Environnement : Le Canada est loin d’être en mode solution

2018/11/01 | Par Monique Pauzé

L’auteure est députée du Bloc Québécois.

Après avoir diminué, puis plafonné, les émissions de gaz à effet de serre (GES) ont augmenté en 2017, dévoilait à la fin septembre un rapport conjoint de l’ONU Environnement, la Banque mondiale et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Pourtant, le monde entier s’est engagé à combattre les dérèglements climatiques ! Mais, malgré toutes les signatures apposées à l’Accord de Paris, seulement 9 pays sur les 180 signataires ont fait leur devoir : soumettre leur stratégie à long terme pour diminuer leurs émissions de GES. Bref, rien ne bouge.

Puis, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a dévoilé un rapport, le 8 octobre dernier, qui rapporte les impacts d’un réchauffement de 1,5 °C d’ici la fin du siècle, soit l’objectif le plus optimiste de l’Accord de Paris, ainsi que les actions à engager rapidement pour éviter un réchauffement plus important.

Les constats sont graves : vagues de chaleur plus fréquentes et intenses (pensons à l’été 2018, ici au Québec), événements extrêmes, montée des eaux dans certaines parties du monde et sécheresse dans d’autres. Or, la température a déjà grimpé de 1°C à travers le monde et les effets négatifs sont bien visibles. Bref, nous passons complètement à côté.

Les rapports du GIEC doivent être approuvés par les gouvernements du monde. Ils l’ont approuvé par consensus. Ils doivent dorénavant passer à l’action.

Depuis plusieurs années déjà, le GIEC presse les gouvernements d’agir. Cette fois-ci, la sonnette d’alarme résonne : il sera bientôt trop tard. Il faut transformer radicalement notre consommation énergétique et laisser sous terre le charbon, le pétrole et le gaz, si on ne veut pas largement outrepasser l’objectif de 1,5 °C.

Malheureusement, quiconque suit les débats à la Chambre des communes constatera que le Canada est loin d’être en mode solution. Le gouvernement libéral se vante de créer de « bons emplois » dans l’Ouest et va même jusqu’à se lancer dans des foires d’empoigne avec les conservateurs pour savoir lequel des deux fait construire le plus d’oléoducs. Quant aux conservateurs, leur chef Andew Scheer l’avait annoncé en congrès cet été et l’a réitéré la semaine dernière, à un an de l’élection : un gouvernement conservateur relancera le projet d’oléoduc Énergie Est. Certains de ses collègues de l’Alberta vont encore plus loin et menacent carrément de se retirer du programme de péréquation, si les provinces n’acceptent pas la présence de leurs pipelines sur leur territoire.

L’acharnement du gouvernement fédéral, peu importe le parti au pouvoir, à développer l’industrie du pétrole bitumineux fait en sorte que le Canada est à des années-lumière non seulement des cibles du GIEC, mais même des cibles des autres pays.

Pour arriver à créer l’illusion qu’il participe à la lutte aux changements climatiques, le gouvernement Trudeau a repris les cibles de réduction d’émissions de gaz à effet de serre du gouvernement Harper précédent, soit une réduction de 30 % de ses émissions sous les niveaux de 2005, d’ici 2030. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que le Canada ramène la cible sous les niveaux de 2005 plutôt que 1990, comme le fait le reste de la planète, pour effacer 15 années d’augmentation massive des GES coïncidant avec l’explosion de l’industrie des sables bitumineux en Alberta.

Le Canada agit comme si ces quinze années n’avaient jamais existé mais, dans les faits, lorsqu’on en tient compte, la cible canadienne n’équivaut plus qu’à une réduction nettement insuffisante de 14 %, selon Équiterre. 

Et tout ça sans même considérer que, non seulement le Canada n’a pas l’intention de redoubler d’efforts, mais qu’il vient d’acheter un pipeline dans l’objectif d’accroître les ventes de pétrole bitumineux dans les marchés du Pacifique.

C’est là qu’on en est au Canada, alors que le GIEC nous dit qu’il faut intervenir rapidement et drastiquement, qu’il faut se montrer plus ambitieux, que nous avons encore une dernière chance de réussir. Et c’est ça, le bilan que défendent les élus libéraux et conservateurs du Québec, à un an des élections. Que diriez-vous qu’on leur montre la porte?

 

Ce qu’ils ont dit

« Nous savons très bien que nous devons nous attaquer aux changements climatiques pour nos enfants et nos petits-enfants. Nous avons aussi l'opportunité de créer de bons emplois. »

- Catherine McKenna, ministre de l’Environnement

« Le Premier ministre, les ministres, les députés de l'Alberta et moi-même réitérons depuis le début notre engagement à l'égard du projet Trans Mountain et nous maintenons le cap. Les conservateurs quant à eux n'ont jamais réussi à faire construire un pipeline qui traverse les montagnes.

Pourquoi les Canadiens devraient-ils croire que les conservateurs peuvent faire mieux qu'ils n'ont fait pendant les 10 années où ils ont été au pouvoir, alors qu'ils n'ont pas réussi à faire quoi que ce soit ? Le Premier ministre et le gouvernement vont de l'avant dans ce dossier. À preuve, quand il a fallu acheter, le gouvernement a acheté. »

- Kevin Lamoureux, leader adjoint du gouvernement

« Si les libéraux voulaient vraiment développer le secteur énergétique canadien et acheminer les ressources du pays vers les marchés, ils reprendraient les discussions avec Énergie Est. Ils laisseraient tomber la taxe sur le carbone. Ils laisseraient tomber le projet de loi C-69, un projet de loi qui interdit les pipelines. »

- Andrew Scheer, chef du Parti conservateur

« Si le Canada est un pays de 10 îles, de 10 provinces distinctes qui peuvent chacune faire ce qu'elles veulent quand elles le veulent, les Albertains peuvent sérieusement se poser la question suivante: pourquoi paient-ils la note sous la forme d'énormes paiements de péréquation ? Il s'agit d'une question légitime. »

- Tom Kmiec, député conservateur de Calgary Shepard