne électorale! Tous les partis semblent avoir enfin compris l’évidence : il faut impérativement ajouter des services professionnels, des psychologues, des orthophonistes, des psychoéducatrices, des conseillers d’orientation, des orthopédagogues, des ergothérapeutes,  des bibliothécaires, des animateurs, des conseillères pédagogiques, etc., pour soutenir les élèves et les enseignants du Québec.

C’est une excellente nouvelle. L’austérité libérale, qui a entraîné la suppression de 250 de ces acteurs incontournables à la réussite, avait fait très mal au réseau scolaire en 2015, surtout quand on sait qu’un seul de ces spécialistes peut desservir des centaines d’élèves et faire la différence entre la réussite et l’échec pour plusieurs d’entre eux. Surtout, aussi, quand on apprend qu’un enseignant sur deux a l’intention de quitter la Commission scolaire de Montréal d’ici cinq ans et que la principale raison est leur sentiment d’impuissance devant le manque de services et de soutien.

On ne peut que se réjouir des bonnes intentions de tous les partis, alors que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse s’inquiète, tout comme nous, à la Fédération, du faible niveau de services offerts dans plusieurs milieux et propose même un seuil minimal de services dans toutes les écoles et les centres, ce qui n’existe pas en ce moment.

Pourtant, le vrai défi qui attend le prochain gouvernement, s’il veut donner aux élèves les services auxquels ils ont droit, ce ne sera pas de dégager les fonds pour ouvrir des postes de professionnels. En effet, à l’heure actuelle, le Québec a amplement les moyens d’investir judicieusement dans son avenir.

Le véritable enjeu des prochaines années, en pleine pénurie de main-d’œuvre, ce sera de rendre le milieu de l’éducation publique suffisamment attrayant et inspirant pour inciter les professionnelles et professionnels à choisir ce milieu de travail et à y rester.

Pour ce faire, le parti qui prendra le pouvoir devra commencer par assurer un financement stable en éducation. Il faut cesser de voir les services professionnels comme une marge de manœuvre financière et s’assurer que le mode de financement permette d’embaucher du personnel régulier sans risque que les commissions scolaires ne coupent ces postes.

Ensuite, il devra faire en sorte que suffisamment d’effectifs soient en place pour que nos psychologues, nos orthophonistes ou nos orthopédagogues n’aient plus douze ou quinze écoles à desservir, parcourant des kilomètres pour parfois rencontrer des élèves dans des placards à balais convertis en bureaux. De cette façon, les professionnelles et professionnels pourront offrir un suivi aux élèves après les avoir évalués, faire du dépistage et de la prévention, se réunir entre eux pour se concerter, continuer de se former aux meilleures pratiques de leur profession. Le prochain gouvernement devra également s’assurer que les commissions scolaires soient à même d’organiser les services de manière cohérente et d’accomplir leur principale tâche selon moi : assurer la répartition équitable des ressources.

Enfin, les partis doivent cesser d’entretenir un flou autour du terme « professionnel » alors qu’ils annoncent des ajouts de ressources. Non, les professionnels de l’éducation n’effectuent pas le même travail que les enseignants ou le personnel de soutien. Ils ont tous leur utilité, ils sont tous les rouages essentiels de la réussite. Mais, comme il est évident que vous ne consulteriez pas votre optométriste pour effectuer votre traitement de canal, l’élève dont la problématique requiert l’intervention d’un psychologue ne sera pas aidé efficacement par un psychoéducateur, un enseignant ou un technicien en éducation spécialisée. Les ressources ne sont pas interchangeables!

Le prochain gouvernement devra assumer son rôle de chef d’État, se mettre au service de toute la population et favoriser les services publics en éducation. Il faut cesser de démanteler petit à petit le réseau scolaire pour, au contraire, le valoriser, le renforcer, le rendre à la hauteur des aspirations qu’ont les Québécoises et les Québécois pour leurs enfants. C’est à cette seule condition qu’il rendra possible l’égalité des chances pour tous. C’est son devoir de le faire.