La paix : un silence gênant dans le discours des chefs politiques

2019/10/07 | Par André Jacob

L’auteur est vice-président des Artistes pour la paix

Les discours électoraux actuels restent cois sur les enjeux de la paix, de la défense et de la sécurité nationale.

La paix ressemble à un héros oublié dans les mémoires. Le terme même semble inconnu dans le dictionnaire du jargon politique. Ce pourrait s’avérer différent.

Imaginez un seul instant ce qui arriverait si le chef d’un parti politique déclarait :  « Je vous promets la paix. Je m’engage à investir moins dans les dépenses militaires et davantage dans les programmes sociaux ».

Les réactions fuseraient de toute part dans une gamme infinie d’émotions : surprise, incompréhension, joie, scepticisme, déni, impossibilité, utopie… et d’applaudissements d’une mer à l’autre.

Une telle promesse serait annonciatrice d’un projet de développement inimaginable et prometteur en termes de lutte à la pauvreté, de programmes environnementaux, et surtout de l’avènement d’une culture de la paix en opposition à la culture militariste dominante actuellement.

Pour réaliser cette promesse, il devrait ajouter :

Je m’engage à …

  • Signer le Traité d’interdiction des armes nucléaires et le Traité contre le développement des robots tueurs;
  • Séduire le budget militaire de 50 % d’ici la fin de mon premier mandat;
  • Prendre des mesures sévères en vue d’éliminer la fabrication et l’exportation d’armes sur le territoire du pays;
  • Utiliser les sommes ainsi récupérées dans l’éducation, les services sociaux et de santé, le développement des arts, la protection de l’environnement, les infrastructures diverses (routes, etc.);
  •  Instaurer des politiques sociales universelles comme l’assurance-médicaments, l’assurance de soins dentaires, le développement de logements sociaux, l’éducation supérieure gratuite, etc.
  • Renforcer l’éducation et les mesures contre et le racisme et la discrimination;
  • Créer des mesures efficaces de soutien à l’intégration sociale, culturelle et économique des immigrant.s.es et des réfugié.s.es.
  • Instaurer de nouvelles politiques de collaboration dans le développement des communautés des Premières Nations.
  • Bonifier le soutien au développement international, particulièrement en éducation et dans les services de base comme l’accès à l’eau potable et à des services de santé.

Si les chefs des partis politiques lèvent leur visière pour parler de paix d’une mer à l’autre, la voix populaire découvrira ce qui se cachait derrière les masques de l’hypocrisie, les bavardages fallacieux, les promesses futiles et surtout le fardeau des mots creux.

La paix devrait aussi faire parler d’elle en raison des énormes et scandaleuses dépenses militaires consacrées à la fabrication, l’achat et la vente d’armes. Peut-on imaginer que les 29 pays de l’OTAN ont consacré 917 milliards de dollars américains à l’armement en 2017 et ils demandent à tous les partenaires d’en faire davantage. Le Canada, de son côté, s’inscrit dans cette course folle et augmente les budgets militaires : « en prix constants de 2010, le budget militaire canadien est passé d’un peu plus de 19 milliards $ CAD en 2010 à près de 25 milliards en 2017, estime Nicolas Lafont. » (http://www.45enord.ca/2018/03/canada-poursuit-hausse-depenses-militaires...)

Le peuple a le droit de savoir. Le silence des élu.s.es a assez duré. Il importe de réinventer l’histoire. Évoquer le mot paix signifie déjà se mettre en action pour créer les conditions nécessaires à son avènement.  

 

Photo : Radio-Canada.ca