Charles Cunningham Boycott

2018/11/21 | Par Michel Rioux

« Être nationaliste, c’est crier ses revendications jusqu’à l’extinction de voix pour ne pas être en voie d’extinction»    

 - Boucar Diouf

Depuis qu’en 1880 les paysans irlandais avaient alors décidé de mettre au ban de leur société un agent de Londres pour que ce dernier finisse par entendre raison, bien des choses se sont passées…

Dont, par exemple, la suivante, qui est plutôt cocasse, il faut l’avouer. Le capitaine Charles Cunningham Boycott, honni par les paysans de l’époque, a finalement donné son nom à un type d’action largement utilisé depuis près de 150 ans. Aussi bien par les États que par les entreprises, même si, la plupart du temps, le boycott provoque davantage de bruit lorsqu’il est le fait de syndicats ou encore des groupes parmi les plus démunis.

On a connu au Québec plusieurs campagnes de boycottage, dont certaines ont connu des résultats significatifs. Il y a eu celle contre les produits Molson en 1975, qui tenait les travailleurs de Vilas Furnitures en conflit. Il y a eu en 1976 le boycott de Sun Life, qui avait annoncé le transfert de son siège social en Ontario un 15  novembre, anniversaire de l’élection du PQ. Il y a eu surtout le boycott en 1978 des produits Cadbury, qui avait fermé son usine de la rue Masson pour transférer sa production en Ontario. Les Québécois – y compris le gouvernement Lévesque – ont répondu en masse à l’appel On barre Cadbury ! lancé par la CSN. Encore aujourd’hui, des centaines de personnes ne touchent pas à la Caramilk…

Bien sûr, les boycotts n’ont pas toujours des résultats spectaculaires. Mais c’est souvent l’imaginaire qui est touché, comme ce fut le cas récemment à l’annonce de la fermeture de l’usine de peinture Sico de Québec, la production étant transférée en Ontario. François Legault a eu une réaction qui l’honore en s’interrogeant à haute voix sur la pertinence d’acheter plutôt des peintures fabriquées au Québec, comme la peinture Laurentide. Et nous avons été des milliers à dire et à écrire : Sico, plus jamais ! Et à nous rappeler que toutes les peintures Canadian Tire vendues au Canada sont fabriquées à Montréal. Lors d’une récente visite de cette bannière à Longueuil, j’ai vu un petit drapeau du Québec attaché à un gallon de peinture. Frapper l’imaginaire…

Jean-François Nadeau, du Devoir, a frappé dans le mille en évoquant – politique-fiction bien sûr – une déclaration solennelle du premier ministre indiquant que « désormais, le gouvernement du Québec utilisera tous ses fonds destinés jusqu’ici aux services aux anglophones afin de financer les services aux francophones d’Ontario… »

On n’ose imaginer la réaction des anglophones du Québec face à une telle annonce. Et pourtant, quand on y regarde de près, la réalité montre bien que nous nous trouvons devant une situation rappelant l’image du lièvre et du cheval.

Les anglophones de souche au Québec représentent 5,6 % de la population ; ils ont accès à 11 centres hospitaliers : Lakeshore General Hospital, Catherine Booth Hospital, Lindsay Rehabilitation Hospital, Richardson Hospital, McGill University Health Center, Jewish Hospital, St-Mary Hospital, Douglas Hospital, Gatineau Memorial, Brome-Missisquoi-Perkins Hospital, Jewish Rehabilitation Hospital..

Les francophones de souche représentent 4,4 % de la population en Ontario ; ils ont pour leur part accès à… un hôpital, Monfort. Sauvé de justesse grâce à une mobilisation populaire il y a 20 ans.

Et que dire des universités ? Trois de langue anglaise au Québec. Aucune en Ontario. Celle, encore virtuelle, s’est fait couper les ailes par le premier ministre Dog Ford.

Un Martien récemment débarqué dans le coin et qui n’aurait pas eu accès à ces données pourrait en venir à la conclusion que la langue anglaise se trouve en difficulté au Québec et que la langue française coule des jours heureux en Ontario ! Les libéraux, conscients des dangers courus ici par les locuteurs anglophones, ont d’ailleurs allongé 25 millions pour la création d’un Secrétariat des relations avec les Québécois d’expression anglaise. En Ontario, on vient de couper les 4 665 000 de dollars qui finançaient l’Office des affaires francophones d’Ontario.

Mais François Legault se doit d’être prudent. Si jamais il s’aventurait dans le sens indiqué par Nadeau, il lui faudra se souvenir que les Anglais ont une certaine expérience en matière d’incendie de Parlement, ayant transformé en brasier le Parlement du Bas-Canada à Montréal en 1848 ! Ce serait vraiment dommage de mettre en danger le Parlement de Québec dont les rénovations atteignent 60 millions de dollars…