La réforme Roberge n’égale pas plus de services professionnels

2019/11/18 | Par Jacques Landry

L’auteur est président de la Fédération des professionnelles et professionnels de l’éducation du Québec, FPPE-CSQ

Cent soixante professionnelles et professionnels de plus dans les écoles avec l’argent économisé par l’abolition des commissaires scolaires : c’est ainsi que le ministre Roberge vend sa réforme du réseau scolaire. Comme beaucoup d’éléments contenus dans le fameux projet de loi no 40, ce n’est que de la poudre aux yeux, une goutte d’eau dans l’océan.

En cette Semaine des professionnelles et professionnels de l’éducation, je demande plutôt au ministre de reconnaître à sa juste valeur la contribution à la réussite éducative de ces 10 000 hommes et femmes, ces orthophonistes, psychoéducatrices, psychologues, orthopédagogues, animateurs, conseillères d’orientation, conseillers pédagogiques, architectes, ingénieurs, bibliothécaires et autres qui contribuent chaque jour, par leur expertise unique, à changer le monde un élève à la fois.

Il ne faut pas se leurrer : rien dans la réforme que propose le ministre Roberge ne vient améliorer l’accès des élèves aux services professionnels. C’est dans le prochain budget que nous verrons si le ministre passera de la parole aux actes en augmentant et en protégeant le financement de ces services.

Que le ministre Roberge l’avoue : le salaire des commissaires scolaires ne sera pas transformé miraculeusement en ajout de ressources professionnelles. Au contraire, par le biais de règles budgétaires de plus en plus décentralisées, le ministère accorde désormais aux écoles le pouvoir de choisir le type de ressources – professionnelles, enseignantes ou de soutien – qu’elles préfèrent.

Si des écoles applaudissent ce changement, nous y voyons plutôt une menace à la répartition équitable des ressources. Globalement, il y a plus de professionnelles et professionnels, mais leurs services sont saupoudrés un peu partout, sans vision et sans organisation cohérentes. Résultat? Le nombre de psychologues par élève stagne et le niveau de services universels, dont l’orientation scolaire et les services d’animation, tend même à baisser.

Il faut aussi dire qu’avec les miettes qu’elles reçoivent, plusieurs écoles décident aujourd’hui de sous-traiter au privé ces services essentiels aux élèves. Pendant ce temps, les élèves reçoivent des services incomplets et inadaptés à la réalité du milieu scolaire… sans interventions et suivis dans les milieux. Dans ce contexte, la poursuite du soutien offert ne sera pourvue qu’à grands frais pour les parents.

Il faut le reconnaître, le personnel professionnel ne se bouscule pas aux portes du réseau scolaire, une situation entre autres mise en lumière par les cadres scolaires et les directions d’établissement. « Il y a rareté, sinon pénurie de personnel. Chez les enseignants, ça reste très préoccupant, mais pour les professionnels, c’est pire », selon Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des directions d’établissement (FQDE) (Le Devoir, 18/10/19), qui souligne aussi « l’exode » du personnel professionnel vers d’autres secteurs publics et privés.

Souhaitons que le renouvellement de la convention collective permette d’améliorer les conditions de travail et salariales de ce personnel pour les attirer auprès des élèves qui en ont grand besoin; les enseignants, les directions, les cadres, les experts s’entendent pour le dire. Nous proposons des solutions durables pour favoriser l’attraction et la rétention des professionnelles et professionnels et nous sommes prêts à les faire entendre.

À ce chapitre, il est temps de mettre en place un véritable seuil de services dans le réseau scolaire. Le niveau de ressources professionnelles doit être déterminé par les besoins des élèves et du réseau scolaire. Le personnel professionnel doit cesser d’être la marge de manœuvre budgétaire.

C’est bien davantage que l’ajout de 160 ressources professionnelles qu’il faudra consentir pour réellement faire une différence pour les élèves. Nous estimons que 2 000 ressources doivent être ajoutées pour atteindre un seuil minimal fonctionnel de 5 ressources professionnelles par 1 000 élèves, et ce, uniquement pour les services directs aux élèves. Il en faudra encore davantage pour tenir compte des facteurs de vulnérabilité de certaines écoles et des réalités régionales particulières.

La CAQ a la réputation de tenir ses promesses électorales. Je l’invite à respecter celle qui concerne un seuil de services professionnels décent pour les élèves et les parents du Québec. Ils le méritent bien.