Sépulcres blanchis

2019/08/29 | Par Michel Rioux

« Malheur à vous, Scribes et Pharisiens hypocrites qui ressemblez à des sépulcres blanchis : au-dehors ils ont belle apparence, mais au-dedans ils ont plein d’ossements de morts et de toute pourriture ; vous de même, au-dehors vous offrez aux yeux des hommes l’apparence de justes, mais au-dedans vous êtes pleins d’hypocrisie et d’iniquités. »  (Matthieu, 23.28)

J’entends encore le comédien Julien Poulin lire ce texte choisi par le jésuite Guy Paiement, qui a présidé les funérailles de Pierre Falardeau il y a dix ans. Un frisson avait traversé les quelque 2000 personnes présentes à l’église Saint-Jean-Baptiste.

Quelques évènements récents sont venus nous rappeler que la race des sépulcres blanchis n’est pas près de disparaître…

Le président de la Fédération du baseball du Québec racontait récemment à la radio le traitement reçu par l’équipe du Québec lors d’un tournoi mettant en jeu le championnat canadien dans la ville de Miramichi, au Nouveau-Brunswick.

Des spectateurs s’en sont pris aux joueurs, les traitant de tous les noms, en particulier le lanceur, un homme noir d’origine latino-américaine. Les plaintes déposées durant et après la partie n’ont rien donné. Imaginons si la scène avait eu lieu au Québec. La chose se saurait sue jusqu’en Indonésie que les Québécois sont racistes…

Le président a aussi rappelé que dans un autre tournoi, tenu celui-là en Colombie-Britannique, les spectateurs s’étaient amusés à lancer des grenouilles de plastique aux joueurs québécois. Visiblement, on ne semblait pas y aimer les Frogs…

Comme par hasard, c’est en Colombie britannique qu’une enseignante de religion sikhe a dû « s’exiler » pour pouvoir exercer son métier en conservant sur sa tête le signe ostentatoire de sa religion.

Le Globe & Mail de Toronto, qui ne rate jamais une occasion de souligner à larges traits le racisme des Québécois, s’en est bien sûr ému le 26 août dans un éditorial.

« En raison de cette restriction, Mme Kaur a accepté un poste d'enseignante à l'autre bout du pays, où elle sera libre de s'habiller à sa guise , constate l’auteur, qui ajoute « qu’en d’autres termes, madame Kaur est une personne condamnée. » Elle serait ainsi « comme une sorte de personne déplacée, afin de trouver du travail dans un environnement exempt de discrimination. »

L’éditorialiste de poursuivre : il faut « voir la loi pour ce qu'elle est réellement: une tache sur l'ensemble du pays. Demandez à quelqu'un de nommer un endroit où il est interdit aux personnes de travailler pour le gouvernement en raison de leurs croyances religieuses et peu de personnes diraient le Canada. Mais c’est ce que notre pays est devenu grâce au projet de loi 21. » François Legault est aussi accusé de piétiner la liberté de religion, rien de moins !

Dans un éditorial du 19 juin, le journal n’y était pas allé avec le dos de la main morte, comme l’aurait dit Jean Perron, auteur des célèbres perronismes. « Mais la pire chose que M. Legault a faite est de saper la liberté de religion au Canada. Même si la clause nonobstant lui fournit l'outil pour le faire, cela n'empêchera pas le nom du Canada d'être terni dans le monde entier pour un abus d'un droit aussi fondamental. »

Autrement dit, encore une fois, le Québec fait honte au Canada sur le plan international.


Les plus ou moins honorables

Même si le hasard n’existe pas, il lui arrive parfois de bien faire les choses… C’est ainsi qu’on apprenait récemment que cinq des six juges nommés par le gouvernement fédéral au Nouveau-Brunswick étaient de proches relations du ministre Dominic LeBlanc, ce qui vient confirmer une étude parue en 2010, qui constatait que 77 % des nominations dans cette province étaient reliées à la politique.

L’épouse de son beau-frère a été nommée juge, comme sa voisine, dont le mari a aidé financièrement le ministre après la campagne au leadership de 2009. Trois autres avocats ayant soutenu financièrement Dominic LeBlanc ont eu un retour d’ascenseur en accédant à la magistrature.

Jusqu’à Blaise Pascal, le hasard a désigné ce qui se produit en dehors de toute intention humaine ou divine et de tout ordre stable. Une sorte de main invisible quoi. Le ministre de la Justice, qui a nié toute intervention politique, est certainement un lecteur assidu de Blaise Pascal !

Dans Souvenirs pour demain, Pierre Vadeboncoeur raconte comment Duplessis fit perdre son permis de conduire au président de la CSN, Gérard Picard.

« Il me demanda de le défendre en qualité d'avocat. Il fut trouvé coupable. Le juge Lafontaine, un «bleu», vieux partisan de Duplessis, ne se contenta pas de le condamner à la perte de son permis, mais lui tomba dessus avec un sermon. J'entends encore cet absurde magistrat tonner du haut de sa tribune: «Monsieur Picard, criait-il presque, ce n'est pas de la justice sociale que vous avez faite là, c'est de l'injustice sociale!» Textuel.

Tant il est vrai que les honorables ne le sont pas toujours.

 

 

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