Évolution des investissements : un aperçu international

2018/12/06 | Par IREC

Extraits de la note de recherche de l’IRÉC, disponible en ligne : https://irec.quebec/publications/notes-de-recherche/evolution-des-investissements-un-apercu-international

Dans une note de recherche précédente, nous avons pu constater une baisse tendancielle des investissements privés et publics au Québec et au Canada. Dans cette nouvelle note, en faisant des comparaisons avec les autres pays du G7, nous cherchons à déterminer dans quelle mesure il existe des tendances globales qui affectent les investissements dans les pays avancés. Que s’est-il réellement passé d’un point de vue global ? Comment les autres pays avancés se sont-ils comportés sur le plan des investissements privés et publics et comment, sur cette base, peut-on mieux comprendre ce qui s’est passé au Canada et au Québec ?

 

Comparaison internationale et thèse de la stagnation séculaire

L’évolution de l’investissement dans les économies développées et émergentes est allée de pair avec l’effondrement de l’activité dans la foulée de la Grande Récession. Mais ce sont les pays avancés qui ont payé le prix fort de la crise financière. Pour les pays du G7, le niveau moyen de croissance des investissements, au cours des deux dernières décennies, est passé d’une moyenne de 3% en 1996 à 0,6% en 2017. La thèse de la « stagnation séculaire » du taux de croissance expliquerait cette évolution par une insuffisance structurelle de la demande globale. Elle repose sur l’idée que la transition démographique et l’accroissement des inégalités que connaissent les pays avancés depuis quelques années freinent la croissance dans la mesure où elles dépriment la demande globale. Malheureusement, le pronostic de la thèse se limite trop aux enjeux habituels du vieillissement et de l’inclusion.

Sur d’autres axes d’intervention publique, ses partisans confortent les mêmes politiques qui, depuis des années, génèrent de plus en plus d’inégalités dans les pays avancés, en particulier celles liées à la financiarisation de l’économie et à la libéralisation du commerce international. En outre, même s’ils proposent des programmes plus ambitieux de dépenses publiques, ils restent foncièrement ancrés dans une vision assez conservatrice de la gestion des finances publiques, la prédominance de la rigueur budgétaire ayant trop souvent tendance à amoindrir les ambitions des programmes de dépenses mis en place. Par ailleurs, les limites écologiques de l’activité économique jouent probablement un rôle non négligeable dans la stagnation actuelle. Les estimations actuelles en termes de pertes économiques ne tiennent pas compte des coûts globaux que représente le réchauffement climatique puisque le coût économique des désastres naturels ne représente qu’une partie des pertes en capital naturel, et en services écologiques fournis, qu’impacte le modèle de croissance fondée sur les énergies fossiles.

 

Retour sur le cas québécois

À la lumière de l’analyse des diverses causes probables de la baisse des investissements, qui ont été abordées dans cette note, nous avons fait un bref retour sur le cas québécois pour illustrer les limites du modèle québécois de développement dans un contexte de stagnation séculaire. Nous relevons d’abord les impacts désastreux de la stratégie extractiviste sur les secteurs industriels québécois. La part des produits manufacturés dans les exportations québécoises a chuté de huit points de pourcentage pendant la période de croissance exubérante des sables bitumineux. Des industries entières ont perdu leurs expertises de base et ont été incapables de renouer avec la croissance lors de la reprise de l’activité économique. Les biens que ces industries produisaient sont maintenant fabriqués dans des pays où l’empreinte carbone est probablement beaucoup plus élevée qu’elle l’était au Québec. Autrement dit, si les coûts environnementaux étaient mieux intégrés dans les prix, ces entreprises seraient peut-être encore sur le sol québécois.

Les politiques d’austérité qui se sont succédé depuis 20 ans, à Ottawa ou à Québec, n’ont fait qu’empirer le problème. Non seulement la baisse des transferts fédéraux a fragilisé les finances du Québec, mais elle a forcé les gouvernements du Québec à faire des choix budgétaires qui ont miné les services publics. Cette nouvelle normalité de gestion des finances publiques a grandement affecté les investissements privés. Du côté des investissements publics, les gouvernements n’ont pas soutenu leurs efforts suffisamment longtemps après la crise de 2008-2009 pour consolider la reprise.

Ce qui est encore plus préoccupant, c’est qu’en même temps que nous assistons à une tendance de dérégulation, nous voyons apparaître au Canada les signes inquiétants d’un retour des pratiques financières non soutenables sur le long terme. L’évolution des dividendes versés aux actionnaires au cours des années récentes est inquiétante : à partir de 2012, on assiste à une évolution contrastée particulièrement néfaste, avec d’un côté une forte croissance des dividendes versés et de l’autre un décrochage marqué des investissements des entreprises. Nous estimons que cela devrait servir de signal d’alarme aux autorités compétentes, du fait que la distribution des surplus d’exploitation vers les détenteurs de titres aurait atteint un niveau qui serait nuisible aux capacités d’investissement des entreprises.