Where is the beef

2019/03/11 | Par Michel Rioux

Il y a de cela au moins 30 ans, une entreprise étasunienne de fast food avait lancé une campagne publicitaire vantant la qualité et la quantité de bœuf dans ses hamburgers. On y voyait une très vieille dame, édentée, mordre dans un hamburger d’une entreprise concurrente et s’écrier, en colère « Where is the beef !!! »

C’est cette image qui m’est revenue à l’esprit récemment en regardant la scène qui se déroule sous nos yeux avec comme protagonistes Justin Trudeau et Donald J. Trump. Ce qui manque à ces deux personnages, c’est la substance. Ce que Rabelais nommait la « substantifique moelle ».

L’un, qu’un professeur de psychiatrie de Harvard a diagnostiqué comme étant un « sujet paranoïde avancé doublé d’un psychopathe endurci  », gouverne la plus dangereuse puissance du monde en empilant les tweets aux petites heures du matin, pour s’adonner ensuite au golf. Des collaborateurs ont témoigné du fait qu’il ne maîtrise pas ses dossiers tout en ne faisant aucun effort pour se tenir informé, ne lisant rien de ce qui lui est présenté. Menteur compulsif, le Washington Post a compté pas moins de 9014 menteries proférées avec le plus grand des sans-gêne par ce dangereux histrion depuis son élection. Dans la seule soirée du 3 mars, devant le Comité d’action politique conservateur étasunien, il en a servi quelque 104…

L’autre, en lien direct avec sa qualité de professeur d’art dramatique, se met constamment en scène, se la jouant cool, décontracté, moderne, ouvert, souriant. Pour un comédien, tout est dans l’image et dans la perception que les autres peuvent avoir de son jeu. Mais comme tout finit par se savoir, le comédien apparaît finalement dans sa véritable nature, seul sur une scène où l’absence totale de substance de son personnage éclate finalement avec fracas. Celui qu’on a vu pleurer et rire à temps et à contretemps, - il fallait le voir sautiller sur l’estrade comme une rock star le soir de l’élection partielle dans Outremont, le jour même où Jody Wilson-Raybould a livré son témoignage - ; se déguiser en maharadja durant une semaine en Inde avec sa conjointe et leurs trois enfants ; porter une chemise rose dans un défilé de la fierté gay ; faire un selfie torse nu dans le parc de la Gatineau ; exhiber des chaussettes Chewbacca à l’occasion du Forum Bloomberg Busines est en constante représentation. La belle âme a provoqué une catastrophe humanitaire et administrative en tweettant, le 28 janvier 2017 : « À ceux qui fuient la persécution, la terreur et la guerre, sachez que le Canada vous accueillera indépendamment de votre foi. La diversité fait notre force. »

Pour son plus grand malheur cependant, le comédien joue ces jours-ci dans un mauvais film où, visiblement, une erreur de casting s’est produite.

En effet, ô ironie de la chose, c’est ce même Trudeau, ayant toujours refusé de reconnaître la nation québécoise et affiché la même morgue paternelle à notre endroit qui, aujourd’hui se retrouve carbonisé sous les assauts des lance-flammes dirigés contre lui par tout ce qui bouge dans le ROC.

Voyons quelques récentes manchettes. Le Financial Post titre : Does Trudeau have a woman problem ? Le Toronto Sun claque de son côté : 1, 2, 3 strikes. Yer out ! La palme revient en revanche au magazine Maclean's : The impostor ! Quand on dit que tout finit par se savoir !

Il serait injuste de lui reprocher d’avoir tenté de sauver les quelque 9000 emplois de SNC-Lavalin, dont environ 6000 dans le ROC, de même que le siège social de l’entreprise, qui risque d’émigrer à Londres. Mais pour avoir voulu jouer au fin finaud avec la vérité en manquant à la transparence la plus élémentaire, le comédien a semé le doute et s’est finalement brulé les doigts. Pourtant, la cause de madame Wilson-Raybould, qui, visiblement, ne se prend pas pour un pied de céleri, n’apparaît pas complètement blindée. Dans son témoignage, la sous-ministre à la Justice a révélé que la ministre avait refusé que soit transmis au Bureau du Conseil privé un projet d’avis juridique préparé par le ministère. La sous-ministre nous a de plus appris que la ministre avait pris sa décision en moins de sept jours pendant lesquels elle était  pour une bonne part en vacances aux îles Fidji.

La plupart des grands pays occidentaux ont des provisions législatives permettant la signature d’accords de réparation. On cite souvent en exemple le cas de Rolls-Royce, condamné à payer une lourde amende de 1,1 milliard $ après avoir reconnu sa culpabilité.

Mais le vrai scandale, celui sur lequel sont muets tant les conservateurs que les néo-démocrates, c’est l’abandon des poursuites contre deux hauts dirigeants de cette entreprise, Jonathan Roy et Sami Bébawi, l’arrêt Jordan ayant été invoqué. C’est aussi, et surtout, la sentence bonbon reçue avec un large sourire par l’ex-président de l’entreprise, Pierre Duhaime : vingt mois à la maison, 240 heures de travaux communautaires et 200 000 $ d’amende, payés rubis sur l’ongle le matin même de la sentence… Ce rapide paiement s’explique quand on sait qu’il avait dû démissionner dans le déshonneur, avec cependant un parachute doré de 4 millions $ en guise de consolation !