Éducation : échec d'un système

2019/09/27 | Par René Nault

Le ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge, a annoncé un réinvestissement de 2,3 milliards pour rénover les écoles publiques. Avec justesse, il trouve honteux d'avoir négligé l'entretien de nos infrastructures scolaires, alors que plus de 50 % des écoles sont dans un état vétuste. Au-delà des chiffres, comment peut-on expliquer cette négligence collective ?

On pourrait évoquer le néolibéralisme qui depuis 30 ans prône le désengagement de l'État ou tout simplement se dire que toutes les infrastructures publiques ont été négligées. Mais, ce serait oublier un problème structurel de notre système d'éducation. Lors de la Révolution tranquille, à la suite de la commission Parent, l'éducation est devenue un choix de société qui visait à garantir l'égalité des chances pour tous. Maintenant, elle est devenue une marchandise.

Une école moderne à la fine pointe des services est réservée à ceux qui ont la capacité de payer. Le reportage de La Presse sur le Collège privé Sainte Anne, à Dorval, Une école de rêve, en est un bon exemple. En plus des subventions généreuses accordées aux écoles privées, personne ne s’indigne que Pierre Thibault soit responsable de la conception de ce projet, alors qu'il est président du conseil d’administration du Lab-École. Un organisme mit sur pied par le gouvernement pour développer une expertise dans la construction et la rénovation des écoles publiques. Les gouvernements ont toujours encouragé ce système à deux vitesses.

L'existence de ce réseau privé parallèle au public a engendré le système le plus inéquitable au pays, selon le Conseil supérieur de l'éducation. Le plus troublant, c’est qu’il a créé une véritable fracture sociale véhiculant son lot de préjugés. La honte évoquée par le ministre devrait être celle du gouvernement qui perpétue cette injustice.

Fondamentalement, nos politiciens n’ont pas cru en l'école publique, ce qui a mené à son abandon. Ils ont valorisé, et encore aujourd’hui, la gestion du privé et son idéologie. D’ailleurs, la grande majorité est issue de l'école privée et leurs enfants la fréquentent également. Dans son livre, Et si on réinventait l'école, l'actuel ministre de l'Éducation n'aborde même pas la question de cette compétition déloyale entre le réseau public et privé. Au contraire, il envie le système de gestion décentralisé des écoles privées qu’il aimerait bien instaurer dans le réseau public : « Manquent-elles d'équipement ? Sont-elles gangrénées par des champignons et des moisissures ? Est-ce que les toits coulent ? Non, parce qu'elles sont administrées par des gens responsables, des personnes qui y feront carrière toute leur vie. Le système a permis à chaque école de développer une personnalité propre et de créer un véritable sentiment d'appartenance (…) et de fierté à l'égard de leur établissement. » Justement, c’est cette fierté que nous avons perdue avec la marchandisation de l’éducation et l’abandon de l’école publique. En ne poursuivant pas le rêve de la Révolution tranquille, nous avons laissé la concurrence s’installer entre les différentes écoles au lieu de bâtir un réseau unique de qualité dont tous seraient fiers.

Sommes-nous prêts, comme société, à revenir à une éducation avec des valeurs plus humanistes et égalitaires ? La décrépitude des écoles publiques et notre faible taux de réussite sont une preuve de l'échec de ce système à deux vitesses. Une éducation de qualité n'est pas un choix, mais un droit pour tous. Réinvestir 2,3 milliards est nécessaire, mais cela ne doit pas maquiller un système qui est en train d'imploser. Ces milliards seront dépensés en catastrophe avec leur lot d'inconvénients dans les écoles. Sans compter le manque de main d’œuvre qui occasionne déjà des retards dans les travaux en cours et entrainant une surcharge des coûts. Il serait grand temps d'avoir des états généraux sur l'éducation. Il faut retrouver un consensus social, repenser l’éducation que nous voulons et contester l’iniquité de ce système.

 

Photo : Radio-Canada