Chronique sur la fin de la monarchie

2018/11/09 | Par André Binette

L’auteur est constitutionnaliste, auteur de La fin de la monarchie au Québec (Éditions du Renouveau québécois, 2018)

On a beaucoup parlé de la monarchie dans les dernières semaines. D’abord, les députés de Québec solidaire ont souligné leur réticence à prêter le serment d’allégeance à Sa Majesté à l’Assemblée nationale. Ils ont fini par le prêter loin des caméras, alors que ceux du Parti Québécois ont ajouté les mots «Jusqu’à ce que le Québec devienne indépendant» avant le serment.

Sol Zanetti, nouveau député QS de Jean-Lesage, a déclaré que son parti envisageait de déposer dans les prochains mois un projet de loi pour l’abolir. La constitutionnalité d’un tel projet de loi pourrait être douteuse, mais il aurait le mérite de soulever un débat parlementaire sur la pertinence de la monarchie à notre époque.

Au Canada anglais, le peu d’enthousiasme démontré par la nouvelle gouverneure générale Julie Payette pour certaines de ses responsabilités et le compte de dépenses de l’ancienne gouverneure générale Adrienne Clarkson, qui  a même suscité une pétition de 30,000 signatures recueillies par la Fédération canadienne des contribuables,  ont retenu l’attention. Le non-renouvellement du mandat à la Francophonie d’une autre ancienne  gouverneure générale, Michaëlle Jean, n’a pas davantage redoré le blason de la Couronne.

Sur le plan judiciaire, un important jugement de la Cour d’appel du Québec sur la monarchie est attendu très bientôt. Il s’agit de l’affaire de la succession royale, qui porte sur la légalité de la loi fédérale qui a approuvé les modifications à la succession au trône pour donner des droits égaux aux filles du souverain de lui succéder ainsi que pour permettre à ce dernier d’épouser une personne de religion catholique.  Dans un débat sur cette affaire qui a eu lieu cette semaine, le professeur Mark Walters de l’Université McGill a déclaré que le Canada allait abolir la monarchie tôt ou tard et qu’il était bizarre que le chef d’État du Canada soit toujours une étrangère, qui doit de surcroît être de religion protestante selon des lois britanniques poussiéreuses qui ne devraient plus s’appliquer au Canada. Cette exigence religieuse est incompatible avec les chartes des droits du Québec et du Canada.

A noter qu’un référendum sur la monarchie devrait avoir lieu en Australie en 2020, si l’on se fie à une promesse du chef de l’Opposition officielle, qui mène dans les sondages. Des élections générales doivent se tenir dans ce pays au printemps 2019. Un premier référendum sur ce sujet a eu lieu en 1999 et a obtenu 45% d’appuis pour l’abolition de la monarchie. Le référendum est obligatoire pour modifier la Constitution australienne, ce qui n’est pas le cas au Canada.

Pourquoi attendre que l’Australie abolisse la monarchie  pour en faire autant ici ? L’Assemblée nationale pourrait enclencher dès maintenant la procédure de révision constitutionnelle en adoptant une résolution à cet effet, ce qui obligerait le gouvernement fédéral et les autres provinces à venir à la table de négociation, comme la Cour suprême l’a précisé. Le gouvernement Legault pourrait indiquer que la fin du mandat de l’actuel lieutenant-gouverneur du Québec, en septembre 2020, est l’occasion de fonder la République du Québec dans un cadre canadien en évolution. Il pourrait  décider en même temps de permettre au peuple québécois de se donner une Constitution pour la première fois de son histoire.

Pour aller dans cette direction, il faut une volonté populaire. Un  mouvement citoyen pouvant regrouper différentes tendances, tout simplement appelé République, verra le jour au Québec prochainement. Il sera créé sur le modèle de l’Australian Republican Movement, qui  dit accueillir des centaines de nouveaux adhérents lors de chaque visite de membres de la famille royale, principalement des jeunes. Un engouement semblable, s’il se concrétisait, poserait la question du régime politique dans lequel nous voulons vivre.

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