L’aut’journal : Un mur payant ou pas?

2019/05/17 | Par Pierre Dubuc

L’aut’journal n’est pas victime, comme le sont les grands médias, de la migration de la publicité vers les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft). Tout simplement parce que nous n’avons jamais ouvert nos pages à la publicité commerciale. Mais nos besoins financiers ne sont pas moins réels. Mais, avant de parler de la situation de l’aut’journal, examinons la situation des grands médias traditionnels.
 

Un mur payant ou pas?

Plusieurs journaux ont fermé leurs livres. D’autres vivotent. Et tous les  médias sur Internet se posent la question : faut-il instaurer un mur payant ? De grands médias traditionnels, comme le New York Times, ont opté pour le mur payant. De son côté, le journal britannique The Guardian a obtenu un succès indéniable en faisant plutôt appel à la générosité de ses lecteurs en échange d’un accès gratuit.
 

Au Québec

Le Journal de Montréal offre un accès gratuit, sans solliciter ses lecteurs. Les publications papier et Internet de Québecor sont déficitaires, mais elles sont abreuvées par la vache à lait qu’est Vidéotron. (C’est au Canada que les  services de l’accès Internet et au cellulaire sont les plus chers au monde).

Le Devoir oblige ses lecteurs à payer après un certain nombre d’articles gratuits, avec maintenant la possibilité d’une rallonge.

La situation de La Presse + est singulière. La tablette a remplacé le papier. L’accès est gratuit. Pour le moment. Pendant longtemps, Power Corporation de la famille Desmarais a épongé les déficits du journal. Mais elle a largué La Presse + l’an dernier avec un don final de 50 millions $, le temps que le journal puisse « se tourner de bord ». 50 millions, ça semble beaucoup. Mais, diviser par les quelque 500 employés du journal, ça ne représente que 100  000 $ par employé.

Pour faire face à la musique, La Presse + fait appel à ses lecteurs. Elle a fixé l’objectif de sa campagne de financement à 5 millions $ par année. Ça ne fait toujours que 10 000 $ par employé. Bien sûr, il y a toujours la publicité. Mais on sait qu’elle n’est plus au rendez-vous.  Alors…
 

Deux ligues différentes

Nos journaux salivent devant les succès financiers du New York Times, du Guardian ou encore du site français au mur payant Mediapart avec ses nombreux abonnés en ligne. Le NY Times et le Guardian s’adressent à un public international de langue anglaise. The Guardian a 655 000 contributeurs mensuels et 300 000 autres qui font un don ponctuel au cours de l’année. Le New York Times a 4,5 millions d’abonnés. Mediapart revendiquait 150 000 abonnés en 2018.

Mais nos médias traditionnels savent que ces expériences ne peuvent être reproduites au Québec. Notre marché est dix fois inférieur au marché français et des centaines de fois moindre que le marché anglo-saxon international. Ils sont donc contraints à quémander l’aide gouvernementale.

À Ottawa, le gouvernement a inscrit dans le dernier budget un programme de soutien aux médias, mais en confiant au club sélect des propriétaires des grands médias la tâche de déterminer eux-mêmes les conditions de l’accès à l’assiette au beurre.

À Québec, une commission parlementaire sur les médias siégera à l’automne. Les grands médias tendront escarcelle en appelant l’État à l’aide, en balayant sous le tapis de l’Assemblée nationale les craintes bien légitimes que cela suscite sur l’indépendance de la presse.
 

Le pari de la générosité

L’aut’journal a fait le pari de l’accès gratuit à son site Internet. Nous évaluons que le marché potentiel est trop petit pour générer des revenus suffisants. Dans des pays comme la France et les États-Unis, il y a un marché pour des publications dites « marginales » mais, au Québec, c’est l’ensemble du marché qui est marginal.    

Avec The Guardian comme source d’inspiration, nous faisons appel à la générosité de nos lectrices et de nos lecteurs. L’aut’journal est le seul journal progressiste à grand tirage (20 exemplaires du mensuel papier et une moyenne de plus de 60 000 pages vues par mois sur notre site Internet) avec un parti pris affirmé pour le monde ouvrier, la langue française, la laïcité de l’État et l’indépendance du Québec.

Nous vous invitons à soutenir l’aut’journal en adhérant aux AmiEs de l’aut’journal ou par un abonnement, l’achat d’une de nos publications ou un don.

La liberté de presse a un prix !

Pierre Dubuc
Directeur fondateur et rédacteur en chef