Perte de 6 500 emplois en trente jours

2018/11/30 | Par Stan Pickthall

L’auteur est vice-président général canadien de l’AIMTA

Le Syndicat des Machinistes est le plus important syndicat au monde en aérospatiale avec plus 184 000 membres répartis sur 1000 conventions collectives. Affilié à la FTQ, il représente depuis 1940 des dizaines de milliers de travailleurs et de travailleuses en aérospatiale au Québec, nous retrouvons aujourd’hui des membres des Machinistes au sein d’entreprises majeures comme Bombardier, Airbus, Rolls Royce, Héroux-Devtek, Safran Landing, L3-MAS, AJ-Walter, Air Canada, Air Transat et Siemens.

En trente jours à peine, des événements désastreux ont eu des impacts dévastateurs pour des milliers de travailleuses et travailleurs ainsi que leurs proches. On parle de 2 500 emplois perdus dans l’usine de GM, à Oshawa, de 1 500 dans les trois usines de Maple Leaf, en Ontario et de 2 500 autres à la suite des mises à pied chez Bombardier au Québec… un total ahurissant de 6 500 emplois en moins d’un mois, 6 500 vies de travailleuses et de travailleurs profondément ébranlées.

Au Québec, Bombardier, une entreprise grandement subventionnée par les deniers publics, a annoncé des licenciements et ces salariés entameront la période des Fêtes inquiets et incertains quant à leurs moyens de subsistance et l’avenir de leurs familles. Malgré l’engagement dont le Québec a fait preuve envers Bombardier par le biais de subventions importantes, l’entreprise ne s’est pas sentie redevable. La relation est à sens unique et, évidemment, ce sont les travailleurs qui en paieront le prix.

Les travailleurs de GM à Oshawa subissent le même sort et, à la même date l’année prochaine, la triste réalité fera d’eux des chômeurs. Il n’est pourtant pas difficile d’imaginer à quel point notre vie dépend de nos emplois notamment comme moyen de subsistance.

Des décisions de cette ampleur ne devraient pas être prises par les conseils d’administration d’une société, surtout pas lorsque cette dernière a reçu des fonds publics. Les 700 millions de dollars ainsi que les réductions d’impôt de 14 milliards de dollars dont bénéficiait GM, sont des sommes qui n’ont pas été allouées aux programmes sociaux, aux communautés, aux soins de santé, bref qui auraient pu être utilisé à bon escient.

Au moment de rédiger ces lignes, les postiers ont fait l’objet d’une loi de retour au travail et d’une médiation obligatoire édictées par un gouvernement qui avait initialement critiqué les conservateurs pour avoir eu recours à une mesure législative pour mettre fin à une grève du STTP. Les salariés ont été sanctionnés pour défendre des lieux de travail sécuritaires, un régime de retraite et pour vouloir être rémunérés pour les heures qu’ils ont travaillées. Le droit de grève est l’un des rares pouvoirs dont les syndicats disposent. Ce pouvoir n’est jamais exercé à la légère et sans considération profonde pour la communauté, pour les syndiqués et pour les relations avec l’employeur. Mais, c’est parfois le seul moyen d’envoyer un message et ce pouvoir vient de nous être retiré.

Dans le cas de GM, le gouvernement Ford, qui se vantait d’être un gouvernement pour le peuple, un gouvernement ouvert pour à la négociation et prêt à créer des emplois a déclaré qu’il n’y avait rien à faire parce que ce « navire avait déjà pris la mer ». Où donc est la lutte pour les gens ordinaires? Pire encore, que nous reste-t-il pour nous battre?

Qui demandera des comptes à ces entreprises? Qui tiendra le gouvernement responsable des promesses faites en échange de votes?

Dans les trois cas, les gouvernements, qu’ils soient provinciaux ou fédéraux, libéraux ou conservateurs, sont complices de l’érosion des droits des travailleurs et de nos communautés. Le gouvernement nous est redevable. Nous lui confions l’argent de nos impôts pour qu’il le gère dans notre intérêt à tous. Les fonds publics n’appartiennent ni au gouvernement ni aux sociétés. Une subvention n’est pas un marchandage, c’est un engagement et une permission d’exploiter une entreprise et d’utiliser les ressources d’une communauté, humaines ou autres, dans l’intérêt mutuel.

Que faudra-t-il donc de plus pour que les travailleurs passent à l’action? Les moyens de subsistance, la sécurité, les emplois bien rémunérés et sécuritaires, les pensions, les communautés prospères dépérissent.

Que faudra-t-il de plus? Ne vous y méprenez pas, nous assistons à une lente érosion de nos droits en tant que travailleurs, des droits qui garantissent la protection de nos moyens de subsistance, de notre travail et de nos emplois.

Le Syndicat des Machinistes est solidaire de tous les salariés qui vivent ce que vivent nos membres au Québec, des travailleurs dont le droit de grève a été supprimé et de ceux dont les moyens de subsistance sont simplement perçus comme une obstruction aux profits, un obstacle à la restructuration nécessaire. Ces quatre exemples ne sont que quelques-uns parmi d’innombrables autres et ces scénarios sont devenus trop courants.

Nous avons oublié le pouvoir que nous détenons, comme citoyens et comme travailleurs. Nous avons construit ces sociétés et le gouvernement nous est redevable. Un préjudice causé à un syndicat est un préjudice causé à tous. Si les gouvernements et les sociétés que nous subventionnons ne respectent pas leurs engagements, quelqu’un se doit de les défier et d’exercer des pressions sur eux. Les syndicats sont les seuls qui le peuvent, et sont les seuls à l'avoir fait. En cette période critique, il est plus important que jamais de faire preuve de solidarité et d’endiguer ensemble la destruction des droits de tous les travailleurs et  travailleurs. Après tout, comme l’illustrent ces exemples ainsi que de multiples autres, nous menons tous le même combat contre un adversaire commun.