Un enfant de la grande dépression

2019/12/10 | Par André Laplante

Les lecteurs de l’aut’journal ont pu lire les chroniques en santé-sécurité d’Émile Boudreau pendant de nombreuses années. Une série récente de trois émissions Maudit qu’on était pauvres de ferrisson.com réalisée par André Laplante et Nelson Dumais[1] évoque ses années de jeunesse et de formation avant son embauche au Syndicat des Métallos en 1952. C’est toute une époque de l’histoire du Québec que l’on retrouve résumée dans la vie de cet homme. C’est aussi le témoignage d’un homme qui a vécu, qui a appris la vie en vivant comme disent les gens de l’Île-aux-Coudres.

Émile Boudreau est né à Alcida en Acadie. La famille déménage à La Tuque en 1919. En décrivant son enfance et son adolescence, il dresse un portrait vivant et sans concessions de la société québécoise du temps avec la Brown Corporation qui domine la ville et les conditions de vie très dures imposées aux Canadiens-Français. Sa quête par la suite pour se trouver du travail donne lieu à des témoignages qui dépeignent avec acuité la jungle du marché du travail dans le contexte de la crise. Pour survivre, il a été pêcheur, chasseur, trappeur, bûcheron, concierge, vendeur d’assurances et de balayeuses électriques. Sa description des terribles conditions qu’il affronte comme colon en 1936 en Abitibi est saisissante. Il devient mineur en 1944 à la mine Normétal, participe à la fondation du syndicat local et joue un rôle central dans l’adhésion au Syndicat des Métallos en 1951. Il devient permanent de ce syndicat en 1952.

 

Acteur incontournable en santé-sécurité

Maudit qu’on était pauvres montre un homme qui se construit à la dure une compétence en santé-sécurité et plus largement dans le combat syndical qui durera ensuite plus de 40 ans. Les accidents de travail de son père et le sien propre dans une scierie, son contact quotidien avec l’injustice, la pauvreté et le mépris l’ont amené à devenir un permanent syndical aguerri et une personnalité incontournable en santé-sécurité du travail au Québec. Il a entre autres mis sur pied le service en santé sécurité à la FTQ et il sera un des rédacteurs de la loi québécoise en santé sécurité du travail.

 

Un citoyen engagé

Ce n’est pas tout. Tout au long de sa vie, il s’est impliqué en politique notamment au sein du Crédit social puis comme président du Parti social démocratique (PSD), membre fondateur du Parti socialiste du Québec (PSQ), candidat du Front d’action politique (FRAP), candidat du Nouveau parti démocratique (NPD) et membre fondateur du Parti Québécois. Son implication sociale ne se démentira jamais. Il sera ainsi secrétaire de la commission scolaire, de la municipalité et membre du magasin coopératif à Normétal. Plus tard, il sera membre du conseil d‘administration de la Coop des consommateurs de Montréal et président du conseil d’administration de Québec-Presse. À 80 ans, il écrivait, protestait et militait encore tout en menant une existence simple, sans prétention avec sa femme Gertrude dans son logement de la rue St-Denis.

 

Une plume exceptionnelle

Émile a beaucoup écrit. Nous retiendrons ici trois textes qui relatent et complètent la période de sa vie abordée dans Maudit qu’on était pauvres : « De la rue des Anglais aux Métallurgistes-Unis » publié dans la revue Liberté en 1964 qui annonce en quelque sorte son autobiographie « Un enfant de la grande dépression » publiée en 1998 et disponible dans des bibliothèques. Enfin, il y a le touchant article « Notre enfance à La Tuque » publié dans Le Devoir en 1988. Émile évoque les moments passés à jouer avec Félix Leclerc lorsqu’ils étaient enfants.

 

Un témoignage pertinent et émouvant

Ajoutons en terminant qu’il avait donné son approbation pour faire un film sur sa vie. Le projet de faire une biographie complète de cet homme d’exception n’a pu être mené à terme. En revisionnant l’entrevue quelques années plus tard, nous étions en présence d’un témoignage certes incomplet mais toujours pertinent et émouvant d’un homme qui a passé à travers la grande dépression de 1929 dans des conditions extrêmement difficiles.

 

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« Pierre Falardeau et André Laplante ont rencontré Émile Boudreau en 1994. Ce dernier a accepté de participer à un film sur son parcours de vie. Une séance de tournage de deux heures s’est déroulée dans la cuisine d’Émile Boudreau et sa conjointe Gertrude le 11 juin 1996. Pierre Falardeau a été caméraman à cette occasion. C’est à partir de cette matière que les émissions « Maudit qu’on était pauvres » ont été réalisées par André Laplante et Nelson Dumais. En ce qui a trait à la photo elle-même, elle a été prise en 1989 à l’occasion de l’anniversaire d’André Laplante. Son ami Pierre Falardeau lui avait offert à cette occasion un disque d’une cantate de Bach. »

Pour visionner les trois émissions Maudit qu’on était pauvres, cliquez ici.

 

[1]. Une erreur s’est glissée dans l’édition papier du journal l’aut’journal. Pierre Falardeau n’a pas réalisé les émissions « Maudit qu’ion était pauvres ».  Ces dernières l’ont été par André Laplante et Nelson Dumais à partir d’une entrevue d’une durée de deux heures menée en juin 1996 par André Laplante, syndicaliste métallo et Pierre Falardeau, caméraman à cette occasion.