Financement scolaire: la gestion des méfaits a fait son temps

2019/04/04 | Par Stéphane Vigneault

L’auteur est coordonnateur du mouvement L’école ensemble

En conclusion d’un éditorial signé par son directeur le 27 mars dernier, Le Devoir a pris position pour que rien ne change au pays du Québec en ce qui a trait au financement des écoles privées par les contribuables. Nous reviendrons sur ses arguments, mais il faut noter que le moment choisi par le journal d’Henri Bourassa laisse songeur. Serait-ce que le lobby du privé subventionné sent que la marmite bouillonne un peu trop ? Au cours de la dernière semaine seulement, de nombreux événements indiquent que le statu quo se fissure :

Proposition de l’ex-député Camil Bouchard visant à intégrer le réseau privé subventionné dans le réseau public, sur le modèle de la Finlande qui a procédé (pour son plus grand bien) à cette intégration au début des années 1970.

Prise de position de Marwah Rizqy, porte-parole en matière d’éducation du PLQ, en faveur de l’abolition des frais pour les projets particuliers lors de la consultation parlementaire sur le projet de loi 12. Seule la CAQ s’y oppose.

Lancement par la SEBIQ (la société qui chapeaute les écoles internationales au Québec) d’une vaste réflexion sur le rôle ségrégatif du Programme d’éducation internationale.

Publication d’une recherche de l’Université de Montréal qui explique le faible accès à l’université des élèves du public ordinaire (15 % seulement) par la ségrégation scolaire en cours dans nos écoles secondaires.

Cette recherche, il vaut la peine de le souligner, vient confirmer, à la suite de plusieurs autres, le rôle central de l’équité comme moteur des systèmes d’éducation.

 

Équité 101

Le Devoir fait fi des travaux du Conseil supérieur de l’éducation qui écrivait en 2016 : « La stratification de l’offre de formation — causée par la multiplication des programmes particuliers sélectifs et des établissements privés — entraîne des inégalités de traitement au bénéfice des plus favorisés. Autrement dit, ceux qui en auraient le plus besoin ne profitent pas des meilleures conditions pour apprendre, ce qui est contraire à l’équité. » Alors, comment maximiser l’équité ? En minimisant la ségrégation scolaire, qu’on peut définir comme la séparation des enfants dans des écoles ou des programmes différents, en fonction du revenu de leurs parents ou de leurs résultats scolaires.

« Le statut socio-économique a une forte incidence sur la performance des élèves, mais dans les systèmes d’éducation plus équitables, davantage d’élèves défavorisés sont performants », nous a dit l’OCDE en octobre dernier (encore des « tenants de la gauche », M. Myles ?) Résumons : plus de diversité sociale conduit à plus d’équité, laquelle augmente les résultats scolaires d’ensemble.

C’est à ces faits que Le Devoir s’attaque quand il affirme que « ramener de force les enfants que l’ont dit “les plus forts” dans le réseau public n’améliorera pas par magie la qualité du projet éducatif », ou quand il caricature lourdement en parlant de « cette recherche du plus bas dénominateur commun ».

Et non, le rehaussement de « l’attractivité du réseau public » que l’éditorial, à la suite du ministre Roberge, appelle de ses voeux n’est pas non plus une solution. La gestion des méfaits a fait son temps : il faut maintenant régler le problème à sa source.

Vous savez, ce sourire un peu incrédule qu’inspirent aujourd’hui les vieilles publicités de médecins vantant, stéthoscope au cou, les mérites de la cigarette pour notre santé ? Les générations futures auront le même s’ils relisent un jour les positions dépassées du Devoir.