Affaire Jody Wilson-Raybould : La réconciliation avec SNC-Lavalin plutôt que la réconciliation autochtone

2019/03/01 | Par Pierre Dubuc

Au lendemain de son élection, Justin Trudeau accordait une entrevue au New York Times dans laquelle il présentait le Canada comme le premier pays « post-national », une proclamation que l’élite mondialiste a eu tôt fait de présenter comme un modèle pour l’ensemble de l’humanité.

Mais on n’écarte pas ainsi, du revers de la main, les nationalités qui composent un pays, comme vient de le révéler, une nouvelle fois, l’affaire Jody Wilson-Raybould.


Trudeau, langue fourchue

Justin Trudeau a présenté, lors de la formation de son cabinet, la nomination de Mme Wilson-Raybould au poste de ministre de la Justice comme le symbole de sa politique de réconciliation du Canada avec les Autochtones, effaçant d’un coup de chapeau le passé impérialiste du pays.

Aujourd’hui, Mme Wilson-Raybould justifie son refus d’invalider la décision du Directeur des poursuites pénales de ne pas accorder de passe-droit à la firme d’ingénierie SNC-Lavalin, en déballant sur la place publique les pressions auxquelles elle a été soumise. Elle invoque ses origines autochtones pour défendre sa droiture, son honnêteté et son respect de l’état de droit. Il vaut la peine de citer ses propos.

« Ma compréhension de l’état de droit a aussi été façonnée par mes expériences comme Autochtone et leader autochtone. L’histoire des relations entre la Couronne et les Autochtones dans ce pays comprend une histoire où les règles juridiques n’ont pas été respectées. En effet, une des principales raisons qui militent aujourd’hui pour l’urgent besoin de justice et de réconciliation est le fait que, dans l’histoire de ce pays, nous n’avons pas toujours soutenu les valeurs fondamentales comme l’état de droit dans nos relations avec les peuples autochtones. Et j’ai constaté les impacts négatifs que cela peut avoir sur la liberté, l’égalité et l’existence d’une société juste.

« Aussi, lorsque j’ai prêté serment de servir les Canadiens comme ministre de la Justice et Procureur général, j’ai accepté cette fonction avec un engagement profondément inébranlable pour le respect de l’état de droit et de l’importance d’agir indépendamment de tout intérêt partisan, politique ou étroit. Lorsque nous n’agissons pas ainsi, je crois fermement, et je le sais, que nous agissons mal en tant que société.

« Je vais conclure en disant ceci : – on m’a enseigné à toujours faire attention à ce que je disais, parce que on ne peut retirer ses propos – on m’a enseigné de toujours tenir la vérité comme une valeur fondamentale et un principe inaliénable, et d’agir avec intégrité – ce sont les enseignements de mes parents, de mes grands-parents et de ma communauté. Je descends d’une longue lignée matriarcale et je suis une personne qui dit la vérité en accord avec les lois et les traditions de la Grande Maison (Big House) – c’est ce que je suis et ce que je serai toujours. »

Autrement dit, l’attitude du gouvernement Trudeau descend en droite ligne des colonisateurs canadiens à la langue fourchue qui n’ont respecté ni les traités ni leurs engagements envers les Autochtones. Adieu la réconciliation promise ! On vous attend sur nos territoires avec vos projets de pipelines !


Sikhs, Ukrainiens, Chinois…

Il n’y a pas que les relations avec les nations autochtones qui torpillent le Canada post-national de Trudeau.  La survalorisation des minorités ethniques dans le cadre de la politique du multiculturalisme mine la politique étrangère du Canada.

Le gouvernement Trudeau a envenimé les relations du Canada avec l’Inde en mettant en évidence la représentation des Sikhs dans le gouvernement canadien au point d’avoir invité au sein de la délégation canadienne, lors du voyage de Trudeau en Inde, un Sikh accusé d’avoir comploté pour assassiner un ministre indien!

Au cours du mois de mars, l’attention internationale sera dirigée vers l’élection présidentielle en Ukraine. Le Canada a promis l’envoi de 500 observateurs canadiens pour surveiller le déroulement d’un scrutin. La très grande majorité d’entre eux sont d’origine ukrainienne, avec un fort parti-pris pour le candidat pro-occidental et anti-russe. Ce ne sera pas la première fois que le Canada s’immisce dans le processus électoral ukrainien pour plaire, à des fins électorales, à l’importante minorité ukrainienne de l’Ouest canadien.

De plus, le Canada va sans doute répondre positivement à la demande pressante de l’Ukraine d’envoyer un « signal fort » à la Russie en prolongeant et en élargissant la mission d’entraînement de ses forces armées par l’armée canadienne sur son territoire, qui vient à échéance à la fin du mois de mars. Depuis septembre 2015, les Forces canadiennes comptent environ 200 militaires en Ukraine pour aider à former l’armée du pays.

La politique antirusse et pro-ukrainienne du gouvernement Trudeau a été déterminée par la ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland, qui est d’origine ukrainienne. Son parti-pris anti-russe est tel qu’elle est interdite de séjour en Russie. Sa position a été vertement critiquée par Jean Chrétien.

On peut aussi s’interroger sur l’influence de la Chine sur les politiques canadiennes par l’intermédiaire de l’importante minorité chinoise au Canada. Les Canadiens d’origine chinoise, avec une population de 1,3 million, sont le principal groupe ethnique au pays après les Français et les Britanniques, avant même les Autochtones.

Dans un livre qui vient de paraître, Claws of the Panda. Beijing’s Campaign of Influence and Intimidation in Canada (Cormorant Books), l’auteur Jonathan Manthorpe décrit les importants moyens mis en œuvre par Beijing pour exercer, en profitant de la naïveté du Canada, une influence indue sur le gouvernement canadien, les institutions éducatives et le monde des affaires.

On peut se demander quelle sera la réaction de la minorité chinoise si les relations s’enveniment avec la Chine. Déjà, avec la controverse impliquant le géant équipementier Huawei, le Canada est pris dans un étau entre Beijing et Washington.

Pendant que les conséquences de la politique du multiculturalisme font voler en éclats le concept d’un Canada post-national, la presse canadienne-anglaise ramène le premier ministre Justin Trudeau au rang d’un vulgaire député québécois de la circonscription de Papineau, qui se porte à la défense de SNC-Lavalin, une entreprise corrompue de son patelin national.