Le recul du français au Québec

2019/04/16 | Par Jean-Paul Perreault

Le vendredi 12 avril 2019, l’Office québécois de la langue française (OQLF) lançait, sans tambour ni trompette, un rapport sur l’évolution de la situation linguistique au Québec, et pour cause, car de ce rapport se dégage un malaise profond à l’endroit de l’Office comme si l’Office participait de bonne grâce à l’anglicisation du Québec. En effet, responsable de l’application de la Charte de la langue française depuis 1977, l’OQLF a pratiqué lui-même l’illégalité en refusant depuis nombre d’années de produire et de publier, comme l’exige la loi, un rapport « au moins tous les cinq ans » sur l'évolution de la situation linguistique au Québec.

En outre, en ne s’élevant pas avec force et conviction pour contrer toutes les mesures d’anglicisation apparaissant dans le paysage linguistique québécois, l’Office participe aveuglément à la bilinguisation et par le fait même à l’anglicisation systématique du Québec. Avancer que les dégâts sont considérables n’est pas une vue de l’esprit, c’est écrit noir sur blanc dans ce rapport!

De plus, à la lecture de ce rapport, force est de constater que la vision du français de l’OQLF se réduit à voir notre français comme une langue minoritaire ou « une des deux langues », ce qui accélère l’anglicisation du Québec. Pour preuve, les données publiées dans ce rapport, pour le moins tardif, indiquent que l’accueil dans les commerces se fait de plus en plus en anglais ou de façon bilingue et que les Québécoises et les Québécois qui veulent un service en français  doivent « le demander ». Aucun doute pour le président d’Impératif français : « Il s’agit d’une vision de minoritaires! C’est pourquoi, nous tenons à rappeler à l’OQLF qu’au Québec personne n’a à demander d’être servi en français, puisque ce service doit lui être offert en tout temps, et ce, sans exception et, bien sûr, il est du devoir de l’OQLF de s’en assurer. »

En 2019, soit plus de quarante ans après l’adoption de la Charte de la langue française, un constant s’impose : L’anglicisation prolifère au Québec au point où les formules « Bonjour/Hi », « Bienvenue/Welcome », « Merci/Thank You », « Ouvert/Open », « Fermé/Closed » et les « Press Nine » sont devenues monnaie courante.

Plus grave encore, dans son rapport, l'Office confirme son échec et celui des gouvernements des dernières années en ce qui a trait à la francisation des entreprises et à la langue de travail en général et particulièrement chez la population immigrante. En effet, les données du rapport révélent que près du quart de la population immigrante utilise plutôt l’anglais au travail. De surcroit, comment considérer comme une réussite le fait que 80 % des personnes « utilisent le français au moins 50 % de leur temps au travail »? Ouah « au moins 50 % » et les autres 20 %, soit pour un travailleur sur cinq, c’est encore moins que 50 %! Toute une réussite selon l’OQLF!

En ce qui concerne l’affichage public à Montréal, l’OQLF reconnait que malgré des modifications réglementaires laxistes, et plus de quarante ans après l’entrée en vigueur de la « loi 101 », il y a toujours une entreprise sur quatre qui affiche encore publiquement son illégalité. L’Office ne peut prétendre ne pas voir ces entreprises puisqu’elles affichent en toute impunité cette illégalité!

Maintenant, si nous posons notre regard sur la langue d’enseignement, la situation est également grave, car l’érosion se poursuit au niveau postsecondaire. Ainsi, entre 1995 et 2015, la proportion d’élèves passant du secondaire français au collégial anglais a doublé, passant de 5 % à 10 %, rassemblant ainsi plus de 60 % d’étudiants non anglophones. Et nous savons d’expérience que des études collégiales en anglais conduisent directement à des études universitaires en anglais et à un travail en anglais.

Enfin, en réponse à la détérioration évidente de la situation du français au Québec et à la complaisance de l’OQLF, Impératif français et la population du Québec s’attendent à ce que la ministre responsable de la langue française, Nathalie Roy, prenne des engagements fermes pour ouvrir et modifier la Charte de la langue française et, de plus, apporter des changements profonds dans la culture organisationnelle de l’OQLF.

Malheureusement, pour le moment, la ministre ne donne que « des mandats clairs » à ce même Office québécois de la langue française pour que la Charte de la langue française plusieurs fois charcutée et invalidée soit appliquée. Rien de plus!

Ce qui est pressant et évident ne semble pas l’être pour le gouvernement. Il faut beaucoup, beaucoup plus!