L’évolution du patrimoine des ménages au Québec, 1999-2016

2018/11/20 | Par IREC

Extraits de la note de recherche de l’IRÉC, disponible au : https://irec.quebec/publications/notes-de-recherche/levolution-du-patrimoine-des-menages-au-quebec-1999-2016

Cette note de recherche s’appuie sur les Enquêtes sur la sécurité financière (ESF) des ménages au Canada. Menée de façon sporadique auprès d’environ 20 000 ménages, cette enquête permet de dessiner un portrait statistique de la valeur nette des ménages pour l’ensemble du Canada et pour chacune des dix provinces. Ces données comprennent les avoirs financiers et non financiers tels que l’épargne et la valeur des résidences, mais aussi les hypothèques ou les prêts étudiants. Contrairement aux enquêtes précédentes, Statistique Canada a tenu compte de l’une des composantes majeures de la valeur nette des ménages en évaluant la valeur des droits à pension dans les régimes d’employeur.

Entre 1999 et 2012, le patrimoine des ménages québécois avait connu une plus forte croissance que celui de leur voisin ontarien et même que celui de l’ensemble du Canada. Or, lorsqu’on mesure de nouveau la variation des actifs pour la période 1999-2016, sur la base des données plus récentes de l’Enquête sur la sécurité financière (ESF) des ménages, le constat est tout à fait différent. Dans toutes les catégories, la croissance du patrimoine des ménages québécois a été moindre. Un écart de plus de 15 points de pourcentage de la croissance des actifs financiers en défaveur du Québec, mais de 40 points pour les actifs non financiers, contre une dizaine de points d’écart pour les dettes, laissant ainsi un écart de 30 points de pourcentage pour la croissance de la valeur nette des ménages des Québécois comparé à l’ensemble du Canada. Cette détérioration relative s’explique en grande partie par la surpondération des actifs non financiers dans le ROC. La flambée des prix de l’immobilier à Vancouver et Toronto a fait croître de façon beaucoup plus importante leur patrimoine net. Mais ce facteur n’explique pas tout, puisque l’écart s’est aussi creusé dans les catégories des actifs financiers.

Pour l’ensemble du Canada, l’actif total des ménages s’élevait, en 2016, à un peu plus de 12 billions $ avec, respectivement, des actifs financiers de 5,8 billions $, des actifs non financiers (essentiellement les résidences principales) dépassant les 6 billions $ et des capitaux propres en entreprise de 948 milliards $. Puisque la dette totale des ménages canadiens s’élevait la même année à 1,8 billion $, la valeur nette du patrimoine des ménages était ainsi ramenée à 10,3 billions $ en 2016. Les actifs totaux des ménages québécois s’élevaient pour leur part à 2,2 billions $. Ces actifs se décomposent de la façon suivante : 1,2 billion $ en actifs financiers, 972 milliards $ en actifs non financiers (dont 617 milliards $ pour les résidences principales) et 210 milliards $ en capitaux propres en entreprise. Les dettes totales de 306 milliards $ ramènent la valeur nette du patrimoine des Québécois à 1,9 billion $ pour l’année 2016. Alors que la population du Québec représente 23% de la population canadienne, la part québécoise de l’actif total canadien ne s’élève qu’à 18%.

Si la croissance du patrimoine des Canadiens et des Québécois s’est poursuivie au cours des quatre dernières années, les « profils patrimoniaux » des deux groupes continuent de se différencier. La part du patrimoine non financier reste dominante dans le reste du Canada alors que ce sont les actifs collectifs de retraite qui se distinguent chez les Québécois. Par contre, chez les deux groupes, l’inégalité de patrimoine se manifeste dans les catégories « capitaux propres dans l’entreprise » et « détention de capital-actions ». Les ménages québécois sont généralement moins endettés, mais l’écart s’explique par le fait que la valeur de l’actif immobilier des unités familiales québécoises est beaucoup moins importante que dans le reste du Canada.

Lorsque l’on compare les résultats canadiens à ceux de l’Ontario, on constate, à une ou deux exceptions près, que les proportions d’actifs et de dettes de chaque catégorie sont assez identiques. Par exemple, comme on l’observe pour l’ensemble canadien, la part des actifs financiers est légèrement inférieure à 50% alors que celle des actifs non financiers représente un peu plus de 50%. La part de la dette est identique à une fraction près, de même pour l’hypothèque sur la résidence. En somme, on aurait de la difficulté à trouver des caractéristiques qui permettraient de différencier le « profil patrimonial » ontarien de celui du Canada. Néanmoins, avec son actif global de 5 billions $, la part de l’Ontario dans l’actif total du Canada (41%) est significativement supérieure à sa part de la population totale canadienne (38%).

C’est entre 1984 et 1999 que le montant total détenu par les Québécois dans les régimes d’épargne individuels a le plus rapidement augmenté : il a été multiplié par 6,4 alors que le total des actifs financiers n’avait augmenté que de 1,8 fois pendant la même période. Pendant ces années, le nombre d’unités familiales cotisant à un régime individuel avait crû de 27 points de pourcentage alors que le groupe d’âge de 25 à 34 ans avait enregistré un bond spectaculaire de 36 points de % dans ces régimes. Entre 1999 et 2012, les actifs enregistrés dans les régimes individuels ont continué à croître, mais à un rythme bien inférieur. Cette grande transformation de la composition de l’épargne pour la retraite, en faveur des régimes individuels, semble donc s’être épuisée pendant cette période. L’Enquête sur la sécurité financière de 2016 confirme ce constat puisqu’elle signale une baisse de la couverture de ces régimes alors que l'on constate une légère hausse de celle des régimes collectifs pour les unités familiales.

Enfin, nous évaluons que l’épargne québécoise est encore aujourd’hui canalisée, de façon trop importante, par des institutions financières à l’extérieur du Québec, des institutions financières dont les principes et les pratiques sont souvent à des années-lumière d’une finance responsable. Nous évaluons à 300 milliards $ la valeur de ces épargnes qui sont retirées du circuit économique québécois, soit l’équivalent d’une 2e Caisse de dépôt et placement !