La nécessaire indépendance du Québec en temps de guerre

2020/01/23 | Par Robin Philpot

Quand il y a menace de guerre, quand il y a une montée des tensions internationales, comme maintenant ou en temps de guerre, la question du statut politique du Québec devient primordiale.

Serons-nous entraînés dans une guerre internationale contre notre gré et contre nos intérêts?

En 1960, un journaliste canadien, James Minifie, a écrit un livre dont le titre est très évocateur : Artisan de paix ou boutefeu, Le rôle du Canada dans un monde révolutionnaire. En gros, sa question était la suivante : le Canada est-il un pays qui travaille au maintien de la paix dans le monde, ou est-il un boutefeu de Washington?

Soixante ans plus tard, sa question frappe toujours dans le mille. Car, il faut reconnaître que la politique du Canada sous Trudeau, comme sous Harper, est celle d’un boutefeu.

Les exemples sont très nombreux. Ils vont de la Chine, à la Russie, à la Syrie, à la Palestine et surtout à l’Iran.

Mais quelle est le rapport avec l’indépendance du Québec?

Un petit regard en arrière nous aiderait à y répondre. Lors des guerres du 20e siècle et de la première décennie du 21e siècle – guerre des Boers, première et seconde guerre mondiale, guerre du Vietnam et guerre contre l’Irak – les Québécois ont bien démontré leur refus d’être entraînés contre leur gré dans des guerres étrangères et impérialistes.

Mais ils y ont été entraînés quand même, sauf pour la guerre au Vietnam et la guerre contre l’Irak de 2003. (Rappelons que ce sont les énormes manifestations de l’hiver 2003, surtout à Montréal, qui ont poussé Jean Chrétien à refuser de participer à l’invasion de l’Irak.)

Aujourd’hui, la menace d’une guerre contre l’Iran pèse très fort. Et que fait le Canada, et par conséquence le Québec, tant que son statut politique ne change pas? Le Canada joue le boutefeu, pire que jamais. Les répercussions sont nombreuses et ça coûte cher sur tous les plans.

Lors de la dernière campagne électorale, dans les débats en français et en anglais, le chef du Bloc Québécois, Yves-François Blanchet, a eu une brillante réplique au sujet de la détention de Mme Meng de Huawei, exigée par Washington, mais aussi directement liée au conflit de Washington avec l’Iran.

Blanchet a d’abord bien décrit le déroulement de l’arrestation et de la détention et le coût que ça a entraîné, notamment pour les producteurs de porc et de canola au Québec et au Canada. Ensuite, il a lancé : « Le Canada ne peut pas jouer les gros bras avec une puissance comme la Chine, quand il ne les a pas ». Il a ajouté que le Canada abandonnait sa souveraineté. Voici un souverainiste qui défend la souveraineté du Canada parce qu’un de ses vis-à-vis des autres partis ne le faisait pas.

Aucun chef de parti n’a osé répondre, et aucun média canadien n’a daigné répéter ce que Blanchet a dit. Ils savaient tous que Blanchet avait raison. Une bonne déclaration, oui, mais le Québec est entraîné quand même dans une guerre commerciale coûteuse avec la Chine. On devient des quêteux de Donald Trump pour qui les intérêts du Québec sont le cadet de ses soucis.

Comment le Canada se comporte-t-il à la suite la tragédie aérienne du Vol 752 des lignes aériennes ukrainiennes? La réponse courte : il joue les boutefeux.

Washington est en quasi état de guerre avec l’Iran depuis qu’il a assassiné le général Soleimani et 10 autres personnes à Bagdad, le 3 janvier dernier. L’Iran a riposté, comme il se doit en légitime défense et de façon proportionnée. Mais, dès ce moment-là, il était en état d’alerte maximale, ce qui est sûrement à l’origine du tir qui a abattu l’avion. Notons que les victimes sont très majoritairement des Iraniens et des Irano-Canadiens.

Que fait le Canada? Eh bien, il demande une désescalade. Mais à qui? À l’Iran ! Demande-t-il une désescalade de la part de Washington? Non. Pas un mot de reproche à Donald Trump, lui qui célébrait bruyamment l’assassinat du général Soleimani.  Même, le ministre de la défense du Canada dit que ce général est un très mauvais personnage. Pourtant, M. Soleimani était en Irak dans une mission de paix lors de l’assassinat. De plus, on lui avait fait des éloges pour son rôle dans le combat contre l’État islamique, qui serait normalement notre ennemi commun.

Mais ça n’arrête pas là. Le ministre des Affaires étrangères a présidé une réunion à Londres des pays dont des ressortissants sont morts dans la tragédie du Vol 752. Qui est là, le Royaume-Uni, l’Afghanistan (gouvernement fantoche), l’Ukraine (gouvernement pro-Washington), et le Canada? Un grand absent, l’Iran.

Monsieur Champagne, la grande majorité des victimes de cette tragédie sont iraniennes ou des Iraniens possédant la double citoyenneté. Et vous avez choisi de ne pas inviter l’Iran? De faire bande à part? D’attaquer l’Iran au lieu de collaborer avec ce pays? Vous appelez à une désescalade, mais vous faites tout pour engendrer une escalade des tensions. 

Les boutefeux de Washington, comme le Canada, sont prêts à faire feu de tout bois. Bref, en temps de guerre ou de menace de guerre, même de grandes tragédies comme ce vol 752 sont transformées en armes.

Dans ce climat de tensions aiguës, le Québec aura d’importants choix à faire.

Serons-nous du côté des pays qui cherchent une indépendance politique des grandes puissances impériale et coloniales, comme la Syrie ou l’Iran, ou accepterons-nous de rentrer dans le rang et nous faire entraîner dans des guerres impériales meurtrières et qui sont carrément contre ces intérêts.

Voilà le gros défi devant nous.

NOTE : Il y aura manifestation contre la guerre le samedi 25 janvier à 13 h. Rendez-vous à la Place Norman-Bethune, angle De Maisonneuve et Guy. Cette manifestation fait partie d’une mobilisation mondiale.