Chantier de la Davie : Un contrat pour les élections libérales à Québec

2019/06/19 | Par Guy Roy

J'ignore d'où ils tiennent l'habitude, mais les politiques traditionnels mettent un temps fou à conclure leurs annonces tout en multipliant les occasions de s'adresser à répétition aux journalistes. Peut-être qu'une «affirmation mille fois répétée» fait office de nouvelle propagande aux yeux des journalistes avides d'annoncer des nouveautés.

Somme toute, le ministre Garneau a fait une autre conférence de presse aux Îles-de-la-Madeleine pour répéter ce qui aurait pu n'être qu'un simple communiqué de presse, à savoir que le bateau de la CTMA dont le fédéral a budgété la construction sera fabriqué à la Davie. Après la mascarade de l'appel d'offre ciblé envers la Davie, les autres chantiers pouvant s'objecter ne se sont pas manifestés. Ç'aurait été ajouter l'insulte à l'injure. Et les Libéraux, ou leurs pantins à l'Ouest ou dans les Maritimes, ont sans doute allégué «l'intérêt national» auprès des autres chantiers pour qu'ils n'interviennent surtout pas pour brouiller les cartes! L'annonce n'était pas anodine puisque Radio-Canada à Québec l'a relayée pour l'intérêt que prend la Davie à la veille des élections dans la région. Les ouvriers y sont habitués.

Mais l'annonce qu'on attend, et avant les élections celle-là aussi, c'est l'ouverture des soumissions pour les Chantiers Davie sur le peu qui reste à attribuer de la Stratégie de Construction Navale du Canada dont les autres chantiers navals à Halifax et à Vancouver ont été gavés, selon l'expression de Harper. Les Libéraux fédéraux ont perpétué au Canada pendant toutes leurs années de pouvoir, sans y déroger d'une seule ligne, le favoritisme des Conservateurs pour les chantiers canadiens des extrémités de leur pays en ignorant le Québec et son industrie navale. En annonçant une ouverture pour les éventuelles soumissions de la Davie, ils n'ajoutaient rien de réel au dossier que des promesses tout en cédant 16 milliards de nouveaux contrats à Halifax et à Seapans. Nous ont-ils affirmé en vain que l'erreur serait corrigée ? C'est ce dont j'ai été dupe et que ma naïveté envers le Canada m'a fait temporairement croire, le temps que mes camarades et les syndicalistes me ramènent à leur plus profond sens de la réalité.

Malgré mon enthousiasme du départ lors de l'annonce (encore une!) de l'ouverture des soumissions, le ministre Garneau n'a toujours rien dit des supposés contrats ouverts à la Davie. Peut-être réserve-t-il à son Premier Ministre, monsieur Trudeau, le loisir de mettre devant les Québécois le résultat évident d'une lutte nationaliste du Québec entier dans ce dossier.

Quelle ironie de voir le pouvoir fédéral se plier aux volontés d'un Québec mobilisé d'un bout à l'autre et avec «une stratégie de construction», plus ou moins consciente celle-là, d'un front uni solide de bout en bout avec le magistrat de la Ville jusqu'aux plus ardents discours du Bloc Québécois à la Chambre. De la rue aux discours solidaires, des positions de l'Assemblée nationale aux manifestations de la base ouvrière, de la conférence de presse du maire de Lévis aux lettres ouvertes d'Ann Gingras plaidant la cause des Chantiers, de la pétition à Ottawa aux interpellations du Bloc en Chambre, des articles reproduites dans  l'aut'journal à nos lettres aux lecteur-trice-s dans le Soleil, ... tout a été mis en oeuvre dans une large coalition des efforts, dont nous communistes avons été et toujours fièrement, pour faire bouger les Libéraux fédéraux. Et ils n'ont toujours rien fait ! Quelle défaite pour le fédéralisme que celle d'en être arrivé à faire chanter aux élections la population québécoise pour accéder à un pouvoir qui lui est finalement hostile !

Ne soyons pas dupes comme je l'ai été pour crier victoire, car rien n'est acquis qui ne passe par la stratégie électorale du Parti Libéral du Canada. Ce grand pays qui nous ferait «l'insigne honneur», après nous en avoir réfusé la grande majorité des retombées pendant des années, de nous céder quelques miettes, selon l'expression de Michel Boudrias, de la Stratégie de Construction Navale du Canada. Stratégie d'un impérialisme qui nous méprise au bout du compte et qui ne sert que ses intérêts bien calculés.

Ces miettes ne sont nullement acquises pour l'expérience que les ouvriers en ont de voir s'évanouir les belles promesses du fédéral en ce qui a trait au travail disponible pour les Chantiers Davie. Rappelons que ceux-ci sont encore exclus du plus grand effort historique du Canada depuis la Deuxième Guerre de mise en construction de bateaux sous contrats fédéraux. Après des années de disettes, les ouvriers sont toujours condamnés par le fédéral à un chômage inique. Ainsi la moitié du potentiel de la construction navale du Canada située au Québec a été boycottée par ce pays indigne (les mots me manquent !) révélant encore une fois le gâchis de ce fédéralisme auquel certains «provincialistes» comme Legault et le reste de la CAQ attribuent des vertus de prospérité pour lui consentir un pipeline gazier au nord du Québec ! Pour ne pas parler du servile Duclos prêchant la bonne parole de la ligne du parti en faveur des monopoles canadiens et jurant tout à la fois hypocritement de l'intérêt de Canada pour les Chantiers Davie alors qu'ils ont été laissés à eux-mêmes pendant toutes ces années du règne libéral.

Il ne faudra pas l'oublier lors des élections car rien n'est acquis pour le Québec, souvenons-nous en, comme nous le dicte notre devise nationale, et que, tant que ne sont pas menacés les châteaux-forts libéraux sur notre territoire, nous ne pouvons présumer de rien du tout ! Surtout pas de victoires faciles. Autant donc nous assurer de quelques munitions pour après les élections et élire le candidat du Bloc Québécois à Lévis.

Les Conservateurs se pensant en lieu sûr avec Blaney et son appareil, ce serait une petite révolution au sens noble du terme, si les citoyens et les notables, comme le maire de Lévis, se solidarisaient avec les ouvriers encore une fois et envoyaient à Ottawa comme représentant politique efficace ce candidat du Bloc Québécois encore anonyme que les ouvriers nationalistes des Chantiers voudraient bien voir à leurs côtés en Chambre. Une fois n'est pas coutume. Mettons donc la révolution citoyenne à l'ordre du jour de ces élections !

Nous, alliés du PCQ au Bloc Québécois, allons travailler fort pour qu'il en soit ainsi, résolus que nous sommes à servir notre propre cause, celles des ouvriers, et non, avec le triste et lent du cerveau Blaney, celle du pétrole et des chantiers navals du Canada anglais.