CO2 : Les enjeux pour une transition juste au Québec

2018/11/09 | Par IREC

Extraits de la note d’intervention numéro 67 de l’IRÉC, disponible en ligne : https://irec.quebec/publications/notes-intervention/les-enjeux-pour-une-transition-juste-au-quebec

Les travaux du GIEC, les progrès des accords internationaux sur le climat aussi bien que l’accélération et l’intensification des signaux de dérèglement du climat imposent de plus en plus clairement l’évidence : le mode de production et les systèmes productifs actuels ne sont plus soutenables. En dépit de la tiédeur du nouveau gouvernement, la préoccupation climatique s’est imposée et les déclarations de François Legault laissent entendre qu’elle sera suivie de gestes concrets. Au cours de la campagne électorale, quelques propositions ont été faites sur ces enjeux et elles laissaient clairement voir que des voies porteuses sont envisageables. Il est réaliste de penser qu’un autre développement est envisageable à la condition de bien cerner les conditions d’opérationnalisation.

Quoiqu’il en soit, si la dynamique de transition qu’il faut enclencher doit composer avec des contraintes immédiates, c’est avec une compréhension claire des possibles qu’il faudra trouver les moyens et les occasions de venir à bout des obstacles. Dans bien des domaines les solutions sont connues, mais ce sont les stratégies d’opérationnalisation qui font défaut. Nous présentons ici quelques éléments de solution pour la mise en œuvre d’une transition juste.

 

UNE DÉFINITION

Plusieurs grandes organisations internationales ont lancé des chantiers de réflexion sur les enjeux soulevés par la lutte aux changements climatiques et leurs travaux ont contribué à la formulation d’une définition de la transition juste qui fait d’ores et déjà l’objet d’un large consensus. L’Organisation internationale du travail (OIT) et la Confédération syndicale internationale (CSI) en particulier ont fourni des matériaux riches et éclairants. C’est ainsi que la CSI a suscité la mise sur pied du Centre pour la transition juste, qui demeure une référence incontournable pour l’analyse et la réflexion sur les politiques publiques et les enjeux socioéconomiques du combat climatique. L’OIT, pour sa part, a fait paraître un document « Principes directeurs pour une transition juste vers des économies et des sociétés écologiquement durables pour tous » qui a largement contribué à la formulation des positions des forces syndicales. C’est en particulier le cas pour les principales centrales syndicales québécoises.

Ces principes peuvent être réunis et formulés sous sept énoncés :

  1. Le dialogue social doit être au cœur de la démarche pour construire un consensus solide et fructueux.
  2. Les mesures à adopter doivent respecter les principes et droits fondamentaux du travail.
  3. Les politiques et moyens doivent être pensés et évalués en tenant compte de leurs effets de genre et faire valoir l’égalité homme-femme.
  4. Une politique adéquate tient dans un cadre qui combine les mesures économiques, environnementales, les dispositions relatives aux affaires sociales et les moyens appropriés dans le domaine de l’éducation et de la formation.
  5. Encourager et promouvoir la création d’emplois décents et offrir une protection adéquate et pérenne face aux pertes d’emplois.
  6. Promouvoir des solutions adaptées à chaque contexte national et à ses pratiques et conditions en matière de justice sociale.
  7. Favoriser la coopération internationale et la solidarité pour contrer le creusement des inégalités et la reproduction d’iniquités.

 

UN SYSTÈME DE VEILLE

Les politiques publiques à mettre en place pour incarner ces principes doivent faire l’objet d’un suivi d’évaluation très serré et dont les résultats doivent pouvoir être rajustés dans les délais courts appropriés. La transition juste est, pour ainsi dire par définition, un processus ouvert. L’innovation souhaitée, recherchée suppose également un dispositif de rétroaction rapide et efficace, dispositif que peut bien servir un système de veille institutionnelle adéquat.

 

LA TAILLE DES DÉFIS

L’IRÉC a déjà publié plusieurs études sur les enjeux de la transition énergétique au Québec, en particulier dans les secteurs du bâtiment, du transport et de l’énergie. Les résultats de ces analyses dressent un portrait fort stimulant des défis qui attendent la société québécoise. Comme l’ont établi de nombreuses autres études, les plans de transition proposés montrent clairement que, loin d’être une menace à l’emploi et à la prospérité, la reconversion énergétique de l’économie ouvre des perspectives fort intéressantes.

 

UN ENJEU DE REQUALIFICATION ET DE RECLASSEMENT

Une transition juste c’est d’abord un processus qui vise à s’assurer que les personnes qui subiront les contrecoups de la décarbonisation de l’économie seront bien accompagnées et encadrées. Il y aura des pertes d’emplois dans les secteurs à restructurer et il y aura également une déqualification de groupes de travailleurs dont les compétences ne seront tout simplement plus pertinentes ou compatibles avec les nouvelles façons de faire. En collaboration avec les Comités sectoriels de main-d’œuvre des principaux secteurs affectés, des programmes de reclassement et requalification devront être mis en place pour prendre en charge les cohortes affectées avec des mesures spécifiques.

 

FORMATION CONTINUE ET ADAPTATION TECHNOLOGIQUE

Les emplois créés ou redéfinis par le recours à des technologies plus propres et par la reconfiguration du système productif seront des emplois à plus haut degré de technicité et vont requérir des profils de compétence plus riches. Des programmes de formation continue et de mise à niveau devront être déployés. Ces programmes devront être élaborés et pris en charge par les institutions publiques (secondaire professionnel, cégeps et universités) et les conditions de participation des entreprises rigoureusement définies dans les paramètres de l’intérêt général. Il faut que les travailleurs et travailleuses y participent dans des cadres et à des conditions qui rehausseront leurs compétences. Les programmes ne doivent pas seulement viser l’adaptation de la main-d’œuvre aux seuls besoins spécifiques et ponctuels des entreprises.

La réussite de la transition vers une économie à faible émission carbone dépend d’une multitude de facteurs dont celui, primordial, de l’acceptabilité sociale. Le succès des mesures de transition va en grande partie dépendre de la crédibilité d’un plan et des moyens qui lui seront confiés pour produire des impacts positifs concrets pour l’ensemble de la population québécoise. Il s’agit là d’un aspect crucial pour la mise en place d’un plan mobilisateur.