Quand les règles référendaires avantagent le statu quo

2020/01/06 | Par Mercédez Roberge

Autrice de « Des élections à réinventer » (2019) et notamment présidente, de 2003 à 2010, du Mouvement démocratie nouvelle

En cette période où l’on se remémore des événements ayant marqué l’année, il importe aussi de souligner ceux qui n’ont pas reçu suffisamment d’attention; ce fut le cas du dépôt, le 5 décembre, de l’équivalent d’une nouvelle loi référendaire.
 
Alors qu’il devait combler le vide laissé dans le projet de loi no 39, Loi établissant un nouveau mode de scrutin, quant au référendum qu’il propose pour l’entériner, le gouvernement en a profité pour introduire des règles qui favorisent le statu quo. En plus d’utiliser une méthode bien cavalière pour changer la Loi sur la consultation populaire, le gouvernement dévoile une vision inquiétante qui pourrait s’appliquer à des référendums futurs, quels qu’en soient les sujets et les dates.
 
Dans un référendum, le camp du Oui a une lourde tâche. Dans le présent contexte, il devrait mettre en lumière les déficiences du système électoral actuel et présenter le fonctionnement d’un modèle de remplacement. Cela équivaut à vendre un produit avant qu’il ne soit sur le marché. Le camp du Non n’aurait pour sa part qu’à invoquer la peur du changement et la facilité du statu quo, ce qui, contrairement au camp du Oui, se résume dans un clip de 15 secondes.
 
Or, le gouvernement choisit d’accentuer ce déséquilibre au profit du camp du Non en n’assurant pas l’accès à l’information. En effet, ni le Directeur général des élections (DGE), ni aucune instance neutre n’informeraient la population. Qui plus est, des cinq mois de campagne, il n’en resterait que la moitié puisqu’il est peu probable de capter l’attention de la population entre la mi-juin et la fin août, sans compter que les listes électorales ne seraient transmises aux camps référendaires qu’en septembre, alors qu’elles sont leur outil de travail.

Aussi, en décourageant la participation du monde politique, notamment financièrement, le gouvernement réduirait la visibilité médiatique du référendum. Ajoutons à cela l’allocation financière réduite à 850 000$, soit le tiers du montant alloué en 1995, et il est clair que le gouvernement avantage le statu quo en restreignant l’accès à l’information complète.
 
La liberté d’expression des camps référendaires serait également limitée par des règles leur interdisant, de mai jusqu’au référendum, toute dépense pouvant favoriser ou défavoriser l’élection d’un parti ou d’une personne. Comment le camp du Oui illustrerait-il les distorsions entre les votes et les sièges, sans nommer les partis? Comment dire que c’est le moment de changer, sans référer aux démarches actuelles et passées des divers partis?
 
Le DGE détiendrait pour sa part un nouveau pouvoir discrétionnaire puisque, devant plusieurs demandes, il choisirait l’organisme formant le camp référendaire, ce qui est d’autant plus préoccupant que le gouvernement abolirait le Conseil du référendum, formé de trois juges, pour un recours vers un seul juge.
 
Avant que les appréhensions de son caucus envers un nouveau système électoral le fassent changer d’avis, le premier ministre François Legault disait qu’un référendum n’était pas nécessaire et que l’élection de 2022 se ferait sous un nouveau mode de scrutin. Ce revirement ne s’est évidemment pas produit par vertu démocratique, mais par calcul. Le référendum permettrait en effet au gouvernement de se déresponsabiliser du résultat – positif ou négatif. Si l’on pouvait alors lui accorder le bénéfice du doute devant cette manœuvre d’évitement, voir le gouvernement proposer ensuite des règles référendaires favorisant le statu quo dépasse les bornes.
 
La consultation sur le projet de loi 39 se tiendra durant les prochaines semaines. En plus d’y exposer les lacunes à corriger afin d’obtenir un système électoral où toutes les personnes et toutes les idées comptent, je m’opposerai vigoureusement à la tenue d’un référendum, car il serait inéquitable, peu importe le moment.
 
 Voir tous les détails sur les amendements déposés.