Fantastique pertinence des Prix Nobel de la Paix

2018/10/12 | Par Pierre Jasmin

Une Kurde militante yézidie, Nadia Murad et le gynécologue congolais Denis Mukwege reçoivent conjointement le prix Nobel de la Paix 2018

C’est pour leur lutte commune contre les violences sexuelles en tant qu'armes de guerre qu’ils ont été récompensés. « Denis Mukwege et Nadia Murad ont tous les deux risqué personnellement leur vie en luttant courageusement contre les crimes de guerre et en demandant justice pour les victimes », a déclaré la présidente du comité Nobel, Berit Reiss-Andersen qui a ajouté : « Un monde plus pacifique ne peut advenir que si les femmes, leur sécurité et droits fondamentaux sont reconnus et préservés ».

L’annonce est survenue très à propos, un an après le phénomène planétaire #MeToo déclenché par des allégations de femmes courageuses sur les comportements des producteurs Harvey Weinstein et Gilbert Rozon, nullement comparables, évidemment, avec les monstrueuses exactions commises par centaines de milliers au Congo et en Irak.

Mais la triste affaire du maintenant juge à la Cour Suprême des États-Unis, l’honorable (!) Brett Kavanaugh, montre que les membres républicains du Sénat américain n’ont toujours pas compris que sécurité et droits fondamentaux des femmes méritent respect en tout temps, alors que l’Église évangélique exerce une influence démesurée sur la politique américaine avec ses attaques contre l’avortement primant toute autre considération.

En 2018, le Prix Nobel souligne donc le courage commun du médecin congolais « l’homme qui répare des femmes » et de l’esclave sexuelle Nadia Murad, violée par des membres de l’Armée islamique à Mossoul avant de pouvoir s’échapper au Kurdistan puis de rejoindre sa sœur rescapée (six autres frères et sœurs avaient été massacrés) en Allemagne, où elle a été nommée ambassadrice internationale de la dignité de la traite des victimes.

En 2017, le Nobel de la paix était allé à la Campagne internationale pour l'abolition des armes nucléaires (ICAN) pour avoir contribué à l'adoption du Traité historique d'interdiction de l'arme atomique (ONU – juillet 2017) où il avait été présenté par l’ambassadrice du Costa Rica. Déléguée pour accepter le prix à Oslo, notre amie torontoise Setsuko Thurlow n’a depuis jamais été reçue par le Premier ministre Trudeau.

En 2016, le prix était accordé au président colombien Juan Manuel Santos, depuis défait par le déferlement d’une droite haineuse sur le continent sud-américain où on craint au Brésil en fin de semaine l’élection d’un candidat d’extrême-droite, misogyne, raciste et militariste.

En 2015, le Quartet du dialogue national Tunisien avait reçu le prix, en partie pour l’inclusion du respect de la laïcité dans le document constitutionnel, une exception culturelle dans les pays arabophones d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient.

En 2014, la Pakistanaise Malala Yousafzai, âgée de 17 ans, et l'Indien Kailash Satyarthi ont reçu le Prix « pour leur combat contre l'oppression des enfants et des jeunes et pour le droit de tous les enfants à l'éducation ».

En 2013, l’Organisation pour l’élimination des armes chimiques s’était mise à l’œuvre dès le mois d’août, contribuant à écarter une intervention armée dévastatrice US-France-Angleterre contre la Syrie de Bachar al-Assad. On avait noté la défection au Parlement britannique de députés conservateurs se rangeant du côté travailliste absolument dégoûté des manipulations dévastatrices en Irak de leur ancien leader militariste, Tony Blair.

On a souvent reproché aux prix Nobel leur erreur d’avoir nommé Aung San Suu Kyi ou Obama, ce dernier sur la base de son seul discours de Prague, hélas démenti par ses actions ultérieures. Mais en examinant les récompenses de cette année et des cinq précédentes, ne faut-il pas convenir de leur fantastique pertinence ?