La survie des régions passe par le renouveau de l’information régionale

2019/02/25 | Par Pierre Dubuc

Entre 2010 et 2014, deux conglomérats, Québecor, par l’entremise de sa filiale Sun Media, et Transcontinental, par sa filiale TC Media, se sont livré une lutte sans merci pour le lucratif marché publicitaire des hebdos régionaux du Québec. En 2014, Sun Media a jeté l’éponge et TC Media a racheté 74 hebdos de son concurrent. Mais c’était une victoire à la Pyrrhus. En 2017, TC Media a mis en vente ses 93 titres québécois.

Dans son livre Extinction de voix. Plaidoyer pour la sauvegarde de l’information régionale. (Éditions Somme Toute), la journaliste Marie-Ève Martel, qui est à l’emploi de La Voix de l’Est de Granby, documente cette lutte au cours de laquelle plusieurs hebdos ont rendu l’âme. Un bilan dressé, à l’hiver 2018, par Influence communication révélait que plus de la moitié des hebdomadaires existant il y a vingt ans a disparu.

Mais la presse hebdomadaire régionale a survécu. Des entreprises régionales se sont portées à sa rescousse. Ce fut la revanche des indépendants, comme l’a bien nommée la journaliste. Cependant, les causes de l’hécatombe ne sont pas disparues. Certaines ne sont pas particulières à la presse régionale : exode des revenus publicitaires vers les GAFA, petites annonces qui migrent sur Kijiji, décisions des gouvernements fédéral, provincial et municipal de publier leurs avis publics sur le Web, etc.

Mais, dans l’entrevue qu’elle nous accorde, nous nous attardons sur une cause plus spécifique à la presse régionale, soit « l’extinction de voix » de la presse régionale comme symptôme de la dévitalisation des régions. Marie-Ève est familière avec cette réalité. « Il y a une perte de services dans les régions. La presse régionale en témoigne. Quand un malade doit parcourir 100 kilomètres pour se faire soigner, comme c’est le cas en Gaspésie, ce n’est pas normal. Dans son coin de pays, on veut avoir droit aux mêmes services que dans les autres régions. »

Pour sensibiliser les pouvoirs publics et l’ensemble du Québec à cette réalité tragique des régions, « il faut, nous dit-elle, réinventer l’information régionale pour en assurer la survie ».

Bien entendu, la question économique est importante. Mais la solution ne réside pas dans une conversion au numérique pour économiser le coût du papier, comme plusieurs patrons le croient. « Le journal papier est toujours important. Pour que les gens le consultent, il faut qu’ils le voient. Qui va consulter les avis publics sur Internet? », nous lance-t-elle.

Des solutions économiques, il en existe et elles sont connues. Elle les énumère : crédits d’impôt, création d’un fonds québécois des médias, publicités gouvernementales, etc. Aux gouvernements d’agir. Les solutions doivent également émaner des médias eux-mêmes : correspondants locaux de l’Agence de la Presse canadienne, alliances entre petits médias, etc.

Mais Marie-Ève insiste : le contenu doit primer sur le véhicule. Il faut faciliter le travail des journalistes. À cet égard, elle montre la nécessité d’interventions législatives pour contrer les roitelets locaux, ces émules de Donald Trump, qui s’autorisent à expulser les journalistes des assemblées publiques des conseils de ville.

Son livre regorge d’anecdotes sur les pressions exercées sur les journalistes par les commerçants et les élus locaux. Une des plus savoureuses concerne le journaliste Geoffré Samson de la station de radio CIHO dans Charlevoix-Côte-de-Beaupré, alors qu’il participait au congrès annuel de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ).

Pendant qu’il relatait, dans le cadre d’un atelier, comment la députée du coin menaçait de ne plus lui accorder d’entrevues s’il posait des questions sur des sujets ne figurant pas sur le communiqué du jour, des journalistes, choqués de cette tentative de contrôler le message, ont tweeté, en direct, les déclarations de Samson, identifiant du même coup la députée libérale en question, Caroline Simard.

Celle-ci n’a pas tardé à répliquer, appelant l’employeur de Geoffré Samson pour savoir ce qu’il en était. Elle s’est même permis d’annoncer que la direction de l’information et la direction générale de CIHO ne s’expliquaient pas cette sortie et que la station réagirait sous peu. Tout cela pendant que Samson échangeait avec des collègues au cours de l’atelier!

Marie-Ève Martel se réjouit de l’accueil chaleureux réservé par les régions à son livre. « J’ai donné une cinquantaine d’entrevues. C’est parti des médias régionaux du Saguenay, du Bas-du-Fleuve, et fait le tour du Québec. Ils étaient heureux que je m’adresse à yeux et que je donne le point de vue des régions. »

La conclusion de son livre mérite qu’on s’y attarde. Elle écrit : « Il faut réinventer l’information régionale pour en assurer la survie. Le renouveau de l’information régionale passe indubitablement par la découverte des régions. Il faut se réintéresser à toutes ces initiatives locales de plus en plus passées sous silence, poser un regard neuf vers toutes ces organisations et toutes ces personnes qui font la richesse des quatre coins du Québec. De là, il faut ensuite raconter leurs histoires, faire de ces gens et de ces institutions les ambassadeurs de leur coin de pays. »

De toute évidence, pour prévenir l’extinction des régions, il faut rapidement trouver un remède à leur « extinction de voix ».

Entre 2010 et 2014, deux conglomérats, Québecor, par l’entremise de sa filiale Sun Media, et Transcontinental, par sa filiale TC Media, se sont livré une lutte sans merci pour le lucratif marché publicitaire des hebdos régionaux du Québec. En 2014, Sun Media a jeté l’éponge et TC Media a racheté 74 hebdos de son concurrent. Mais c’était une victoire à la Pyrrhus. En 2017, TC Media a mis en vente ses 93 titres québécois.

Dans son livre Extinction de voix. Plaidoyer pour la sauvegarde de l’information régionale. (Éditions Somme Toute), la journaliste Marie-Ève Martel, qui est à l’emploi de La Voix de l’Est de Granby, documente cette lutte au cours de laquelle plusieurs hebdos ont rendu l’âme. Un bilan dressé, à l’hiver 2018, par Influence communication révélait que plus de la moitié des hebdomadaires existant il y a vingt ans a disparu.

Mais la presse hebdomadaire régionale a survécu. Des entreprises régionales se sont portées à sa rescousse. Ce fut la revanche des indépendants, comme l’a bien nommée la journaliste. Cependant, les causes de l’hécatombe ne sont pas disparues. Certaines ne sont pas particulières à la presse régionale : exode des revenus publicitaires vers les GAFA, petites annonces qui migrent sur Kijiji, décisions des gouvernements fédéral, provincial et municipal de publier leurs avis publics sur le Web, etc.

Mais, dans l’entrevue qu’elle nous accorde, nous nous attardons sur une cause plus spécifique à la presse régionale, soit « l’extinction de voix » de la presse régionale comme symptôme de la dévitalisation des régions. Marie-Ève est familière avec cette réalité. « Il y a une perte de services dans les régions. La presse régionale en témoigne. Quand un malade doit parcourir 100 kilomètres pour se faire soigner, comme c’est le cas en Gaspésie, ce n’est pas normal. Dans son coin de pays, on veut avoir droit aux mêmes services que dans les autres régions. »

Pour sensibiliser les pouvoirs publics et l’ensemble du Québec à cette réalité tragique des régions, « il faut, nous dit-elle, réinventer l’information régionale pour en assurer la survie ».

Bien entendu, la question économique est importante. Mais la solution ne réside pas dans une conversion au numérique pour économiser le coût du papier, comme plusieurs patrons le croient. « Le journal papier est toujours important. Pour que les gens le consultent, il faut qu’ils le voient. Qui va consulter les avis publics sur Internet? », nous lance-t-elle.

Des solutions économiques, il en existe et elles sont connues. Elle les énumère : crédits d’impôt, création d’un fonds québécois des médias, publicités gouvernementales, etc. Aux gouvernements d’agir. Les solutions doivent également émaner des médias eux-mêmes : correspondants locaux de l’Agence de la Presse canadienne, alliances entre petits médias, etc.

Mais Marie-Ève insiste : le contenu doit primer sur le véhicule. Il faut faciliter le travail des journalistes. À cet égard, elle montre la nécessité d’interventions législatives pour contrer les roitelets locaux, ces émules de Donald Trump, qui s’autorisent à expulser les journalistes des assemblées publiques des conseils de ville.

Son livre regorge d’anecdotes sur les pressions exercées sur les journalistes par les commerçants et les élus locaux. Une des plus savoureuses concerne le journaliste Geoffré Samson de la station de radio CIHO dans Charlevoix-Côte-de-Beaupré, alors qu’il participait au congrès annuel de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ).

Pendant qu’il relatait, dans le cadre d’un atelier, comment la députée du coin menaçait de ne plus lui accorder d’entrevues s’il posait des questions sur des sujets ne figurant pas sur le communiqué du jour, des journalistes, choqués de cette tentative de contrôler le message, ont tweeté, en direct, les déclarations de Samson, identifiant du même coup la députée libérale en question, Caroline Simard.

Celle-ci n’a pas tardé à répliquer, appelant l’employeur de Geoffré Samson pour savoir ce qu’il en était. Elle s’est même permis d’annoncer que la direction de l’information et la direction générale de CIHO ne s’expliquaient pas cette sortie et que la station réagirait sous peu. Tout cela pendant que Samson échangeait avec des collègues au cours de l’atelier!

Marie-Ève Martel se réjouit de l’accueil chaleureux réservé par les régions à son livre. « J’ai donné une cinquantaine d’entrevues. C’est parti des médias régionaux du Saguenay, du Bas-du-Fleuve, et fait le tour du Québec. Ils étaient heureux que je m’adresse à yeux et que je donne le point de vue des régions. »

La conclusion de son livre mérite qu’on s’y attarde. Elle écrit : « Il faut réinventer l’information régionale pour en assurer la survie. Le renouveau de l’information régionale passe indubitablement par la découverte des régions. Il faut se réintéresser à toutes ces initiatives locales de plus en plus passées sous silence, poser un regard neuf vers toutes ces organisations et toutes ces personnes qui font la richesse des quatre coins du Québec. De là, il faut ensuite raconter leurs histoires, faire de ces gens et de ces institutions les ambassadeurs de leur coin de pays. »

De toute évidence, pour prévenir l’extinction des régions, il faut rapidement trouver un remède à leur « extinction de voix ».