Wexit Canada

2019/12/13 | Par Caroline Côté

Fondé par Peter Downing dans le but de sauver l’économie et la qualité de vie des provinces de l’ouest, Wexit Canada s’inspire du Bloc québécois pour promouvoir la séparation des provinces de l’ouest du reste du Canada. L’ouest canadien se sent exclus, détaché du reste du Canada et a l’impression que la fédération canadienne nuit à son développement : les objectifs de l’ouest semblent incompatibles avec ceux du reste du Canada.

 

Ce graphique illustre une des différences entre l’ouest et l’est canadien. Aux élections fédérales de 2019, les provinces du centre et de l’est ont voté majoritairement pour les libéraux, tandis que les provinces de l’ouest ont voté pour les conservateurs. L’ouest semble en effet « détaché » des autres provinces. Qu’en serait-il s’il y avait eu, dans ces provinces-là aussi, des partis séparatistes semblables au Bloc québécois?

Source : graphique de Caroline Côté d’après les données d’Élections Canada

Élections Canada a entamé le processus de vérification qui pourrait mener à la création d’un parti politique officiel. Des partis devraient voir le jour sous peu, tant au niveau fédéral que provincial. Wexit Canada souhaite qu’un référendum sur l’indépendance ait lieu dans chaque province : Colombie-Britannique, Alberta, Saskatchewan et Manitoba. Advenant une victoire de la séparation, on ne sait pas encore si les provinces de l’ouest décideraient de former une fédération ou bien si elles seraient indépendantes les unes des autres.

 

Désaccords sur les lois et les mesures énergétiques canadiennes

Dans l’ouest canadien, plusieurs souhaitaient un retour des conservateurs au pouvoir car ils sont en désaccord avec les idéologies et les politiques Justin Trudeau. Pour de nombreux citoyens, les lois adoptées ces dernières années ont freiné le développement de l’ouest canadien. Selon Peter Downing, la gestion de l’agriculture sous les libéraux est catastrophique pour les agriculteurs saskatchewanais. Le système de péréquation est lui aussi critiqué.

De plus, les mesures énergétiques proposées par le gouvernement libéral sont loin de faire l’unanimité : plusieurs croient que la taxe carbone va « tuer » les industries de l’ouest. L’opposition aux projets énergétiques cause aussi bien des frustrations, surtout en Alberta : le projet d'oléoduc Énergie Est (transport du pétrole albertain jusqu’au Nouveau-Brunswick) a dû être abandonné et la Colombie-Britannique s’est opposée à l'élargissement de l'oléoduc Trans Mountain.

 

Sous-représentation des provinces de l’ouest au parlement

Selon Wexit Canada, il y aurait un déséquilibre des sièges à Ottawa. En effet, le nombre de sièges attribués à chaque province du Canada est en proportion avec le poids de sa population. Cela fait en sorte que certaines provinces sont peu représentées, puisque leur population est moins grande.

Ainsi, l’Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba n’ont que 18,3% des élus au total et ils ont l’impression que les intérêts de l’Ontario et du Québec sont mieux représentés, puisque ces deux provinces comptent à elles seules 58,9% des élus. Les provinces de l’est étant plus représentées que celles de l’ouest, ils ont l’impression que le Canada se concentre uniquement sur la prospérité de l’est, au détriment de l’ouest.

 

Le long processus de séparation des provinces

Selon Daniel Béland, directeur de l’Institut d'études canadiennes de l’Université McGill, le processus de séparation est long, complexe et très difficile à réaliser. La province désirant se séparer doit négocier non seulement avec le Canada, mais avec les gouvernements de toutes les provinces. Ce processus de négociation implique donc de nombreux acteurs et est ardu à réaliser… Dans le cas où l’indépendance l’emporterait, celle-ci ne se réaliserait pas avant plusieurs années. On peut penser au Brexit, en Europe : le référendum a eu lieu en 2016 et le Royaume-Uni n’est toujours pas sorti de l’Union européenne…

La séparation de certaines provinces de l’ouest constituerait un défi géographique. Si la Colombie-Britannique restait avec le Canada, la Saskatchewan et l’Alberta deviendraient un pays enclavé, sans aucun accès à l’océan. Ils devraient donc constamment négocier avec le Canada ou les États-Unis. Construire des pipelines, par exemple, est toujours plus difficile lorsqu’on a à négocier avec des pays étrangers au lieu de provinces au sein d’un même pays. L’accès de l’est à l’océan pacifique et de l’ouest à l’océan Atlantique pourrait aussi être limité.

 

« Réparer » la fédération est-il possible ?

Serait-il possible de « réparer » la fédération plutôt que de s’en séparer ? Wexit Canada constate que peu importe le parti au pouvoir au cours des dernières décennies, il y a eu peu de changements permettant d’améliorer le fonctionnement de la fédération. Pourtant, ce serait essentiel : l’idée d’une séparation gagne de plus en plus de provinces et il conviendrait de prendre au sérieux les causes des divergences et des insatisfactions. Serait-il possible de concilier toutes les aspirations de ces provinces, d’en faire un tout qui fonctionne bien, malgré ses différences ?

Un sondage mené par Abacus en juillet 2019 fait ressortir des différences importantes entre les provinces où l’idée d’une séparation du Canada existe. La proportion de souverainistes québécois qui croient qu’il faut agir dès maintenant pour lutter contre les changements climatiques (72%) est beaucoup plus élevée que chez les souverainistes de l’Alberta et de la Saskatchewan (14%). Pour 86% d’entre eux, les changements climatiques seraient un phénomène inévitable ou bien carrément un canular, alors que seulement 28% des souverainistes québécois partagent cette opinion. Les opinions concernant l’immigration sont aussi très opposées : 61% des souverainistes québécois croient que les immigrants sont un bénéfice pour le Canada, mais seulement 38% des souverainistes d’Alberta et de Saskatchewan partagent cet avis.

Étant donnée toutes ces différences d’opinions et de croyances, il est très difficile d’en venir à un consensus sur les actions en termes de lutte aux changements climatiques ou encore sur les politiques d’immigration. À cause de ces divergences, une décision du gouvernement fédéral risque de satisfaire l’est au détriment de l’ouest et vice versa. Peut-on concilier ce qui semble inconciliable ? Comment pourrait-on y arriver ?