La FTQ revendique un régime d’assurance médicaments universel

2018/11/05 | Par Pierre Dubuc

Quand on parcourt l’histoire du mouvement syndical, il apparaît rapidement que les revendications concernant la santé figurent en tête de liste. Assurance hospitalisation, assurance maladie, assurance médicaments. Dans ce dernier cas, « un premier pas a été franchi avec le régime hybride privé/public qui est le nôtre, mais il reste du chemin à faire », de nous déclarer le secrétaire général de la FTQ, Serge Cadieux, rencontré dans son bureau à Montréal. C’est pour mettre en branle une mobilisation permettant de compléter ce programme que la FTQ organise, les 13 et 14 novembre prochain, un colloque sur les régimes privés et public d’assurance médicaments.

« Nous sommes le seul pays de l’OCDE avec un régime d’assurance maladie qui ne comprend pas un volet médicaments complet, de s’indigner Serge Cadieux. Quand tu es à l’hôpital pour une intervention chirurgicale, les médicaments te sont fournis gratuitement. Mais, dès que tu rentres chez toi, ils te sont facturés. Et le régime hybride ne couvre qu’une partie de ces frais. C’est un non-sens.»

Actuellement, la loi prévoit que si vous êtes admissible à un régime privé, vous devez y adhérer et couvrir votre conjoint et vos enfants. Seules les personnes qui ne sont pas admissibles à un régime privé peuvent s’inscrire au régime public d’assurance médicaments.

Bien entendu, plusieurs bénéficient d’un régime complémentaire bonifié d’assurance au travail. C’est le cas de 55 % de la main-d’œuvre au Québec. « Malgré cela, il y a tout de même 6,1 % de ces assurés qui ne font pas remplir leur ordonnance médicale parce que c’est encore trop cher. Évidemment, c’est pire pour ceux qui n’ont pas cette assurance complémentaire. 12,1% d’entre eux se passent carrément de médicaments. C’est inacceptable! », se scandalise le secrétaire général de la FTQ.

 

Explosion des coûts

Serge Cadieux m’aligne des données préoccupantes : « Le coût des médicaments en 2014 était de 1087 $ par personne au Québec, contre 912 $ pour l’ensemble du Canada et de 603 $ pour les pays de l’OCDE. On paie 45 % plus cher qu’ailleurs dans le monde ! »

Les primes des programmes complémentaires d’assurance sont à l’avenant et les conséquences sont souvent dramatiques. « Au moment du renouvellement de leur convention collective, des groupes de travailleurs abandonnent leurs assurances. Prenons l’exemple d’employés de soutien scolaire qui travaillent 10 à 12 heures par semaine. La loi les oblige à adhérer à un régime privé, s’il y en a un. De plus, c’est souvent un package (assurance salaire, assurance maladie, assurance médicaments, etc.). Une fois les primes enlevées, il ne reste plus rien sur la fiche de paye. Donc, on l’abandonne », constate Serge Cadieux.

Avec le système public universel que revendique la FTQ, on pourrait enregistrer des économies annuelles d’un à quatre milliards parce que le gouvernement a un meilleur rapport de force face aux compagnies pharmaceutiques. « On l’a vu l’an dernier lorsque le ministre Barrette a réduit la facture annuelle de 300 millions $ dans ses négociations avec les fabricants de médicaments génériques », d’illustrer le dirigeant syndical.

 

Répartir la facture

Pour financer le nouveau programme universel, la FTQ propose d’avoir recours à l’impôt sur le revenu, mais elle n’écarte pas, au contraire, de mettre à contribution les employeurs. « Ils devraient y voir leur intérêt. Les coûts seraient répartis sur l’ensemble du patronat plutôt qu’uniquement sur ceux qui contribuent à un régime d’assurance pour leurs employés. »

La proposition de la FTQ se distingue du projet de Pharma-Québec de Québec solidaire qui propose, en plus d’une assurance médicaments universelle et d’achats groupés, la production de médicaments. « Pharma-Québec ressemble plus à une nationalisation. Nous n’en sommes pas là ! », tient à préciser Serge Cadieux.

« Cependant, pour contrer le lobby des compagnies pharmaceutiques, nous proposons la mise sur pied d’un comité indépendant d’experts neutres à qui on confiera la tâche d’établir la liste des médicaments autorisés. »

Bien que le colloque de la mi-novembre s’adresse uniquement aux membres de la FTQ – 300 personnes sont attendues – la centrale syndicale collabore déjà avec la CSN, la CSQ et d’autres groupes comme Option consommateurs dans l’espoir de créer une grande coalition sur ce sujet. « Une coalition sur le modèle de celle qui nous a permis d’arracher au gouvernement une bonification du régime des rentes », rappelle Serge Cadieux.

Une coalition d’une telle ampleur s’avère nécessaire pour s’attaquer à des intérêts aussi puissants que ceux des compagnies d’assurances et des pharmaceutiques, comme l’illustre cette anecdote. Il y a quelques années, John Le Carré était à la recherche d’un sujet pour un nouveau roman. En demandant à des experts quelles étaient les pires multinationales, il s’attendait à ce qu’on lui réponde : les industries de l’armement. Mais, ô surprise, la réponse a été : les pharmaceutiques ! Ce qui nous a valu le roman La Constance du jardinier. À relire en marge du colloque de la FTQ.