Exigence de la connaissance du français au Québec

2019/01/29 | Par Mario Beaulieu

L’auteur est chef parlementaire du Bloc Québécois et porte-parole en matière de langues officielles

En vertu de la loi canadienne, la connaissance d’une des langues officielles, l’anglais ou le français, est obligatoire pour obtenir la citoyenneté. Le Bloc Québécois a déposé le projet de loi C-421 pour qu’au Québec, la connaissance du français soit obligatoire. Il s’agit d’une mesure qui va dans le sens de engagements du gouvernement du Québec et rien n’est plus logique, car la Charte de la langue française vise à faire du français la langue officielle et commune du Québec, seul État majoritairement francophone en Amérique.

Mais à Ottawa, les politiciens fédéraux cherchent à contourner ce débat. La rentrée parlementaire sera marquée par une procédure rarissime : un vote secret, dont l’issue pourrait être d’éviter aux parlementaires canadiens d’avoir à se prononcer publiquement sur cet enjeu pourtant consensuel au Québec.

Effectivement, un récent sondage Léger démontre que 73 % des Québécois estiment que « la connaissance minimale du français devrait être une condition obligatoire pour demeurer au Québec » (79 % chez les francophones et 52 % des anglophones et des allophones).

Mais cela semble inconcevable pour les politiciens fédéralistes pancanadiens. Aussitôt que le projet de loi fut déposé, l’ex-commissaire aux langues officielles, Graham Fraser, est intervenu. Il estime qu’exiger la connaissance suffisante du français irait à l’encontre de la Loi sur les langues officielles du Canada sous prétexte qu’elle empêcherait quelqu’un de communiquer avec le gouvernement dans la langue de son choix. Ce sur quoi notre projet de loi n’a aucun effet.

La charge était sonnée. Avant même que le projet de loi ne soit amené en Chambre, lors de son passage au Sous-comité des affaires émanant des députés, le député libéral de Laurentides—Labelle, David Graham (ardent défenseur du « Bonjour/hi ») affirmait que le projet de loi est clairement inconstitutionnel en se référant à une anecdote personnelle. Il s’insurge contre la possibilité que son épouse, qui parle cinq langues, mais pas le français, aurait dû passer son examen de citoyenneté en Ontario.

Parallèlement, la députée libérale de Rivière-des-Mille-Îles, Linda Lapointe, craint que « des Américains devenus résidents permanents aillent passer leur test de citoyenneté en Ontario, parce qu'ils ne pourraient pas le faire au Québec faute d'une connaissance suffisante du français ».

En bref, selon eux, le fait d’exiger la réussite d’un test sur la connaissance du français au Québec irait à l’encontre de la Constitution canadienne.

Le légiste et conseiller parlementaire du Comité de la procédure a eu beau indiquer que le projet de loi n’était pas clairement anticonstitutionnel, et donc votable, les libéraux ont réussi à faire obstruction au projet de loi du Bloc parce qu’ils sont majoritaires. C’est carrément un détournement de démocratie pour étouffer un débat essentiel pour les Québécois.

Nous avons fait appel à la Chambre des communes et avons obtenu qu’un vote secret soit tenu les 29 et 30 janvier sur la « votabilité » de C-421.

Est-ce qu’encore une fois, une revendication légitime et vitale pour l’avenir des Québécois en tant que nation, va simplement être balayée du revers de la main? C’est malheureusement possible parce que le système fédéral fait qu’une autre nation prend des décisions cruciales à notre place. Seule l’indépendance nous permettrait assurément de faire du français la véritable langue publique commune et d’en assurer l’avenir. Mais d’ici là, le rôle du Bloc Québécois est d’autant plus important qu’il est le seul parti qui défend systématiquement les positions du Québec en matière de langue, tant par ses interventions au parlement canadien que par ses actions pour mobiliser l’opinion publique.