Monsieur Louverture

2018/10/24 | Par Michel Rioux

La chose semble avoir échappé à tout le monde. L’une des principales sources d’inspiration du nouveau premier ministre du Québec pourrait bien être Toussaint Louverture, libérateur d’Haïti et mort dans les geôles de Napoléon Bonaparte en 1803.

Depuis le 1er octobre, François Legault n’a que ces mots à la bouche : « Je suis ouvert ! »

Cette expression est venue remplacer ce qui lui tenait lieu, depuis des mois, de programme politique : « On verra… », répétait-il à temps et à contretemps.

C’est ainsi que la journée de l’assermentation des ministres du nouveau cabinet, Legault s’est découvert une nouvelle vocation : environnementaliste. Celui qui avait soutenu le projet Énergie Est et qui voulait procéder à des forages pétroliers dans l’île d’Anticosti se disait ouvert – ou plutôt tout vert… – à entendre la voix des défenseurs de la nature. « On a une sincère préoccupation pour les défis environnementaux, a-t-il affirmé, en ajoutant : « On a bien reçu le message de la population. On doit en faire plus pour lutter contre le réchauffement climatique. On va y travailler à notre façon, de façon pragmatique en obtenant des résultats. »

La première personne qu’il lui faudra convaincre, c’est bien sa nouvelle ministre, MarieChantal Chassé. Si on en juge par ce rêve qu’elle a avoué, l’affaire est loin d’être gagnée. « Je me laisse aller à ce rêve glorieux d’un avion privé pour multiplier mes allées et venues par la voie des airs et à ce rêve tout simple de retourner près des miens en un instant pour un souper en famille tous les soirs. » La dame ne s’est pas échappée dans une mêlée de presse. Non !  Ce rêve se trouve dans un livre signé par elle et publié il y a quelques semaines…

À moins, bien sûr, que Bombardier ait dans ses cartons un avion propulsé à l’électricité !

Ainsi, après avoir soutenu durant des mois qu’il y avait urgence à instaurer des classes de maternelles 4 ans, et ce même si la très grande majorité des spécialistes dénonçaient cette politique, il s’en tient maintenant à annoncer que des mesures efficaces seront mises en œuvre pour dépister les enfants susceptibles de développer des difficultés d’apprentissage.

Ainsi, après avoir clamé urbi et orbi que les signes religieux ostentatoires seraient interdits sous un gouvernement caquiste à celles et ceux qui représentent l’autorité de l’État, y compris les enseignantes et les enseignants, voilà que le premier ministre se dit à l’écoute et ouvert à des modifications. La clause grand-père n’est plus exclue, semble-t-il.

En revanche, il se montre intraitable quant à la présence du crucifix au-dessus du siège du président de l’Assemblée nationale. Peut-être, après avoir bien écouté tout autour, se montrera-t-il ouvert sur cette question comme il l’a été pour d’autres ?

Il y a 7 ou 8 ans, j’avais publié quelques lignes dans ce journal pour souligner à larges traits quelques caractéristiques qui ressortaient de la personnalité de François Legault. C’est le même homme qu’on retrouve aujourd’hui.

« C’est la même partition que nous joue depuis plusieurs mois un certain François Legault. En bon comptable, il nous dit être là pour régler des problèmes.

Est-il de gauche ou de droite ? En bon technocrate, il n’a que faire de ces étiquettes qui empêchent de régler les problèmes en soulevant trop de questions.

Est-il fédéraliste ou souverainiste ? Aucune importance. Ce qui compte, c’est de régler les problèmes sans s’enfarger dans des débats politiques qui ne font que retarder le recours aux remèdes et aux chirurgies qui s’imposent ».

Le premier logo caquiste pouvait bien ressembler à des blocs Lego : toutte fitte dans toutte avec ce monsieur.

Ce qui n’est pas sans rappeler Maurice Duplessis qui, lors de la campagne électorale de 1936, clamait dans un discours au stade De Lorimier : « Je ne suis pas bleu, je ne suis pas rouge, je ne suis pas tory, je suis de tout mon cœur et de toute mon âme, NATIONAL. Vous voyez sur cette estrade les partisans des vieux partis : il y a des rouges, il y a des bleus, il y a des indépendants… »

Or, même s’il affirme maintenir le cap, « Je veux que vous compreniez que j’ai été élu avec un certain programme… », a-t-il soutenu, il faut s’attendre à voir revenir sur scène le Michel Courtemanche des meilleures années. Car depuis qu’il a atteint son objectif caressé depuis quelques décennies, soit de devenir premier ministre du Québec, François Legault, qui a fait de nombreuses fois la démonstration qu’il est pas mal plus guidé par ses intérêts que par ses convictions, fera de ce qu’il appelle l’ouverture le prétexte pour se livrer aux contorsions intellectuelles nécessaires aux changements d’idée.

Je ne sais pas pour vous, mais on a dit de lui qu’il projetait l’image d’un bon père de famille. Il me semble qu’il projette plutôt l’image d’un mononcle !