Un Bloc fort à Ottawa ... et après

2019/10/17 | Par Guy Roy

Ce n'est pas pour rien que Yves-François Blanchet est venu à Lévis dans les derniers milles de la campagne. La région de Québec illustre on ne peut mieux une attitude fondamentale d'Ottawa par rapport au Québec. Quand ça compte, on reste une province subalterne.

Les Conservateurs plaident pour un troisième lien et veulent tout simplement flatter une opinion publique manipulée par les Radios Poubelles sur une culture de l'automobile. Alors que les utilisateurs d'automobiles ne paient pas leur part des infrastructures consacrées aux routes par rapport aux coûts qu'assument les utilisateurs des transports en commun, les fabricants d'autoroute réclament toujours une large proportion des fonds publics pour le transport individuel. Aucun automobiliste ne serait prêt à assumer à lui seul tous les coûts de ses caprices pour sa mobilité. Sinon il réfléchirait de façon plus rationnelle à l'utilisation des transports publics.

Mais la démagogie des Radios Poubelles a été capable d'imposer la construction du troisième lien comme la réparation des injustices par rapport à Montréal. Québec reste malgré tout avec le réseau routier le plus élaboré de l'Amérique du Nord par habitant. Et la congestion ne sera aucunement réglée par un troisième lien. Dans cinq ans, tout sera à recommencer.

Les Conservateurs ne sont pas intéressés par la science et le génie urbain. Cela les obligerait à affronter une opinion toute fabriquée à droite dont ils aiment mieux être à la remorque. Ils suivent le courant et comme le Québec ragaillardi s'affirme comme jamais derrière un nationaliste Legault triomphant, Sheer chante la pomme aux Québécois parce qu'ils pourraient lui assurer le pouvoir à Ottawa sans un Bloc fort.

Je disais que la région est une illustration de l'attitude générale du fédéral par rapport au Québec. Les Conservateurs ont exclu les Chantiers Davie de leur Plan de Construction Naval du Canada de 100 milliards de dollar (il y en avait en masse pour tous les chantiers canadiens, y compris les Chantiers Davie : ils ont choisi) et les Libéraux n'ont plus que de vagues promesses comme gage de leur impuissance à corriger cette injustice pendant leurs quatre années de pouvoir. Ils ont reculé devant les menaces de poursuite d'une petite compagnie ontarienne qui n'aura aucun contrat.

Alors des tas de ministres libéraux ou conservateurs, un gouvernement majoritaire, des promesses démagogiques, ... ne valent rien par rapport à des représentants politiques convaincus et convaincants que les intérêts du Québec ne sont mieux servis que par un parti qui y est dévoué. C'est pourquoi Blanchet s'est consacré à le démontrer grâce à un programme qu'un communiste, André Parizeau, a élaboré en collaboration avec un autre indépendantiste, Gilbert Paquette, ce qui a contribué à restaurer l'unité du Bloc après la crise interne.

Cette crise résolue et la consécration du rôle du Bloc dans la promotion de l'indépendance ont mobilisé les indépendantistes à nouveau pour la conquête de la «démocratie canadienne», malgré tout ce qu'elle représente de risque d'anéantissement pour le Québec. Le nationalisme jouant et l'assurance de la présence forte d'un parti plus clairement indépendantiste à Ottawa ont rallié les Québécois à leur propre cause. C'est ainsi que lorsque les enjeux sont clairs, la sagesse populaire accepte habituellement des dirigeants qui lui consacre leur dévouement. La démagogie ne sert personne au bout du compte. Et quel que soit le parti fédéraliste au pouvoir, il devra compter avec un Bloc toujours présent et dévoué à représenter les valeurs et les intérêts des Québécois.

Est-ce à dire que le problème sera réglé pour les quatre prochaines années ? Je ne pense pas. Le fédéralisme jouera à nouveau ses cartes au pouvoir contre le Québec. Legault aura à y faire face.

C'est en grande partie la mobilisation du mouvement indépendantiste qui a fait bouger sur la Davie. Si tant est que l'on ait bougé quelque peu. Il faudra donc continuer les campagnes du Bloc et du PQ avec les nuances nécessaires qui ne les feront pas trop travailler à simplement changer le Canada. Le PQ s'est raffermit là-dessus avec sa récente déclaration de principe : il ne s'agit plus de «gérer une province», mais de «bâtir un pays».

La tentation est forte, une fois un siège acquis, de simplement jouer le jeu du système fédéral. On l'a vu dans le passé avec Bouchard. Et de ne faire plus valoir que la compétition simple du Québec avec le Canada, ou d'un Péladeau avec les monopoles canadiens. Il faudra maintenir l'orientation indépendantiste du rapatriement des pleins pouvoirs à Québec et jouer à fond le souhait des forces vives de la nation de conquérir son égalité jusqu'à l'indépendance.