Sarah et Yves-François à la reconquête de l’avenir

2019/03/18 | Par Pierre Jasmin

L’auteur est artiste pour la paix honoraire et membre de Pugwash Canada

Voyez d’abord le discours inspiré et inspirant d’une jeune de dix-sept ans, Sarah Montpetit[1]. À l’affût de la libre expression, ce sont des documentaristes inspirés comme M. Jean et le collectif artistique MADOC qui ont créé cette vidéo dynamique montrant une grande maîtrise dans le matériel choisi, l’angle filmé, la cohérence narrative, la clarté sonore et le montage, à peine quelques heures après l’événement! Les vétérans du printemps érable y constateront davantage que 100 000 marcheurs sur la rue Berri se dirigeant vers la Bibliothèque Nationale et l’Université du Québec à Montréal[2]. Car la lutte environnementale fait du Québec une SOCIÉTÉ DISTINCTE, tant au Canada que dans le monde entier! Tant pis pour nos politiciens aveuglés par les dollars, par exemple nos Conservateurs totalement inconscients (sans parler de Maxime Bernier…) ou nos Libéraux à la conscience  embrumée, pognés dans leur pipeline de « transition » imbécile.

Plus de 100 000 marcheurs à Montréal - un record mondial pour ce 15 mars! – ont fièrement exprimé, avec près de deux millions écologistes sur la terre entière, leur so-li-da-ri-té avec la suédoise Greta Thunberg[3], en unissant leurs voix pour la protection de la planète. La jeunesse est descendue dans les rues de plus de 2000 villes de 122 PAYS : tiens! le même nombre qui a voté le Traité d’Interdiction des Armes Nucléaires à l’ONU le 7 juillet 2017, auquel s’opposa le Canada, aussi dangereusement irresponsable que les 27 autres pays membres de l’OTAN. Une vidéo internationale colorée d’Amnistie internationale montre d’ailleurs qu’écologie et droits humains marchent main dans la main.

En appuis (trop?) prudents à la manif du 15 mars, saluons les tweets de Jody Wilson-Raybould, le Parti vert d’Elizabeth May et le NPD de Guy Caron et d’Alexandre Boulerice. Mais en fin de semaine, le Bloc Québécois en congrès à Sorel-Tracy a décidé de miser sur la jeunesse et l'environnement pour séduire l'électorat! Pur opportunisme ? Non pas : le 21 mars 2011, dix jours après le tsunami de Fukushima, j’avais appelé et présidé une conférence de presse des Artistes pour la Paix, des Professionnel-le-s de la Santé pour la Survie Globale[4] et de Greenpeace[5] qui avait décidé Pauline Marois et le Parti Québécois à flusher la centrale Gentilly 2. C’est Yves-François Blanchet, futur ministre de l’Environnement, qu’elle avait choisi pour nous acheminer, via le regretté Robert Dupuy, une valise contenant 320 résolutions municipales (presque le tiers des municipalités du Québec!) ayant endossé, avec Françoise David et Daniel Breton, à l’initiative du maire d’Amqui Gaëtan Ruest, la condamnation du nucléaire au Québec, comme choix de société.

Ce nouveau choix, selon notre ami commun à Gaëtan et à moi, Gordon Edwards, fondateur et président de la coalition canadienne pour une responsabilité nucléaire (ccnr.org), allait inciter la même année le Premier ministre Stephen Harper à procéder à une vente de feu extraordinaire de $15 millions (avec un cadeau de 17 milliards de subvention fédérale payée par nous, payeurs de taxes) de l’infrastructure civile nucléaire CANDU à SNC-Lavalin, frustrée d’avoir perdu au Québec le contrat de réfection de Gentilly2 ! On peut mesurer l’immense hypocrisie conservatrice face aux Libéraux et surtout face à cette compagnie devenue grâce à eux, non seulement trop grosse, mais aussi trop secrète pour faillir (excusez cette traduction littérale de l’anglais).

Merci à la Société Radio-Canada pour la suite de cet article

J’ai réalisé que le père Noël n'existait pas, parce que je me suis dit que si les banquises fondaient, il ne pouvait pas être au pôle Nord.

Albert Lalonde, jeune élève à l’École Joseph-François-Perrault

«J’ai rencontré des jeunes qui ne voient pas d’avenir. Ça nous interpelle tous.

Louis Couillard, co-porte-parole du mouvement La planète s'invite à l'université, trouve terrible de voir les jeunes éprouver cette écoanxiété. Comme Greta, tous inquiets pour leur avenir, ils se questionnent : pourquoi aller à l’école si l’avenir sur la planète est incertain?

Ça fait des mois que je vois que mon engagement à petite échelle ne suffit plus. On ne voit pas de changement radical au niveau des gouvernements. Il faut provoquer ce changement, parce qu'aujourd'hui, on n'a plus le choix.

Léa Ilardo, porte-parole du collectif La Planète s’invite à l’Université de Montréal

Les élèves éloignés des villes organisent leurs propres manifestations. Par exemple, à Warwick, des élèves de l’École secondaire Monique Proulx ont marché jusqu’à l’hôtel de ville de la municipalité. S’ils ne font peut-être pas la grève tous les vendredis, plusieurs ont choisi de souligner le mouvement en se dessinant des lignes vertes sous les yeux.

Depuis le 15 février, des élèves de l’école secondaire Robert-Gravel à Montréal font l’école buissonnière les vendredis après-midi afin de dénoncer les changements climatiques. C’est d’ailleurs dans cet établissement que serait né le mouvement montréalais. Certains élèves ont écopé de mesures punitives pour s’être absentés sans l’autorisation de leurs parents, mais ces jeunes ne sont pas près d’abandonner. « Mes parents me disent que l’école, c’est mon avenir et que je devrais y aller. Mais l’environnement aussi, c’est mon avenir », a dit un élève en entrevue à l’émission Désautels le dimanche. Sarah Montpetit : Ça montre le niveau d’alarme ressenti. Je parlais avec des amis, à savoir si on voulait avoir des enfants un jour. Tout le monde a dit non, parce qu’on ne veut pas que nos enfants profitent d’un futur aussi sombre et obscur. 

Dans certaines écoles montréalaises, les élèves ont commencé à porter des carrés verts. Ces jeunes ont choisi de transformer leur panique et leur angoisse en action. Cette grève sera-t-elle la dernière? Certainement pas, disent plusieurs d'entre eux. « On devrait plutôt demander quand les gouvernements vont agir, pas quand on va arrêter de manifester », lance Sarah Montpetit qui a le dernier mot.

 

Photo : Jacques Nadeau / Ledevoir.com

 

[1] https://www.madocstudio.com/…/…/15/Reconquerons-notre-avenir ou
https://www.facebook.com/madocstudio/posts/2335024039861176
[2] https://www.facebook.com/madocstudio/videos/1232488883582597
[3] Nominée cette semaine pour le prix Nobel de la Paix, l’héroïne de quinze ans avait été instantanément consacrée par son discours indigné accusant les dirigeants de ne pas être assez « matures », lors de la 24e conférence de l'ONU sur le climat à Katowice. Chaque vendredi, elle boycotte ses classes pour manifester dans la rue contre le dérèglement climatique.
[4] Je viens de traduire en janvier le discours de leur président Vidahl à la demande du Dr Michael Dworkind, qui a répondu le 21 mars 2011 aux questions des journalistes sur le tritium.
[5] Éric Darier en était alors responsable de ses activités nucléaires.